Le procès en appel de l’ancien président de l’Assemblée nationale sous le régime d’Alpha Condé, Amadou Damaro Camara, s’est poursuivi ce jeudi 17 avril devant la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF).
Condamné à 4 ans de prison en première instance, Damaro Camara est accusé de détournement de 15 milliards de GNF destinés aux travaux de la construction du siège de l’Assemblée nationale.
Lors de cette audience, Damaro Camara a expliqué comment il s’est retrouvé incarcéré à la maison centrale de Conakry depuis trois ans. Selon ses déclarations, c’est une lettre anonyme de feu Louncény Camara, alors président de la commission infrastructures au parlementaire, qui a conduit à son placement en détention.
« Pour être très bref, Quand j’ai été informé par M. Kim, feu Louncény Camara était le président de la commission infrastructures. Je lui ai remis le premier chèque de 900 millions pour aller payer à l’entreprise de M. Kim.
Son entreprise, son siège est jusque vers Coyah. Mais lui, il est dans sa tour jumelle à Bambeto. Je lui ai dit qu’il pouvait aller là-bas pour lui remettre le chèque pour son entreprise. Il aurait demandé de l’argent à M. Kim. Ce dernier m’a appelé pour me dire : ‘M. Camara, je vous ai dit que je ne veux pas de ce marché. Je ne gagne rien. Mais voilà que ton envoyé me demande de l’argent’. Je lui ai dit : ne donne rien. Si tu donnes quoi que ce soit, c’est à titre personnel. On ne t’a pas demandé de commission’.
Une semaine, deux semaines après, j’ai donné les 900 autres millions pour aller remettre à M. Kim. Ce dernier lui aurait donné 20 millions parce qu’il devait aller à Macenta. Il me l’a fait savoir, des jours après, il m’a dit : ‘M. Camara, je sais que vous allez l’apprendre. Je préfère vous le dire. J’ai donné 20 millions à Loucény’. Je n’étais pas content. J’ai dissous la commission. C’était ma façon de le sanctionner. Pas content, il a écrit au président d’alors le professeur Alpha Condé pour lui dire que j’ai dissous sa commission pour me partager les 15 milliards GNF avec des amis. Le professeur a appelé certains membres du bureau de l’Assemblée nationale et certains présents de commission. Et c’est quand ces personnes sont arrivées dans sa salle d’audience qu’il m’a appelé pour dire M. Damaro : j’ai reçu une lettre. Je suis obligé de prendre mes dispositions. J’ai dit : prenez vos dispositions avec la dernière énergie. C’est comme ça que je l’ai répondu.
Il a donné la parole à Louncény. Quand ce dernier a fini d’expliquer, le président lui a dit : ‘Louncény, tu n’es pas sérieux. L’argent que je n’ai même pas payé encore, comment tu peux accuser Damaro de l’avoir détourné ? Il lui a jeté la lettre. Il a demandé aux invités de quitter son bureau. Et d’aller régler ça dans le groupe parlementaire. Après, c’est le président même qui m’appelle pour me faire ce compte-rendu. Ils sont venus au groupe parlementaire. On a failli porter main sur Louncény.
Après le 5 septembre 2021, Louncény Camara, je ne vais pas rentrer dans ce détail, relance par une lettre anonyme pour dire que les 15 milliards ont été…il était toujours dans la logique de vengeance.
On nous a appelés. La personne a précisé, attention, son véhicule se suivait avec le véhicule d’un patron de la gendarmerie. C’était un vendredi.
Le lundi, j’ai reçu la convocation d’aller à la gendarmerie. Ça nous a pris trois semaines, je crois, d’enquêtes. Conclusion : rapporté au haut commandant de la gendarmerie, dans le dossier de l’honorable, il n’y a rien. Il lui a été recommandé de me laisser aller à la maison. Je suis resté à la maison pendant un bon moment.
Après, ils m’ont appelé de venir signer le PV que je n’avais pas pu signer parce qu’il y a eu coupure de courant. Je devais aller au champ, le 25 avril. Ils m’ont dit de venir le 27.
Le 27, je suis venu donc. On a commencé à tirer le PV. Après trois pas, il y a eu encore coupure. Nous sommes restés à attendre le courant. On dit, ah, il y a du nouveau, on doit aller à la CRIEF. On m’a trimballé à la CRIEF le 27 à 11h30. On m’a fait asseoir sur une petite chaise dans le couloir, ici. De 11h30 à minuit 30, j’étais assis là pendant 13 heures, le mois de carême 2022. C’est à minuit 30 qu’on me fait rentrer dans une salle pour m’annoncer que l’audience est ouverte.
Pendant la journée, mon fils qui est à Paris m’appelle et me dit : papa, Akoumba vient de dire sur FIM que tu seras en prison aujourd’hui. J’ai dit, mais d’où tu tiens ça ? Il me dit que les membres du gouvernement qui sont à la gendarmerie vont rentrer aujourd’hui, mais que le gros poisson ira à la maison centrale qu’on serait même en train de peindre la toilette de sa cellule.
Alors, quand on m’a amené, je dis au jeune juge : ‘je suis tellement fatigué, amenez-moi rapidement. Mais est-ce que vous avez au moins les enquêtes préliminaires de la gendarmerie ? Ils m’ont dit : nous n’avons rien reçu, il n’y a que l’accusation du procureur spécial. Une longue liste d’accusations de propriétés que j’ai, des mines, des comptes bancaires, etc.
On m’a amené à la maison centrale à 1h du matin. Quand je suis rentré dans la cellule, mon codétenu m’a dit quand j’allais dans la toilette : grand frère, fais attention, la peinture est fraîche. Je lui ai dit : oui, je le savais.
Il m’a demandé : comment tu le savais ? La radio l’a annoncé le matin, avant que je ne vienne. Voilà le début de cette histoire ».
Salimatou BALDE, pour VisionGuinee.Info
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Dieu en fera la part des choses inchallah