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Gouvernance du Président Alpha Condé : l’exemple qui vient d’en haut contamine le bas

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[dropcap]C’[/dropcap]est peu dire que l’exemple doit venir d’en haut. Autrement dit, l’imitation devient aisée lorsque le chef inspire un bon exemple.  Car une équipe s’inspire souvent du modèle de chef qui l’impulse. Mieux ce dernier inspire, mieux l’équipe sera performante, et vice versa. Selon un adage populaire, « l’être que l’on voit suivre l’hyène la nuit n’est rien d’autre que son enfant ».

En effet, nombre de dysfonctionnements constatés dans l’administration publique reflètent l’image de la hiérarchie. Gestion opaque du bien public, amalgame avec la propriété privée, politisation à outrance de la fonction publique, entorse aux règles d’éthique, incertitude dans la carrière professionnelle, nominations fantaisistes sur fonds de récompense partisane et politique incluant le recyclage des politiques transhumants aux hautes sphères de l’état à l’effet d’affaiblir les adversaires politiques, l’immixtion des dignitaires du pouvoir et de l’exécutif dans les affaires judiciaires, le glissement de mandat d’institution républicaine à but politicien,  l’étouffement de l’expression des libertés publiques des citoyens notamment le droit de manifestation et syndical sont entre autres érigés en ligne de conduite dans l’administration publique guinéenne.

Ou encore le non-respect des règles de passation des marchés publics, la contreperformance du système éducatif avec son corollaire d’échecs massifs aux examens scolaires, l’insalubrité grandissante dans la capitale et d’autres villes de l’intérieur, faute d’une politique durable d’assainissement, les difficultés de mobilité urbaine et interurbaine liées à la fois à la dégradation des réseaux routiers nationaux et à l’absence d’une politique d’urbanisation adéquate, ainsi que l’insécurité galopante et flagrante constituent un lot du quotidien national.

De même, la création et le maintien des structures de gouvernance parallèles et budgétivores (ministres conseillers à la présidence), l’utilisation des ressources de l’Etat aux fins politiques en vue de la consolidation du pouvoir central et puis les manœuvres de division communautaire sont quelques caractéristiques de la gouvernance actuelle.

C’est en cela que l’on est en droit de savoir pourquoi les institutions de la République notamment l’Assemblée nationale, la Cour constitutionnelle, le Conseil économique et social, la Cour des comptes, la Cour suprême, la Haute autorité de la communication sont aujourd’hui inféodées à l’exécutif ? Pourquoi sont-elles moins visibles sur l’échiquier national ou sont-elles devenues des simples caisses de résonance pour l’exécutif ? Existe-il un véritable contrepouvoir en Guinée ?

Il convient d’appréhender le mode d’exercice du pouvoir par un chef afin de mieux comprendre sa gouvernance. En fait, Alpha Condé gère le pays avec une main de fer, avec un rapport dominant-dominé, supérieur-subordonné, dirigeant-exécutant, laissant pratiquement peu sinon aucune marge de manouvre à ses collaborateurs mêmes vertueux. Il est à la manette par tout, quitte à fouler au pied les principes de séparation des pouvoirs et d’autonomie des institutions, fondement de la démocratie et de l’état de droit dans une République.

Alpha Condé déteste les contradictions et les critiques. À force de lui opposer des idées divergentes, bien que de bonne foi, il tombe tout de suite sous le coup de la colère et de l’impulsion. Il ne se gêne guère à faire usage publiquement des langages par fois indélicats à l’encontre de toute personne ou tout groupe de personnes lui opposant, à tort ou à raison, d’opinion divergente. Fait susceptible de souiller l’exemplarité que requiert en toute circonstance les propos et comportements d’un père de la nation. Et puis, à l’occasion des évènements publics au cours desquels Alpha Condé se prête parfois à des démonstrations de gestes en guise d’expression du sens de l’humour ou de bravoure, force est de remarquer combien par moment cela transgresse l’étiquette et les règles de protocole d’Etat de même que les normes de sécurité présidentielle. Parce que l’homme est égal à lui-même.

La compétence, l’expérience et le savoir-faire n’ont aucune valeur pour ce pouvoir absolu et ceux qui l’incarnent. L’entourage d’Alpha Condé n’appartient qu’aux deux groupes : les manipulables instrumentalisés et les incorruptibles exclus des instances de décision au mépris des règles élémentaires de collaboration ou de fonctionnement administratif.

Les décisions ne sont prises que par un cercle restreint de privilégiés et non par ceux qui en ont la compétence. En raison des simples soupçons d’avoir des orientations plus ou moins contraires aux intérêts partisans ou politiques d’Alpha Condé, ses collaborateurs les plus qualifiés pourraient se voir marginalisés dans le processus décisionnel ou d’action. Dès lors, les cadres compétents n’auront d’autre choix que d’obéir et d’assujettir les subordonnés et de monnayer leur dignité et leur conviction pour leur survie, de faire preuve de dévouement aveugle ou de démissionner.

