Procès relatif au massacre du stade 28 septembre commis en Guinée en 2009 : Questions et réponses

Le 28 septembre 2022, les autorités judiciaires guinéennes ont ouvert le procès, longtemps retardé, de 11 hommes – parmi lesquels figurent d’anciens ministres du gouvernement et un ancien président – accusés d’être responsables du massacre par les forces de sécurité guinéennes de plus de 150 manifestants pacifiques et du viol de dizaines de femmes dans un stade de Conakry, la capitale, en 2009. Ce procès est le premier de ce type pour des violations des droits humains de cette ampleur devant des tribunaux nationaux en Guinée.

Human Rights Watch a suivi l’évolution de ce procès historique avec l’aide d’avocats et d’organisations de la société civile locales et internationales, notamment l’Association des victimes, parents et amis du 28 septembre 2009 (AVIPA), l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme (OGDH) et la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH). Un avocat guinéen a observé les séances du procès en personne et le cabinet d’avocats Borden Ladner Gervais LLP a visionné des séances du procès par vidéo pour Human Rights Watch.

À l’occasion du premier anniversaire de l’ouverture de ce procès et du quatorzième anniversaire de ces crimes, ce document de questions-réponses fournit des informations sur les progrès réalisés et sur les efforts déployés par les autorités guinéennes, la Cour pénale internationale (CPI) et d’autres acteurs nationaux et internationaux pour garantir que la justice soit effectivement rendue pour ces crimes.

1. Que s’est-il passé le 28 septembre 2009 et les jours qui ont suivi à Conakry, en Guinée ?

Au matin du 28 septembre 2009, plusieurs centaines de membres des forces de sécurité guinéennes ont fait irruption dans un stade à Conakry, la capitale, et ont ouvert le feu sur des dizaines de milliers de partisans de l’opposition qui s’y étaient rassemblés pacifiquement. En fin d’après-midi, au moins 150 Guinéens étaient morts ou mourants dans le complexe du stade et dans ses alentours.

Des corps étaient éparpillés sur le terrain, écrasés contre des barrières entrouvertes, suspendus aux murs et empilés à l’extérieur des vestiaires dont les portes avaient été fermées par les quelques personnes terrifiées qui étaient arrivées les premières. Des dizaines de femmes présentes au rassemblement ont subi des violences sexuelles brutales de la part des forces de sécurité, notamment des viols individuels et collectifs et des agressions sexuelles commises à l’aide d’objets tels que des bâtons, des matraques, des crosses de fusil et des baïonnettes.

Après les violences, les forces de sécurité ont organisé une opération de dissimulation organisée. Elles ont bouclé le stade et les morgues, d’où elles ont retiré des dizaines de corps pour les enterrer dans des fosses communes. Des membres des forces de sécurité qui se sont déployés dans les quartiers où vivait la majorité des partisans de l’opposition ont commis de nouveaux abus, notamment des meurtres, des viols et des pillages. Des membres des forces de sécurité ont détenu arbitrairement des dizaines d’autres partisans de l’opposition, dont beaucoup ont été victimes d’abus graves, y compris de tortures.

Une enquête de Human Rights Watch a indiqué que les meurtres, viols et autres abus commis le 28 septembre et après cette date relèvent de crimes contre l’humanité. Ces exactions ne sont pas le fait d’un groupe de soldats dévoyés et indisciplinés. L’absence de toute provocation apparente de la part des manifestants, combinée à la manière organisée dont les forces de sécurité ont mené l’attaque, à la non-utilisation de moyens non létaux de dispersion de la foule et à la présence de responsables, y compris d’un ministre avec des responsabilités en matière de sécurité, suggère que les crimes ont été prémédités et organisés. Une commission d’enquête internationale est parvenue à des conclusions similaires.

2. Quand le procès historique pour ces crimes a-t-il commencé et pourquoi est-il si important ?

Le procès a débuté le 28 septembre 2022, 13 ans jour pour jour après le massacre dans la capitale Conakry.

L’ouverture du procès, bien qu’attendue depuis longtemps a été une étape importante dans la recherche de justice pour les victimes et leurs familles qui attendent depuis plus de dix ans que les responsabilités de ce massacre soient établies. Ce procès est le premier de ce type concernant des violations de droits humains de cette ampleur en Guinée, bien que le peuple guinéen ait été à maintes reprises victime de violations sous des gouvernements autoritaires et répressifs. Le massacre du 28 septembre, ainsi que les viols et autres abus commis le même jour, figurent parmi les pires épisodes de violence que le pays ait traversés.

Les victimes guinéennes ont demandé à plusieurs reprises que les auteurs de ces crimes rendent des comptes et que la vérité soit faite sur ces événements. Comme l’a expliqué un avocat à Human Rights Watch : « Malheureusement, en tant que société, nous avons accepté que des crimes soient commis. Nous commençons à valoriser les voix des victimes, avec un nouveau type de citoyens qui refusent ce type de crimes et l’impunité. »

Le procès peut offrir des enseignements importants à d’autres pays où la justice doit être rendue pour des crimes graves. Le droit international impose de poursuivre les suspects à propos desquels il existe des preuves suggérant une responsabilité dans des crimes graves commis en violation du droit international, notamment les crimes contre l’humanité. L’obligation de poursuivre incombe avant tout aux autorités nationales. Dans le même temps, poursuivre les crimes d’atrocité au niveau national soulève de nombreux défis, notamment celui d’obtenir un soutien politique adéquat et de disposer des capacités nécessaires pour les juger.

