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A la découverte de la case qui a vu naître Sekou Touré

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[dropcap]Q[/dropcap]uestion pour un champion : où se trouve la tombe de Sékou Touré ? Trente ans après la disparition de l’ancien président guinéen, ses compatriotes ne savent toujours pas avec certitude où il est enterré. Nos historiens contemporains n’ont jamais réussi à se mettre d’accord pour nous prouver de façon irréfutable que la dépouille mortelle du président Touré repose bien au cimetière de Camayenne, à Conakry, comme le prétend la version officielle.

Case de naissance de Sékou Touré, à Sidakoro – crédit photo: Alimou Sow
Case de naissance de Sékou Touré, à Sidakoro – crédit photo: Alimou Sow

Le 26 mars 1984, le premier président de la Guinée indépendante, Ahmed Sékou Touré (AST), meurt d’une crise cardiaque dans une clinique de la ville de Cleveland, aux Etats-Unis. Le 28 mars, ce qui est présenté comme son « corps » est rapatrié à Conakry pour des funérailles grandioses, mobilisant des dizaines de chefs d’Etat et de gouvernement venus du monde entier pour assister à l’inhumation le 30 mars.

A peine les délégations réparties qu’une folle rumeur s’empare du pays. Ce ne serait pas la dépouille mortelle du président Sékou Touré qui a été enterrée à Conakry ! Les tenanciers de cette version s’appuient sur plusieurs hypothèses, des plus crédibles (AST serait enterré à  Médine, en Arabie) aux plus farfelues (les médecins américains l’auraient décapité pour étudier son crâne,…).

Dans le troisième tome du hors-série de Jeune Afrique, « Dossiers secrets de l’Afrique contemporaine », publié en 1991, l’historien guinéen, Ibrahima Baba Kaké, conclut l’enquête qu’il consacre à cette mystérieuse affaire par la phrase suivante : « Espérons qu’un gouvernement prendra un jour la décision courageuse d’ouvrir le cercueil de la Camayenne pour résoudre définitivement l’énigme que nous a léguée le grand Syli ».

Aucun gouvernement n’a encore eu ce courage et le « grand Syli » reste endormi probablement dans son sarcophage. Y songe-t-on d’ailleurs ?

Bref, les Guinéens ignorent où est enterré leur premier président. Mais pas où est né celui-ci.  

Sur la page Wikipédia consacrée au très controversé Sékou Touré, il est mentionné qu’il est né dans la préfecture de Faranah, sans plus de détails. A la faveur d’une récente virée dans cette localité, j’ai pu  mettre pied à l’intérieur de la case de naissance de l’ancien Responsable suprême de la Révolution, au village deSidakoro.

Pour arriver à Sidakoro, il est préférable de se lever de bon matin. A l’est de la ville de Faranah,  au centre de la Guinée, une piste poussiéreuse s’enfonce dans la savane qui devient forêt au fur et à mesure que l’on s’avance. Le paysage est agréable, quoique brumeux en cette fin d’année. De gros baobabs chauves dominent la végétation et servent des repères aux voyageurs étrangers. Des rizières de mi-décembre jaunissent la campagne aux milles senteurs. Les vaches paissent tranquillement au milieu des champs. Nous sommes dans la vallée du Djoliba (Niger).

Au bout d’une heure et trente minutes en 4×4 pour parcourir la cinquantaine de kilomètres, surgit Sidakoro. Le village, qui ne paie de mine, se dresse à la lisière de l’immense Parc du Haut-Niger (1,2 million d’hectares) abritant diverses espèces animales et végétales. Des jeunes garçons vêtus de haillons et couverts de poussière accourent pour intercepter notre cortège de véhicules. Quelques vieilles personnes à la démarche soutenue par une canne nous souhaitent la bienvenue. Un vieil homme s’avance et tend l’index vers une case qui attire l’attention : « c’est la maison de Sékou » annonce-t-il, laissant découvrir des dents jaunies par la noix de cola.

La maison en question est une case dans la case ! (voir photo). Une construction en ciment surmontée d’un toit conique de tôle ondulée protège un muret en banco d’environ deux mètres de hauteur. Le mur circulaire est ouvert de deux portes opposées. A l’intérieur, on distingue un rebord qui devait servir de lit en terre. C’est en ce lieu rustique qu’est né Sékou Touré, premier président de Guinée, le lundi 9 janvier 1922. Son portrait est accroché à l’entrée, à droite, aux côtés de celui de Sékouba Konaté, ancien président de la transition (2009-2010), auteur de la construction de protection de la case en ruine.

Le vieil homme improvisé guide demande à chaque visiteur de faire des invocations à l’intérieur de la case. Il est le seul à se déchausser avant d’y pénétrera avec déférence.

Un majestueux baobab (Sida en langue locale malinké) se dresse devant la maison de naissance. Il est à l’origine du nom du village Sidakoro qui signifie littéralement « sous le baobab ». Les sages de Sidakoro, intarissables d’anecdotes, racontent à qui veut les entendre qu’à sa naissance, le bébé Sékou a été lavé non pas à l’eau de canari, mais à celle puisée dans le creux du baobab d’en face. Pas de creux visible sur le tronc de l’arbre mais on veut bien les croire sur parole…

Ce que l’on sait avec certitude c’est que Sékou Touré est l’ainé des trois fils d’Alpha Touré, boucher à Sidakoro. Il est également descendant de Samory Touré par la lignée de sa mère, Aminata Fadiga, fille de Bagbè Ramata Touré elle-même fille du grand Almamy Samory Touré (1830-1900).

L’enfance de Sékou Touré à Faranah et à Kissidougou est caractérisée par des défis envers l’autorité, y compris pendant ses études. Devenu syndicaliste, puis président de la République à l’indépendance du pays, en 1958, Sékou Touré, « le père de l’indépendance », se mue peu à peu en un redoutable dictateur et fait périr de milliers de Guinéens, notamment dans le tristement célèbre Camp Boiro de Conakry (rebaptisé camp Camayenne).

Devant sa case de naissance, dans le paisible village de Sidakoro, on imagine mal comment le fils prodige de la contrée a pu devenir un président si impitoyable et à la fin si énigmatique.

Arrière-petit fils du sanguinaire Samory Touré et fils de boucher, n’était-il pas naïf de s’attendre à ce que Sékou Touré soit un enfant de chœur ?

Par Alimou Sow (in Ma Guinée Plurielle)

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1 commentaire
  1. Kemo dit

    J’ai les ames aux yeux d’avoir entendu que son crane a ete etudier

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