Tant qu’un cadre sait obéir et faire obéir, tout ira bien pour lui, peu importe les conséquences pour l’Etat. Par contre, il risque de stagner ou d’être démis de ses fonctions s’il essaie de se démarquer du clan. À preuve, les récentes nominations au poste d’ambassadeurs sont en grande partie politiques : soit récompenser des militants et alliés pour les uns ou éloigner des officiers de l’armée pour les autres sont entre autres des faits et méfaits de la gouvernance d’Alpha Condé. Cette méthode de gouvernance « policière » rappelle la philosophie machiavélique, qui tend à nourrir le culte de la personnalité au détriment de l’efficacité, l’efficience et la neutralité dans la dispensation du service public.

En conséquence, la méritocratie cède la place à la médiocrité et au militantisme. Alors, les thuriféraires règnent en maîtres sur les compétents moins démagogues et le pays en pâtit ; pratiques enfonçant le pays à la traine du développement national véritable tout comme qui avilissent l’image de l’état.

Toutefois, l’espoir est permis pour un réel changement de paradigme, mais au bout du courage. Celui de s’indigner face à une situation anormale plutôt que de s’y résigner avec l’esprit de fatalisme ou de nombrilisme. À charge pour les personnes ressources, les plus méritants et aux expériences techniques avérées d’agir, d’informer et de sensibiliser afin d’opérer le changement escompté et puis de s’affirmer par le travail. À cet effet, l’appel à la synergie d’action, en rang serré, s’impose comme priorité pour sauver la nation plus que jamais fragile et menacée. Parce que faire la politique de l’autruche risque de trahir la conscience collective, la probité intellectuelle, le sursaut patriotique et la mémoire des martyrs de démocratie ou de la majorité silencieuse.

Il revient à l’élite compétente et altruiste de revendiquer sa place dans la prise de décisions majeures du pays ainsi dans la définition des objectifs prioritaires et des mécanismes de leur mise en œuvre. Il leur incombe de contribuer à conscientiser et mobiliser l’opinion nationale et internationale sur les dangers qui planent sur le pays actuellement. L’intérêt général de la République en dépend. C’est en cela se trouve le devoir citoyen envers la nation et les générations à venir. Car, la patrie est à la fois un héritage et un patrimoine commun à préserver par les citoyens à tout prix, au risque de causer à nos progénitures des préjudices par ricochet.

Tant que nous ne sommes pas plus mûrs, capables de vivre nos relations sociales autrement que comme une horde de primates préoccupés par une position hiérarchique, un confort et un intérêt personnel au détriment de celui de la collectivité, les chances de sortir la tête de l’eau s’amenuisent. L’enjeu du jour auquel notre conscience est interpellée est celui de sauver notre démocratie naissante contre les velléités autoritaires. Lesquelles semblent résolument engagées dans un projet de tripatouillage incertain de la loi fondamentale. D’où la nécessité de faire l’union sacrée pour y barrer la route.

Ibrahim KALLO
Juriste et Expert International en Aide Humanitaire et Développement
Email : kalloibrahim76@yahoo.com

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1 commentaire
  1. Ibrahima Sory Baldé dit

    Très belles écriture et analyse. Mais Alpha Condé est-il le seul responsable de cette situation ? Non. Les responsables des différentes institutions et les grands commis de l’Etat ont leur part de responsabilité. L’Opposition politique, Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré en tête, a les siennes.

    Un seul homme, de nos jours, ne peut prendre en otage un pays. Ce sont les dirigeants des institutions et les grands commis de l’Etat, préoccupés uniquement par la sauvegarde de leurs intérêts qui contribuent à fabriquer ces ‘monstres politiques’ au lieu d’œuvrer en faveur des populations, par l’implantation d’institutions fortes, sans lesquelles aucune vie démocratique n’est possible.

    En septembre 2012, lors de la constitution du Bureau Politique et du Comité central du RPG (j’en suis membre, même si je ne partage pas la gouvernance) j’ai vu une autorité du parti contredire le Président Alpha Condé. Les cas du Député Sékou Savané de Siguiri ou encore de Dr. Ousmane Kaba du PADES, qui ont contesté les visions de M. Alpha Condé sont certes rares, mais ils démontrent que le chef de l’Etat n’est pas toujours incontesté.

    Si tous les élus communaux avaient revendiqué leurs droits, acquis des électeurs et reconnus par le gouvernement Alpha Condé, c’est certain que la situation aurait évolué depuis et que les conseils communaux et régionaux auraient été installés.

    Hélas que l’on ne parle que de fichier électoral, de 3 ème mandat, de nouvelle Constitution alors qu’il est plus nécessaire d’en finir avec les communales.

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