3. Combien d’accusés sont jugés, qui sont-ils et de quoi sont-ils accusés ?

Onze hommes sont poursuivis, dont un ancien président et plusieurs ministres du gouvernement. Ils sont accusés d’une série de crimes ordinaires en vertu de la loi guinéenne et ont tous plaidé non coupable de tous les chefs d’accusation, selon des documents judiciaires et des informations sur les procédures partagées avec Human Rights Watch et un rapport de la Fédération internationale des droits de l’homme.

On trouvera ci-après une description des 11 accusés et des crimes qui leur sont reprochés :

Le Capitaine Moussa Dadis Camara, ancien président autoproclamé de la Guinée, occupait les postes de commandant en chef des Forces armées guinéennes et de dirigeant du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) en septembre 2009. Il était le président de la transition, et représentait un groupe d’officiers auteurs d’un coup d’état sans effusion de sang en Guinée après la mort du président Lansana Conté. Camara est arrivé au pouvoir en décembre 2008.

Il est accusé de complicité et de responsabilité de commandement pour meurtre, assassinat, viol, agression sexuelle, attentat à la pudeur, coups et blessures volontaires, enlèvement, torture, non-assistance aux victimes du massacre et des événements qui ont suivi, vol, pillage, incendie criminel, vol à main armée et détention illégale d’armes à feu.

La responsabilité du commandement désigne la responsabilité des responsables militaires et civils jusqu’au sommet de la chaîne de commandement lorsque ceux-ci n’ont pas empêché ou puni les crimes commis par leurs subordonnés et dont ils avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance. Cette notion a été introduite dans le code pénal guinéen en 2016.

Le lieutenant Aboubacar Diakité (plus connu sous le nom de Toumba), aide de camp personnel de Dadis Camara et chef de son service de sécurité personnel, a également commandé la Garde présidentielle, une unité militaire d’élite impliquée dans de nombreuses exactions commises le 28 septembre 2009 et les jours qui ont suivi. Toumba est accusé d’avoir directement commis des coups et blessures volontaires, des viols, des pillages collectifs ou en bande armée, des incendies criminels, des meurtres, des assassinats, des actes de torture et de non-assistance à personne en danger. Il est par ailleurs accusé de complicité et de responsabilité de commandement pour meurtre, assassinat, viol, pillage, incendie volontaire, vol à main armée, coups et blessures volontaires, outrage à agent de la force publique, torture, enlèvement et détention illégale, non-assistance à personne en danger, violence sexuelle, attentat à la pudeur, et détention illégale d’armes à feu.

Cece Rafael Haba, ancien garde du corps de Toumba, Marcel Guilavogui, ancien garde du corps de Dadis Camara, et Moussa Tiégboro Camara (Tiégboro), ancien secrétaire d’État chargé de la lutte contre la drogue et le crime organisé, sont tous accusés de complicité de meurtre, d’assassinat, de viol, d’agression sexuelle, d’attentat à la pudeur, et de violences volontaires, d’enlèvement, de torture, de non-assistance aux victimes du 28 septembre, ainsi que de complicité de vol, de pillage, d’incendie volontaire, de vol à main armée et de détention illégale d’armes à feu.

Le colonel Claude Pivi (Pivi), ministre de la Sécurité présidentielle en 2009 sous Dadis Camara, est accusé de complicité d’assassinat, de viol, de torture, de coups et blessures volontaires, et de non-assistance aux victimes, ainsi que de pillage et d’incendie volontaire.

Le colonel Abdoulaye Chérif Diaby, ministre de la Santé en 2009, est accusé de non-assistance aux victimes.

Le gendarme Mamadou Aliou Keïta est accusé de viol.

Le gendarme Ibrahima Camara (plus connu sous le nom de Kalonzo), et Blaise Gomou, un colonel qui a fait partie des services spéciaux dirigés par Tiégboro, sont accusés de complicité de meurtre et de coups et blessures volontaires, et d’avoir directement commis des viols, agressions sexuelles, attentats à la pudeur, actes de torture, enlèvements, pillages, incendies criminels, vols, vols à main armée, outrages aux forces de l’ordre, et de non-assistance aux victimes et détention illégale d’armes à feu.

Paul Mansa Guilavogui, sergent-chef dans l’armée au moment des faits, est accusé de coups et blessures volontaires, de torture, d’enlèvement et de détention illégale, de non-assistance à personne en danger, de diffamation et d’injure.

4. Pourquoi les accusés ne sont-ils pas inculpés de crimes internationaux, notamment de crimes contre l’humanité ?

Bien que les crimes contre l’humanité aient été incorporés dans le Code pénal guinéen en 2016, les accusés ne sont pas poursuivis pour crimes contre l’humanité ou autres crimes internationaux. Les juges qui ont mené l’enquête préliminaire  se sont abstenus de qualifier ces crimes de crimes contre l’humanité quand ils ont décidé de renvoyer l’affaire en procès. Certains avocats ont fait appel, sans succès, de l’absence de qualification de ces crimes comme crimes contre l’humanité.

L’absence de poursuites pour crimes contre l’humanité pourrait signifier que l’ampleur et la gravité des crimes commis ne sont pas prises en compte par les accusations existantes. Comme l’a affirmé un avocat à Human Rights Watch, il s’agit de « crimes de masse » mais les chefs d’accusation ne reflètent pas cette qualification. Cela pourrait signifier que le processus judiciaire manque une occasion d’avoir un impact maximal, en particulier pour les communautés les plus touchées par les crimes.

