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L’ethnie au cœur de la nation : la République en danger

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[dropcap]L[/dropcap]a Guinée semblait être « une République démocratique, laïque et sociale » selon la constitution du 10 novembre 1958 de la jeune nation. Cet article premier de 1958 sera nettement renforcé par la constitution du 23 décembre 1990 qui stipule : « La Guinée est une République unitaire, indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

Les mêmes fondements de la République seront repris par la dernière en date, celle du 7 mai 2010. Où en est-on aujourd’hui ?

La nation s’effrite. L’Etat se meurt. La République, notre République, agonise et sombre de jour en jour dans les méandres de l’ethnocentrisme : un penchant délibéré, parfois inconscient qui tend à privilégier, au détriment de la nation, le groupe ethnique auquel on appartient pour en faire le seul modèle de référence.

Comme tel, l’ethnocentrisme réduit la diversité de la nation, dans ses composantes et ses croyances, au seul prisme des intérêts exclusifs, partisans et égoïstes de l’ethnie. Ainsi, l’ethnocentrisme se fondant sur des préjugés ou des archétypes à la fois désuets, anachroniques et subjectifs qu’on pourrait associer au racisme, tout au moins à la pensée raciale, mine la nation guinéenne dans ses fondements et son devenir.

Je voudrais dire, par cette brève approche, qu’il est fort à craindre que la Guinée n’éclate en lambeaux d’ici quelques décennies si la remise en cause des valeurs fondamentales de la nation et de la République se poursuit au travers de discours, de menaces et de propos ouvertement anti-républicains qu’on entend actuellement.

En clair, l’ethnocentrisme est un danger qui menace et risque, à court ou long terme, d’engloutir la cohésion nationale et faire exposer la République. On me dira : vaines paroles, prises de position partisane, tentative d’épouvante insensée, etc. Pourtant, la réalité guinéenne, celle des deux dernières décennies notamment et l’actualité devrait interpeller chaque guinéen afin qu’il ouvre les yeux sur les prises de position rétrogrades de certains individus.

En effet, ces derniers temps, les médias relaient des propos ouvertement ethnocentriques et anti-républicains distillés au nom d’une ethnie qui serait prédestinée à faire et défaire les présidents tant de la République que des districts et communes.

Comment en est-on arrivé là ?

Depuis la fin du régime Conté suivie de la prise du pouvoir par la junte en 2008 et la transition interminable qui s’acheva par les élections présidentielles de 2010 dont la senteur ethnique continue de polluer le vivre-ensemble, la Guinée tangue lentement mais sûrement vers les abîmes de la division.

Notre pays ressemble à un vaste champ de chienlits où chacun défèque sur l’autre pour l’accuser de puanteur. La pire des puanteurs : celle du bouc-émissaire, de l’étranger parmi les autochtones, d’indigne de représentativité. Ce sentiment est poussé jusqu’à l’abâtardissement d’éventuels contestataires de sa propre ethnie.

Aujourd’hui, tout est permis. Chacun se permet tout. Dit ce qu’il veut. Fait ce bon lui semble. Le tout en outrepassant la morale et les limites du politiquement correct et sans crainte d’être poursuivi ni intimidé par la justice. Que voit-on encore ? Des chefs autoproclamés, des patriarches autobaptisés, des vieux et vieillards de toutes les régions, préfectures ou villages défier l’Etat, la nation et le pouvoir.

Leur sénilité ou leur ignorance n’excuse ni les paroles ni les provocations ethno-stratégiques qui par lesquelles ils indexent des communautés, remettent en cause le suffrage universel. Ils menacent, dans leur lubie et le pouvoir dont ils se sont auto-octroyés, de confisquer la voix des urnes en reniant aux citoyens le droit de choisir leurs représentants locaux et nationaux.

Ces chefs locaux qui affichent des titres anticonstitutionnels se créent des tribunes où ils invectivent le pouvoir central et les partis politiques. Ils s’érigent en dépositaires des droits, presque divins, d’une ethnie qui serait propriétaire du sol, du territoire et gérant de la nation. Ils magnifient leur hospitalité qui les aurait poussés à accueillir les autres guinéens sur leur terre. Ils convient à ces derniers à s’écraser ou de plier bagages. Pire, ils les intiment de se soumettre ou de déguerpir en prenant entre les jambes ce qui fait leur virilité.

Ces roitelets locaux se croient investis de tous les pouvoirs et ne se soucient guère de l’absurdité de toute prévalence sur l’occupation du sol. Ils oublient tout simplement que chacun est, a été, sera, à un moment ou un autre, l’hôte ou le successeur d’un prédécesseur. Autrement dit, un « dougoutigui », un « dion leydi », un « sotigui », un « kountigui » ne l’est que par rapport à d’autres.

