Ce lundi 27 mai, face aux membres du Conseil national de la transition, le Premier ministre a tenu à clarifier que la mise en place de l’Observatoire guinéen d’autorégulation de la presse (OGAP) n’est pas le fruit d’une injonction des autorités gouvernementales. Il a mis l’occasion à profit pour lever un coin de voile sur les dessous de ces deux responsables à la primature avec les associations de presse. Décryptage.
‘’Ce n’est pas une injonction. Ce sont les responsables des organes de presse qui ont estimé qu’il y a eu de sérieux dérapages. Ils ont préconisé un mécanisme d’autorégulation interne qui n’a rien à avoir avec la Haute autorité de communication (HAC). Donc, ce n’est pas une injonction hein. Ce n’est pas le gouvernement qui leur a dit qu’il faut faire coute que coute ça. Ils se sont engagés à une charte d’autorégulation.
Pour rappel, la situation était bloquée. Quand j’ai été nommé le 27 février, je les ai invités à la primature pour que je sache quel est réellement le problème. Ils ont exprimé leur désidérata. J’ai pris l’engagement de faire le tour de l’ensemble des acteurs et institutions concernés. Ça m’a pris pratiquement les mois de mars et d’avril. Lorsque j’ai eu le feu vert de Son Excellence M. le président de la République, je les ai invités le 2 mai pour leur dire : ‘Voilà la situation. Il faut que vous soyez professionnels, c’est-à-dire respecter les principes de déontologue du métier de journaliste. Vous avez librement décidé de mettre en place une charte d’autorégulation. Donc, travaillez sur ça. Je reste à l’écoute. Dès que vous aurez terminé, à partir de ce moment, je ferai le nécessaire pour avoir le blanc-seing de Son Excellence M. le président de la République’.
Du 2 au 21 mai, c’est comme si une mouche les avait piqués davantage. La sanction est tombée le 21 mai et le 22 mai, je reçois la charte d’autorégulation. Donc, c’est le médecin après la mort. Il faut que ça soit clair. Nous leur avons tendu la main. J’ai pris la responsabilité d’engager ma crédibilité en pensant qu’ils auraient compris qu’il y a nécessité d’améliorer le processus de l’exercice du métier de journaliste dans le pays pour plusieurs raisons.
Nous sommes dans un environnement fragile. Nous avons vu ce que des médias ont pu commettre en Côte d’Ivoire lors des évènements de 2009-2010 avec des presses ultra–partisanes qui ont alimenté les graines de la haine et de la guerre civile. Nous avons vu ce que la radio Mille collines a fait au Rwanda.
Dans ce pays, nous ne pouvons pas nous permettre, dans un contexte de déstabilisation généralisée de l’Afrique de l’Ouest, qu’on laisse libre-court à des mécanismes susceptibles de remettre en cause les fondamentaux de la stabilité et de la sécurité nationale. Quiconque le fait, il sera totalement irresponsable. C’est une question de responsabilité.
Si les responsables des organes de presse avaient le souci de leur responsabilité sociale en tant qu’investisseurs, responsables d’entreprise qui emploient des gens, je peux être mécontent, mais derrière moi, il y a des dizaines et des dizaines de pères et de mères de famille qui dépendent de l’entreprise qui les nourrit, qui les entretient. Ma responsabilité en tant qu’investisseur ou chef d’entreprise, c’est de sauvegarder ce patrimoine, parce qu’au-delà de la personne qui a investi, il y a des centaines de personnes qui sont derrière. Mais si si on n’en a cure, chacun ne s’intéresse qu’à son propre égo sans se poser la question de savoir si son action a-t-elle un impact sur la vie des milliers et des milliers de gens, il va de soi que dans ce contexte, c’est la jungle.
Notre pays doit changer. Nous sommes dans un environnement où nous sommes en train de gérer une transition avec des enjeux extrêmement importants, des institutions à bâtir, une approche constructive à consolider. Si on peut se permettre de laisser n’importe qui remettre en cause n’importe comment les fondements sur lesquels la paix et la stabilité peuvent régner, en tout cas, moi je ne serai pas cette personne-là (…).
Je serai radicalement opposé à toute dérive susceptible de remettre en cause la paix et la stabilité dans ce pays. Dans aucun pays au monde, certains médias pourront s’exprimer comme ce que nous enregistrons en Guinée. La liberté de la presse ne veut pas dire une licence absolue pour insulter, diffamer.
Sous prétexte d’une certaine liberté de la presse, on s’attaque aux autorités morales les plus respectés dans ce pays. Dans quelle société sommes-nous ? C’est ça la liberté d’expression ou de la presse ? Soyons nous-mêmes. N’oublions pas d’où nous venons et qui sommes-nous. Le respect est une valeur qui est partagée par toutes les communautés nationales dans ce pays. Si l’irrespect devient la valeur, ça ne sera plus la République, mais la junte. Tous les pays qui sont dans cette situation se retrouvent aujourd’hui dans des situations désastreuses de guerre”.
Par Pathé BAH, pour VisionGuinee.Info
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