Selon plusieurs professionnels de la justice, maintenant que le procès a débuté, les juges pourraient encore décider de requalifier les accusations en tant que crimes contre l’humanité. Il reste à savoir si cela se produira.

5. Quel est le rôle des victimes en tant que parties civiles dans le procès ?

Des centaines de victimes se sont jointes à l’affaire en Guinée en tant que « parties civiles », une caractéristique des systèmes de droit civil qui permet aux victimes d’être officiellement parties à la procédure, aux côtés du procureur et de l’accusé, sans être des témoins. Les parties civiles peuvent, par l’intermédiaire de leurs avocats, examiner le dossier et y déposer des observations, interroger les témoins et les accusés, présenter des arguments aux juges et demander des réparations.

La FIDH, l’OGDH et l’AVIPA se sont constituées parties civiles aux côtés de plusieurs centaines de victimes des crimes à partir de 2010, et d’autres victimes les ont rejoints au fil du temps. D’autres victimes encore se sont constituées parties civiles et sont représentées par au moins une douzaine d’autres avocats, y compris en lien avec d’autres associations et organisations de survivants, selon deux avocats impliqués dans le procès. Il s’agit notamment de l’Association des Familles et Amis des Disparus du 28 septembre 2009, ainsi que de l’Association des femmes et filles violées au stade.

En vertu du droit international, les victimes ont droit à des réparations, une indemnisation pour les victimes, leurs familles et les communautés concernées, afin de réparer le préjudice subi par les victimes du fait des crimes commis en cas de condamnation. Ces indemnités peuvent être matérielles ou symboliques.

La question de savoir s’il est possible d’obtenir une aide financière pour soutenir les victimes avant le jugement reste ouverte. Selon un avocat qui participe au procès et des informations publiées dans les médias, le gouvernement a conclu qu’une forme d’assistance provisoire pouvait être accordée avant qu’un jugement soit prononcé.

Les parties civiles peuvent en principe obtenir des réparations auprès des accusés, mais si elles ne disposent pas des fonds nécessaires, un fonds d’indemnisation peut être créé. Un comité de pilotage, mis en place pour aider dans l’organisation du procès, a participé à la création d’un fonds d’indemnisation des victimes et à la recherche de financements. Un professionnel de la justice qui participe à ces efforts a déclaré à Human Rights Watch que ce fonds ne disposait pas encore de ressources suffisantes et que le gouvernement guinéen explorait diverses sources de financement au-delà de ses propres contributions.

6. Que s’est-il passé au procès jusqu’à présent ?

À l’ouverture du procès, le 28 septembre 2022, la salle d’audience était comble, avec la présence de victimes mais aussi de membres de leurs familles et de représentants des médias. Les crimes dont chaque prévenu est accusé ont été lus à haute voix, et les juges ont confirmé qu’ils étaient représentés par des avocats. Les audiences ont généralement lieu trois jours par semaine, du lundi au mercredi, à l’exception des jours fériés, des vacances judiciaires, d’une suspension d’audience de six semaines et de plusieurs autres reports plus courts, notamment en raison de l’état de santé de Dadis Camara.

Audition des prévenus

Les premiers jours du procès, les juges ont examiné et rejeté plusieurs allégations de traitement inéquitable soulevées par les avocats de la défense, notamment le fait que les accusés n’avaient pas été individuellement informés des charges retenues contre eux et que la détention de Dadis Camara ne reposait sur aucune disposition adéquate, selon les observations du procès organisées par Human Rights Watch. Dadis Camara a également plaidé en vain qu’il devait être assigné à résidence plutôt qu’être placé en détention.

Au cours des quatre mois qui ont suivi, la Cour a entendu à tour de rôle les 11 prévenus que les juges, les avocats de la défense et les avocats des parties civiles ont eu la possibilité d’interroger. Certains des accusés ont évoqué leur détention préventive prolongée. D’autres ont déclaré qu’ils avaient fait une demande de mise en liberté provisoire, qui ne leur a pas été accordée.

Certains des accusés ont rejeté la responsabilité des crimes sur leurs co-accusés, en déclarant qu’ils n’étaient pas dans le stade au moment des violences, ou qu’ils n’avaient pas l’autorité nécessaire pour superviser les actions de leurs confrères ou leur donner des ordres au moment où les crimes ont été commis. Il s’agit notamment de Cece Rafael Haba, Ibrahima « Kalonzo » Camara et Claude Pivi, qui ont tous déclaré qu’ils n’étaient pas présents au stade au moment des faits. Paul Mansa Guilavogui a nié les accusations portées contre lui, en soutenant qu’il ne pouvait pas empêcher la torture parce qu’il était un subordonné et non une personne à un poste de commandement ou d’autorité.

En novembre, cinq autres suspects ont été arrêtés après avoir été accusés par Toumba Diakité pendant le procès d’avoir participé aux crimes. On attend toujours de savoir si les procédures engagées contre ces cinq suspects seront menées à bien.

Audition des victimes et des témoins

La deuxième phase du procès, qui est toujours en cours, a débuté en février 2023. Au cours de cette phase, les juges ont commencé à entendre les victimes qui se sont constituées parties civiles dans cette affaire.

Avant les vacances judiciaires du mois d’août, plus de 50 victimes avaient comparu, dont d’anciens dirigeants de l’opposition, d’autres personnes qui étaient au stade pendant l’attaque, ainsi que des membres de la famille de ceux qui s’y trouvaient ce jour-là.