En Basse-Guinée, ce sont les Bagas et leurs 7 sous-embranchements ethniques et linguistiques qui sont les vrais dougoutigui. Ce ne sont ni les soussous ni d’autres. C’est par la force des choses, notamment de la démographie, que les Bagas ont été supplantés dans la région côtière. Et tant mieux si c’est pour le bien du vivre ensemble.

Ailleurs, en Guinée Forestière, en Haute et Moyenne-Guinée, c’est le même processus de mélange, de métissage, de brassage ethnique et de syncrétisme culturel qui ont permis une coexistence indifférenciée entre les composantes de ce qui fût les « rivières du sud, la Guinée française et la Guinée actuelle. Autant dire, qui ne connait le passé, les subdivisions, les morcellements et les passe-droits coloniaux qui ont abouti à la République devrait se taire ou ravaler ses propos.

Je veux dire et que cela soit retenu que la Guinée est un tout dans une diversité. Elle n’est la propriété d’aucune ethnie et n’appartient à personne. C’est cette réalité que de vieux séniles, de politiciens sans envergure et des apprentis sorciers de l’ethnocentrisme voudraient remettre en cause.

A qui la faute ?

Naturellement, aux hommes politiques de tout bord : des pouvoirs passés et actuels, des oppositions antérieures et celle de nos jours. C’est la faute des vieux faucons de la division qui, de l’indépendance à nos jours, ont toujours mangé leur pain et voulu moudre la farine des autres pour les empêcher de fabriquer leur propre pain. Donc, leur avenir.

Depuis que l’esprit ethnique qu’on croyait enterré a refait surface en Guinée, notamment, du jour où l’on a vu sur la télévision nationale, des ressortissants d’une région intimer ouvertement le président de la transition de donner le fauteuil présidentiel à l’un des leurs, la Guinée va mal. Le tissu social est en lambeaux.

Est-ce dire que les représentants des autres ethnies ne feraient pas autant ? Ce serait une accusation fortuite de prétendre le contraire. Je veux dire par-là que les guinéens sont devenus, au fil du temps et en fonction des aléas des pouvoirs successifs, majoritairement ethno-centristes, « foulaphobes », « maninkaphobes », « soussouphobes », « kissiphobes », etc.

Je m’attribue ces néologismes pour dire qu’ils deviennent tout simplement xénophobes. Et ce mal ronge la majorité d’entre nous. J’affirme que toutes les régions, toutes les communautés et composantes de la nation sont devenues à un titre ou un autre, à des degrés divers, des » ethnos-cohabitant par défaut ». Un autre néologisme pour exprimer et soutenir ceci : il n’y a plus, depuis bien de décennies, de guinéen. Il n’y a plus que des soussous, peuls, malinkés, guerzés, tomas, kissiés, diakankés, bagas, landoumas, koniankés, etc. Dans ces conditions dites-moi, où est la nation et la République ?

Face à cette situation, les hommes politiques se terrent dans l’hypocrisie. Chacun ménage

l’autre. Personne n’a le culot d’indexer les tenants de l’ethnocentrisme parce qu’il rêve un jour ou un autre bénéficier des faveurs des faiseurs de rois. Sans prendre garde, ils se sont tous pris au jeu. Pour preuve, ils vont jusqu’à soustraire des ethnocentriques véreux et insolents d’éventuelles décisions disciplinaires de la justice ou ce qu’il en reste.

Il faudrait savoir que cette façon d’arranger l’ethnie ne fera qu’approfondir le gouffre dans lequel la nation toute entière risque de sombrer. Rien n’empêche, si les propos antirépublicains sont impunis, à n’importe quel « Kountigui », « Sotigui », « patriarche », imam de se fendre de menaces contre le parti au pouvoir, contre l’opposition, le président de la République et nos institutions. Dès lors, n’importe qui peut distiller la haine et l’intolérance sans jamais être inquiété.

Quelle solution contre l’ethnocentrisme ?

Les hommes politiques sont les premiers responsables de la situation politique guinéenne actuelle et passée. Ils seront les seuls qui sortiront le pays du bourbier de la division. Ils ne pourront le faire qu’à la seule condition de couper le cordon ombilical avec leur passé, leur pratique politique et idéologique en s’affirmant comme des dirigeants ou candidats au-dessus de l’ethnie. Hélas, si l’on regarde la configuration du paysage politique actuelle, on se rend compte qu’on en est très loin.

Jusqu’à présent, il n’y a en Guinée que des candidats soussous, peulhs, malinkés, forestiers et de pareils prétendants au pouvoir. Dans notre pays, on vote malinké, soussou, peul, kissié, guerzé, diakanké, etc. Et on voudrait élire un président de la République ? C’est dans de telles conditions et de la sorte que se sont faites toutes les élections en Guinée. Exception faite de celles de l’indépendance où l’élite politique s’était ralliée au parti vainqueur : le PDG.