Les survivantes de viols et de violences sexuelles font partie des personnes qui ont témoigné. La plupart des victimes de violences sexuelles ont témoigné à huis clos, en accord avec les juges. Un problème majeur s’est posé lorsque le tribunal n’a pas respecté l’anonymat de la première survivante de violences sexuelles, qui avait demandé à témoigner à huis clos, mais à qui les juges ont demandé de s’identifier avant de prendre une décision sur sa demande, alors que des caméras étaient en train de filmer et que l’audience était retransmise. Les juges ont alors décidé d’entendre son témoignage à huis clos. Cette situation ne s’est pas reproduite.

Une victime de violences sexuelles, Fatoumata Barry, a choisi de témoigner publiquement « pour partager avec le monde et [sa] nation » les horreurs qu’elle – avec des centaines d’autres – a vécues le 28 septembre 2009.

Des victimes d’autres abus, notamment de tirs, de tortures, de coups, d’agressions et de mauvais traitements ont témoigné publiquement. Certaines victimes ont témoigné de blessures persistantes, d’autres ont dit avoir vu des cadavres, et d’autres encore ont parlé des corps de membres de leur famille qui n’ont jamais été retrouvés après le massacre, selon les observations du procès organisées par Human Rights Watch. Des victimes qui ont témoigné sur des abus autres que les violences sexuelles ont été obligées de témoigner publiquement même si elles préféraient témoigner à huis clos, selon un avocat impliqué dans le procès ; pourtant, une loi sur la protection des victimes qui a été adoptée en 2023, juste avant le début du procès, ne limite pas les témoignages à huis clos aux personnes ayant subi des violences sexuelles.

La première victime à témoigner a été Oury Baïlo Bah, qui a parlé de son jeune frère tué au stade et dont le corps n’a jamais été retrouvé. Une autre victime, Alpha Amadou Balde, a témoigné sur la façon dont il a été arrêté au stade et détenu dans un camp avec plusieurs autres manifestants.

Une autre victime, Fatimatou Diallo, a déclaré qu’elle avait eu une conversation téléphonique avec son mari lorsqu’il était arrivé au stade, mais qu’elle avait appris plus tard qu’il avait été abattu et qu’il était décédé, bien que son corps n’ait pas été retrouvé. L’avocat d’une victime a demandé une visite judiciaire du site potentiel d’un charnier pendant le procès. Les juges n’ont apparemment toujours pas pris de décision en rapport avec cette demande.

Les juges ont estimé que certaines questions posées par les avocats de la défense aux victimes concernant leur vie privée étaient trop intrusives, ont ordonné aux avocats de s’abstenir de poser de telles questions et ont indiqué aux victimes qu’elles n’étaient pas obligées de répondre à ce type de questions, selon les observations de procès organisées par Human Rights Watch.

On ignore encore combien de victimes seront autorisées à témoigner sur les quelques 700 victimes qui sont parties civiles dans cette affaire, selon un activiste et un avocat qui participent au procès.

Suspension et reprise

Le 29 mai, le procès a été suspendu en raison d’un boycott des avocats de la défense. Le boycott a été initié après que les avocats ont demandé une aide financière pour leur travail, eu égard aux ressources limitées de leurs clients (bien que ces derniers ne soient pas indigents) et à « l’ampleur de la tâche, la complexité du procès et le temps imparti ». Après plusieurs semaines de négociations entre le ministère guinéen de la Justice et les avocats, le boycott a pris fin.

La reprise du procès semble avoir été possible parce que le ministère de la Justice a accepté d’essayer de mettre une aide financière à la disposition des avocats. Le Barreau de Guinée a contribué à faciliter les négociations et peut être en mesure d’aider à garantir que les avocats qui participent au procès puissent  toute assistance que le gouvernement met à leur disposition.

Le procès devait reprendre le 21 juin, mais une grève nationale des gardiens de prison a empêché les accusés d’être convoyés au tribunal. Le procès a repris le 10 juillet.

Le jour de la reprise, une demande de l’un des prévenus, Marcel Guilavogui, de se présenter une seconde fois à la barre a interrompu l’audition des victimes. Suite à la déposition complémentaire de Guilavogui, au cours de laquelle il est revenu sur certaines de ses déclarations antérieures selon lesquelles il n’était pas présent au stade, les victimes sont revenues à la barre. Depuis lors, plus de 10 autres victimes ont témoigné.

Le 31 juillet 2023, le tribunal a ajourné les audiences au 3 octobre pour les vacances d’été. Les avocats ont déclaré qu’un autre boycott pourrait être décidé si une aide financière n’est pas accordée.

Interprétation et sécurité

Le procès se déroule en français. Le tribunal a fourni des interprètes aux accusés et aux victimes qui en ont besoin selon les observations du procès organisées par Human Rights Watch.

La sécurité est une question persistante, étant donné la sensibilité des accusations et l’importance du profil des accusés. Le gouvernement guinéen a déployé des centaines d’agents de sécurité pour assurer la sécurité du procès. En décembre, un homme a été condamné pour des menaces en ligne contre l’un des procureurs qui intervient dans le procès.

Des représentants de la société civile ont déclaré que les victimes restaient préoccupées par leur sécurité. Bien que le gouvernement ait mis à la disposition des victimes des moyens de transport pour se rendre au procès, le fait que ce transport soit désigné comme tel a suscité des inquiétudes de la part des victimes quant à son utilisation.

7. La population guinéenne suit-elle le déroulement du procès et comment est-elle informée de son évolution ?

Selon des avocats, les victimes, les médias et les membres du public sont autorisés à assister au procès, bien que des laissez-passer du ministère guinéen de la Justice aient parfois été exigés à l’avance.

Le procès est diffusé en direct quotidiennement à la télévision guinéenne et est également disponible sur YouTube. Les audiences sont largement suivies et débattues, et un diplomate a décrit le procès comme un moment « captivant pour la nation ». Le radiodiffuseur public RTG a installé ses régies de télévision et de radio à l’intérieur du tribunal et une équipe travaille collectivement à la retransmission de chaque audience. Le procès n’est pas retransmis intégralement à la radio, mais des résumés des débats sont diffusés en français et dans les langues locales selon un journaliste qui couvre le procès. La presse écrite rend compte des faits marquants des audiences dans de courts articles et sur les réseaux sociaux. Certains journalistes ont reçu une formation dispensée par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour les aider à couvrir le procès.

Certains avocats ont qualifié le procès d’« hypermédiatisé », car chaque minute en est retransmise avec une très large couverture des débats. Les défenseurs de la justice, les journalistes et les observateurs du procès ont noté que sa retransmission pourrait permettre à la Guinée de tirer les leçons de son passé, sensibiliser aux besoins judiciaires du pays et améliorer la confiance dans le processus judiciaire guinéen.

Un avocat a déclaré à Human Rights Watch que l’étendue de la couverture médiatique présentait des avantages, mais aussi des risques pour la sécurité des individus étant donné la très large diffusion des noms et visages de ceux qui prennent publiquement la parole en tant que victimes et témoins. Cette large diffusion d’informations a également alimenté les théories sur qui devait être déclaré coupable ou innocent, ce qui risque de créer une pression sur les juges qui président l’affaire, selon un autre avocat.

Malgré l’importante couverture médiatique du procès et retransmission du procès, aucune action de sensibilisation n’a été menée à ce sujet. Les programmes de sensibilisation comprennent des discussions et d’autres échanges avec les communautés les plus touchées par les crimes sur les questions clés et les acteurs du procès afin d’améliorer la compréhension et la sensibilisation. Cela représente une occasion manquée d’assurer une compréhension et un impact maximums du procès sur les Guinéens ordinaires.

8. Quels sont les droits des accusés lors du procès ?

Le Code de procédure pénale guinéen prévoit la protection des droits internationalement reconnus des accusés, notamment la présomption d’innocence, le droit de garder le silence et le droit à un avocat. Une loi visant à faciliter l’accès à un avocat lorsque les accusés n’en ont pas les moyens de payer a été adoptée en septembre 2022. Tous les accusés sont représentés par un avocat. Deux des accusés, Paul Mansa Guilavogui et Mamadou Aliou Keita, sont représenté par un avocat commis d’office et tous les autres ont eu accès à leur propre avocat, selon les observations du procès organisées par Human Rights Watch.

La loi guinéenne sur la procédure pénale prévoit également le droit de ne pas être détenu arbitrairement, celui d’être entendu par un tribunal indépendant et impartial dans le cadre d’une audience publique, le droit d’interroger des témoins et des experts, celui de bénéficier gratuitement des services d’un interprète et celui de faire appel.

Cinq des accusés ont fait l’objet d’une détention préventive prolongée, y compris au-delà des limites légales prescrites par le loi guinéenne sur la procédure pénale : Cece Rafael Haba et Marcel Guilavogui sont détenus depuis 2010, Mamadou Aliou Keïta depuis 2013, Paul Mansa Guilavogui depuis 2015, et Aboubacar « Toumba » Diakité, qui a été arrêté au Sénégal en décembre 2016 puis extradé vers la Guinée, depuis 2017.

La veille du procès, le 27 septembre 2022, six autres accusés ont été arrêtés : Moussa Dadis Camara, qui vivait en exil au Burkina Faso et était rentré quelques jours plus tôt, Moussa « Tiégboro  » Camara, Claude Pivi, Abdoulaye Chérif Diaby, Ibrahima «  Kalonzo  » Camara et Blaise Gomou.

9. Que peut-on attendre de la suite de la procédure judiciaire et combien de temps durera le procès ?

Le procès devait initialement durer de huit mois à un an, mais on ignore encore combien de temps durera la procédure. Plusieurs imprévus, comme la grève des gardiens de prison et le boycott des avocats de la défense, ou encore le mauvais état de santé de l’un des accusés, ont contribué à allonger la durée du procès.

Au retour des vacances judiciaires, l’audition des victimes se poursuivra.

Selon les avocats impliqués dans la procédure, cette phase sera suivie de l’audition des témoins qui ne sont pas parties civiles. Après l’audition des témoins, il y aura ce que l’on appelle une « phase de confrontation », en même temps que la présentation d’éventuelles preuves vidéo et audio supplémentaires. Cette phase comporte des aspects de contre-interrogatoire, mais n’implique pas nécessairement l’interrogatoire d’une personne à la fois selon les avocats guinéens.

Au cours de cette phase, l’accusé peut poser des questions aux victimes ainsi qu’aux autres co-accusés, et les juges et avocats peuvent également poser des questions supplémentaires aux accusés et aux victimes en vue de réconcilier les incohérences. Les accusés peuvent également revenir à la barre pour répondre ou faire des déclarations en réponse aux points soulevés par les victimes, les témoins et les co-accusés.

A l’issue des confrontations, les parties civiles, le Procureur et l’avocat de la défense peuvent présenter leurs dernières conclusions, ou plaidoirie. Le Président du tribunal déclarerait alors les débats clos et rendrait un jugement de culpabilité ou d’innocence. Des peines pourraient être annoncées dans la foulée ou à une date ultérieure. Le tribunal pourrait statuer sur les réparations au même moment à une date ultérieure.