Que faire donc ?

Il faudrait, peut-être, emboiter les pas du PDG qui avait mis fin à la chefferie traditionnelle. Il ne serait pas contre-indiqué de suspendre, dissoudre, interdire toutes organisations à caractère régionaliste, tribale et ethnique.

Destituer tous les nouveaux roitelets, les représentants auto-proclamés ou ethniquement désignés afin de préserver la République et sauver la cohésion nationale. Ces pseudos chefs communautaires « kountigui » ou autres qui s’érigent en n’diâtigui (amis) du pouvoir et contre l’opposition, inversement, n’ont aucune assise républicaine. N’ayant aucune légitimité, ils n’ont ni le droit ni l’autorité de s’exprimer au nom des citoyens et de la République. N’étant pas des élus du peuple, ils devraient répondre devant la justice s’ils veulent caporaliser leur ethnie. S’ils se livrent au chantage et à l’intimidation ou défient l’autorité de l’Etat.

Interdire dans le vocabulaire politique, scolaire, civique et citoyen, la notion d’ethnie en imposant le terme « guinéen » comme la seule référence à l’appartenance à la nation.

Une opposition tout aussi républicaine et non de pacotille parce que constituée de boni-voyageurs qui soupent le matin chez Cellou Dalein ou Sidya et dînent chez Alpha Condé. Pire, qui pourfendent le pouvoir un jour et se retrouvent porte- parole du même pouvoir le lendemain.

Que cesse la caporalisation et du pouvoir et de l’opposition par des gros bonnets du pays qui se vantent d’avoir investi sur tel ou tel homme politique. Imposent aux instances politiques nationales de tel ou tel parti le mode de désignation de leur futur maire ou président de district. Soudoient préfets ou gouverneurs pour disqualifier des élus au suffrage universel aux seules fins de régler des comptes à des ressortissants de leur région, village pour des raisons claniques ou tribales.

Que ces manitous de Madina, de Témétaye, de Banankoro, cessent de s’immiscer dans les instances des partis politiques pour influencer leurs chefs et leurs responsables en les obligeant d’installer leurs frères, oncles ou autres affidés dans les pouvoirs locaux ou communaux.

Que naisse une nouvelle élite intellectuelle et politique qui tranche d’avec les pratiques des pouvoirs actuels et leur mode de gouvernance.

Que voit le jour un patriotisme inclusif (un esprit patriotique tout court) qui cultive un nouveau sens civique et un nouveau sentiment national.

Que soient butés hors de la politique et de l’administration les cadres véreux, les apprentis sorciers et experts en retournements de veste qui squattent un jour Sékhoutouréya et prennent en otage tout président élus : aujourd’hui Alpha Condé, demain un autre.

Que les politiciens par défaut qui deviennent opposants parce que virés par Alpha Condé par exemple n’aient pas de partis reconnus. Que l’assemblée nationale, la CENI et les institutions similaires ne soient plus constituées que de chômeurs, de sans-emplois, de retraités qui ne siègent que pour des per diem ou pour empocher des sommes dont ils n’auraient jamais osé rêver.

Que soit interdit toute institution extra républicaine comme les organisations régionalistes qui quadrillent notre pays et qui sont le dépotoir de l’ethnocentrisme. Enfin, que soit élu un président de la République à l’issue d’un suffrage universel qui ne soit entaché d’aucun sentiment ethnique, régionaliste ou communautariste.

D’ici-là, l’élite guinéenne, engourdie ou embastillée devrait relever la tête afin d’éviter à la Guinée l’éveil de mauvais penchants qui sommeilleraient quelque part. Que Dieu, Le Tout Puissant, Sème la concorde entre les guinéens et qu’Il Fasse que notre nation demeure une et indivisible. Amen !

Lamarana-Petty DIALLO

lamaranapetty@yahoo.fr

 

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3 commentaires
  1. Doura dit

    @Lamarana: pas d’accord avec vous; le seul responsable de la division telle qu’elle est ojordhui en Guinée est le Burkinabé alifa kone. L’opposition n’y a rien à voir!

    1. Mo. Sylla dit

      Vous ne connaissez pas la division mon cher, les guinéens ne sont pas divisés. Nous nous frottons ensemble tout les jours dans les taxis, marchés, baptêmes, mosquées, églises, cimetières etc etc.. Alors où est la division. Il y’a des gens qui sont naturellement aigris si tu considère qu’on n’est divisé ça va demeuré dans ta tête. C’est des politiciens et ceux qui sont proche d’eux qui tiennent ces mots, pour une seule raison ( ils n’ont pas remporté l’élection présidentielle) c’est moi qui devrait gagné pas l’autre.

  2. Diallo Thiernp Tidianr dit

    Belle analyse mon oncle. Mais le seul responsable c’est alpha condé

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