Les accusés et les parties civiles ont le droit de faire appel dans les deux mois qui suivent la fin du procès. Le Procureur dispose d’un délai de deux mois pour interjeter appel.

Selon la loi guinéenne sur la procédure pénale, un appel du Procureur pourrait conduire à la confirmation ou à l’infirmation totale ou partielle du jugement. L’appel des parties civiles peut également aboutir à la confirmation du jugement ou à son annulation dans son intégralité, dans la mesure où il concerne leurs intérêts.

10. Quelles sont les sanctions en cas de condamnation et les victimes recevront-elles des réparations ?

En cas de condamnation, les peines potentielles encourues par les 11 accusés vont de 16 jours d’emprisonnement à la prison à perpétuité, et d’une amende de 500 000 à 5 000 000 de francs guinéens (53 € à 533 € environ). La Guinée a supprimé la peine de mort en 2016. Avant cette date, un moratoire était en vigueur.

En vertu du Code pénal guinéen, les personnes complices de crimes sont passibles de la même peine que l’auteur de ces crimes. Dadis Camara et son aide de camp personnel Aboubacar « Toumba » Diakité sont accusés de responsabilité directe, de complicité de crimes, et de responsabilité de commandement.

L’une des principales questions soulevées concerne le type de réparations que le tribunal accordera aux victimes en cas de condamnation. En droit guinéen, les mesures de réparation envisagées concernent les individus (par opposition aux communautés) et prendraient la forme d’une indemnisation et d’une restitution. Les personnes condamnées peuvent être tenues d’indemniser leurs victimes pour des dommages résultant du préjudice subi. La personne condamnée peut également être tenue de rétablir la victime dans la situation où elle se trouvait avant le préjudice subi.

Compte tenu de l’ampleur et de la nature sans précédent du procès, ainsi que des difficultés budgétaires qui sont les siennes, il n’est pas certain que d’autres formes de réparation puissent être accordées – notamment la possibilité de réparations collectives et symboliques, telles que des commémorations et des hommages aux victimes – ou que les mesures de réparation prévues par la loi guinéenne puissent même être ordonnées.

Suite aux événements du 28 septembre 2009, les victimes ont subi des traumatismes physiques et psychologiques et nombreux sont ceux qui ont besoin d’être indemnisées pour avoir accès à des soins de santé. Il est important que toute réparation ou autre aide financière puisse couvrir les besoins de ces victimes.

11. Que s’est-il passé pendant la phase d’instruction de l’affaire et pourquoi a-t-elle duré sept ans ?

Au cours de la phase d’instruction qui s’est ouverte le 8 février 2010 et a duré jusqu’en 2017, un collège de trois juges d’instruction a entendu les témoignages de plus de 450 victimes et membres de leur famille, mis en examen des suspects, et interrogé des suspects et des témoins, y compris des responsables et des membres des services de sécurité. La constitution de partie civile a permis d’inclure dans l’enquête de nombreuses informations provenant des victimes et de leurs familles.

Les progrès de l’enquête ont été très lents et inégaux, en partie à cause des contraintes de ressources sans doute liées à un manque d’engagement du gouvernement guinéen de l’époque, dirigé par le président Alpha Condé, premier président démocratiquement élu du pays, à faire en sorte que les responsables rendent des comptes, et à l’hésitation apparente des juges à prendre des mesures concrètes en l’absence d’un soutien sans équivoque de la part de la branche exécutive du gouvernement guinéen.

A un moment donné, il a fallu plus d’un an pour que le collège judiciaire obtienne les fournitures de base, l’équipement et les moyens de transport pour que les juges puissent faire leur travail. Les principaux responsables impliqués dans les crimes et les suspects inculpés, à savoir Moussa Tiégboro Camara et Claude Pivi, sont également restés à des postes au sein du gouvernement, où ils auraient pu potentiellement influencer l’enquête au lieu d’être mis en congé.

Le 9 novembre 2017, le collège de juges guinéens a conclu sa phase d’instruction et a renvoyé l’affaire en jugement à Conakry. Plus de 14 suspects ont été inculpés, notamment des responsables de haut niveau, actuels et anciens. Le renvoi a été confirmé en appel.

Deux des personnes inculpées seraient décédées avant le début du procès. L’un d’eux est le général Mamadouba Toto Camara, alors numéro deux du CNDD, et l’autre est le colonel Sambarou Diamakan, alors commandant du camp Alpha Yaya. Les juges ont prononcé un non-lieu à l’égard d’Alpha Amadou Balde, secrétaire particulier du commandant Toumba Diakité à l’époque.

12. Pourquoi a-t-il fallu attendre cinq ans après la fin de l’enquête pour l’ouverture du procès ?

Une fois l’enquête terminée, la justice guinéenne a tardé pendant cinq ans à engager un procès.

En avril 2018, le ministère de la Justice – sous la direction de Cheick Sako – a publié un décret mettant en place un comité de pilotage chargé de l’organisation pratique du procès, notamment de sa sécurisation et de son financement. Ce comité est composé d’acteurs nationaux et internationaux, parmi lesquels figurent des représentants du ministère de la Justice, de la police et du Procureur général de Guinée, ainsi que du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, de l’Union européenne, des États-Unis et de la société civile.

Dès sa première réunion, le comité s’est concentré sur l’identification d’un emplacement pour la tenue du procès, sur la sécurité des magistrats et des parties, et sur les questions budgétaires. Néanmoins, le comité a eu du mal à décider d’un lieu et d’une date pour le début du procès. Ce comité, censé se réunir une fois par semaine, ne s’est réuni que par intermittence et a parfois passé des mois sans se réunir. Le comité a apparemment eu des discussions interminables sur certains points, notamment celui de savoir si une nouvelle salle d’audience était nécessaire ou si le procès pouvait se tenir dans les locaux existants du tribunal.

Au fil des mois et des années, les associations de victimes ont critiqué le manque de volonté politique du gouvernement du président de l’époque, Alpha Condé, de mener à bien ce procès, et les organisations de défense des droits se sont inquiétées du fait que les questions relatives à l’organisation du procès étaient devenues un prétexte pour éviter qu’il ne commence. Parallèlement, l’implication croissante du gouvernement Condé dans de nombreuses violations des droits humains a soulevé des questions plus larges sur le respect des droits et l’avancement de la justice en Guinée.

Le 5 septembre 2021, des officiers de l’armée guinéenne ont renversé le gouvernement Condé. Ils étaient dirigés par le colonel Mamady Doumbouya, qui est toujours au pouvoir. Doumbouya a manifesté son soutien pour que justice soit faite pour les crimes du 28 septembre 2009 et a assisté à la commémoration du massacre en 2021. Dans le même temps, Doumbouya lui-même a indiqué qu’il fallait que le nouveau bâtiment du tribunal soit achevé pour que le procès puisse commencer.

En juillet 2022, Doumbouya a signalé que le procès devrait s’ouvrir avant 2022, treizième anniversaire des crimes. Cela semble avoir motivé d’importants préparatifs de dernière minute pour respecter la date limite.

13. Quel rôle la Cour pénale internationale a-t-elle dans la promotion du procès pour ces crimes ?

Le 14 octobre 2009, le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale a annoncé que la situation en Guinée faisait l’objet d’un examen préliminaire, phase au cours de laquelle la Cour évalue s’il y a lieu d’ouvrir une enquête. Le ministre guinéen des Affaires étrangères a indiqué à la CPI que la Guinée était « capable et désireuse » d’assurer la justice pour les crimes de septembre 2009 par le biais de ses tribunaux nationaux et qu’une enquête de la CPI n’était donc pas nécessaire.

La CPI a poursuivi un solide programme d’activités pour aider à garantir la justice pour les crimes de septembre 2009 et semble avoir été un facteur majeur pour encourager les progrès au fil du temps. L’approche du Bureau du Procureur a été caractérisée par un suivi étroit des progrès et un engagement actif et concret auprès des autorités guinéennes, renforcé par des rappels spécifiques et publics qu’une enquête de la CPI se poursuivrait en l’absence de justice au niveau local. Des visites régulières dans le pays – axées sur l’évaluation des progrès de l’enquête et l’encouragement des avancées – ont été le principal, mais non le seul, moyen de mise en œuvre de la stratégie.

Les représentants du gouvernement guinéen, les activistes de la société civile et les observateurs internationaux ont tous souligné que la CPI jouait un rôle essentiel dans les progrès réalisés au niveau national dans cette affaire.

Le Procureur de la CPI a assisté à l’ouverture du procès, après quoi le Bureau du Procureur de la CPI a clôturé son examen préliminaire. Dans le même temps, le Bureau du Procureur a signé un protocole d’accord avec la Guinée, où il se dit prêt à « travailler activement et en collaboration » avec les autorités guinéennes pour que les responsables des crimes du 28 septembre répondent de leurs actes.

Le mémorandum stipule également que le Bureau du Procureur peut reconsidérer sa décision de ne pas ouvrir d’enquête « à la lumière de tout changement significatif de circonstances, y compris l’imposition de toute mesure susceptible d’entraver de manière significative le déroulement ou l’authenticité des procédures judiciaires liées aux événements du 28 septembre 2009 ». La CPI continue de suivre l’évolution du procès, notamment par le biais d’une visite en Guinée en 2023, afin d’évaluer les progrès accomplis et continuera d’être une source cruciale d’encouragement pour le bon déroulement et la conclusion du procès.

14. Quels efforts d’autres acteurs, en dehors de la CPI, ont-ils entrepris pour favoriser la mies en œuvre de la justice pour les crimes commis en Guinée ?

Outre la CPI, une série d’acteurs internationaux et nationaux ont contribué à l’ouverture du procès. Ils ont suivi sur plusieurs années les progrès et obstacles que ce procès a rencontrés et ont insisté sur la nécessité de rendre la justice pour les crimes du 28 septembre 2009 par une combinaison d’encouragements, de pressions et de soutien financier.

Dans les mois qui ont suivi les crimes, la Commission d’enquête internationale sur la Guinée a fourni de la documentation sur les abus, identifié des personnes devant faire l’objet d’une enquête et recommandé que le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme établisse une présence en Guinée. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a souligné la nécessité de rendre des comptes pour les crimes du 28 septembre et a prévu l’ouverture d’un bureau du Haut-Commissariat en Guinée, ce qui a permis de faciliter l’assistance aux juges chargés de l’enquête.

Le Bureau de la Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit et son équipe d’experts chargée de la question de l’état de droit et des violences sexuelles commises en période de conflit ont joué un rôle particulièrement important, en soulignant à plusieurs reprises l’importance de l’obligation de rendre des comptes pour les crimes du 28 septembre, en effectuant de multiples visites dans le pays et en mettant à disposition un expert international pour soutenir les efforts de justice. L’expert a été une source de conseils et d’encouragements tout au long du processus.

Les organisations non gouvernementales guinéennes et internationales, notamment les associations de victimes, ont joué un rôle central dans les progrès de l’enquête sur le massacre du 28 septembre, les viols et les autres abus en se portant partie civile. Des groupes nationaux et internationaux, dont Human Rights Watch, ont également plaidé en faveur d’un soutien accru du gouvernement à l’enquête nationale.

15. Quelle est la situation politique actuelle en Guinée et présente-t-elle des risques pour le procès ?

Le coup d’État de septembre 2021, organisé par des officiers de l’armée du Comité national du rassemblement et du développement (CNRD) et dirigé par le colonel Mamady Doumbouya, a chassé l’ancien président Alpha Condé. La junte a remis en cause le respect des droits depuis son arrivée au pouvoir. En mai 2022, le CNRD a interdit les manifestations pour une durée indéterminée et a dissous la coalition de l’opposition guinéenne. Selon des sources médiatiques internationales, le CNRD a traîné des pieds pour assurer la transition vers un régime civil, mais Doumbouya a officiellement accepté, en octobre 2022, d’assurer cette transition avant le 1er janvier 2025.

En 2023, selon des sources médiatiques internationales, plusieurs manifestations d’opposition à la junte à Conakry et des manifestations à plus petite échelle dans tout le pays ont entraîné la mort de civils et des arrestations aux mains des forces de sécurité de l’État. De nombreuses manifestations ont été menées par les Forces Vives de Guinée, une coalition d’acteurs de la société civile et de partis politiques réclamant principalement la libération des prisonniers politiques, la levée de l’interdiction de manifester et l’ouverture d’un dialogue politique.

Le soutien des autorités guinéennes à la justice pour le massacre du 28 septembre 2009, les viols et autres abus devrait se poursuivre. Ce soutien devrait s’inscrire dans le cadre de mesures plus larges visant à garantir le respect des droits humains, notamment la levée de l’interdiction des manifestations publiques et de la dissolution de l’opposition. Un retour à un régime démocratique et des procès pour d’autres crimes graves, tels que les meurtres et autres abus commis en réponse aux manifestations nationales de 2007, sont nécessaires.

16. Comment les acteurs internationaux peuvent-ils soutenir la Guinée dans sa quête de justice ?

Les entités internationales et régionales qui ont encouragé les progrès dans la poursuite de la justice en Guinée ont un rôle important à jouer pour continuer à maximiser les perspectives d’une justice équitable et crédible pour les crimes du 28 septembre. Il s’agit notamment :

Encouragement et contrôle : La CPI devrait continuer à surveiller l’évolution du procès, notamment en effectuant des visites régulières pour s’assurer que la Guinée respecte les engagements qu’elle a pris dans le cadre du protocole d’accord entre elle et la Guinée.

D’autres entités internationales, notamment les Nations Unies, l’Union africaine (UA), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’UE et les États-Unis, devraient continuer à suivre de près l’évolution du procès et à encourager la poursuite des progrès dans le respect des normes internationales. Les diplomates ont parfois considéré qu’il était délicat ou trop difficile d’insister sur l’obligation de rendre des comptes. Cependant, l’expérience a montré qu’il est encore plus risqué de ne pas donner la priorité à la justice pour les crimes graves. L’impunité persistante pour les violations des droits humains en Guinée a alimenté les abus et compromis le développement du pays dans un sens positif.

Veiller à ce que ce procès historique dispose de ressources suffisantes : La question des ressources financières disponibles pour ce procès est toujours d’actualité. Le gouvernement guinéen a jusqu’à présent financé le procès et a approuvé en juillet des ressources supplémentaires pour couvrir les coûts liés au procès. L’UE et les États-Unis se sont engagés à offrir un soutien financier à ce procès, mais le seul soutien financier mis à disposition à ce jour, selon les informations disponibles, est une contribution de l’Union européenne aux parties civiles, ainsi qu’une contribution du gouvernement autrichien, selon des informations publiées dans les médias. On ignore toujours dans quelle mesure les partenaires internationaux fourniront de l’aide, Il semble que « certains d’entre eux, comme le gouvernement des Etats-Unis, pourraient ne pas fournir d’aide financière aux autorités actuelles dès lors qu’elles sont arrivées au pouvoir suite à un coup d’État.

Le comité de pilotage du procès du massacre du stade est un outil important pour résoudre les problèmes financiers qui menacent d’interrompre ce procès historique qui doit permettre que la justice soit enfin rendue aux victimes. Le procès est trop important pour être freiné par l’insuffisance des ressources, a déclaré Human Rights Watch.

Assistance technique :  Les procès pour crimes graves sont complexes et bénéficient d’une expertise spécialisée. La Guinée n’a jamais engagé de poursuites de cette ampleur et on peut s’attendre à ce qu’elle ait besoin d’assistance. Il peut s’agir de formations sur des domaines spécialisés du droit ou de la pratique liés à des affaires impliquant des crimes graves, dont certaines ont déjà été organisées par les autorités françaises, d’une assistance en matière de protection et de soutien des victimes et témoins, et peut-être même d’exhumations médico-légales sur des sites de charniers. L’UA, la CEDEAO, le gouvernement américain, l’UE, la CPI et l’ONU devraient aborder avec les responsables guinéens la question de l’assistance qui pourrait être fournie et solliciter des demandes d’assistance technique et de soutien.

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