Le panafricanisme est un courant politique, culturel et intellectuel né au début du XXe siècle, prônant l’unité, la solidarité et l’émancipation des peuples africains face à la colonisation, à l’impérialisme et à toutes formes de domination. Il repose sur des piliers fondamentaux :
- La souveraineté des États africains
- L’unité politique et économique du continent
- La libération des peuples par eux-mêmes
- La promotion des identités africaines
Des figures comme Kwame Nkrumah, Thomas Sankara, Patrice Lumumba, Sékou Touré ou Cheikh Anta Diop ont incarné ce rêve d’une Afrique forte, digne et unie, débarrassée de la tutelle étrangère.
Les juntes du Sahel : rupture ou récupération ?
Ces dernières années, des coups d’État militaires ont eu lieu au Mali (2021) au Burkina Faso (2022) et au Niger (2023). Ces régimes militaires, souvent mal accueillis par les institutions internationales, se réclament d’un certain panafricanisme, dénonçant :
- La présence militaire française (notamment Barkhane)
- Les accords de coopération jugés déséquilibrés
- L’ingérence occidentale dans les affaires africaines.
- Le « néocolonialisme » économique et sécuritaire.
Mais derrière ces discours panafricains de façade, une dérive s’installe.
Des dérives autoritaires sous couvert de patriotisme
Certes, les peuples sahéliens ont souvent soutenu ces régimes au départ, par rejet des élites politiques corrompues ou incompétentes. Mais très vite, les faits contredisent les principes panafricains :
- Suspension des libertés (répression des voix critiques, arrestations arbitraires)
- Absence de feuille de route claire vers un retour à l’ordre constitutionnel
- Concentration du pouvoir entre les mains des militaires
- Manipulation de la colère populaire à des fins de légitimation
- Détournement du discours panafricain pour justifier l’autoritarisme
Résultat : un panafricanisme dévoyé, vidé de sa substance progressiste et transformé en outil de propagande nationaliste et populiste.
Quel panafricanisme voulons-nous ?
Le vrai panafricanisme ne peut pas s’accommoder :
- De la suspension indéfinie des constitutions
- De la personnalisation du pouvoir
- Du mépris des contre-pouvoirs et de la société civile
- D’alliances opportunistes qui ne servent pas l’intérêt des peuples
Être panafricain, ce n’est pas glorifier une junte parce qu’elle dit ‘’non’’ à l’Occident. C’est bâtir une Afrique libre, juste, démocratique, souveraine et responsable.
Il faut faire preuve de vigilance et de lucidité, les peuples d’Afrique ne doivent pas se tromper de nouveau.
Oui, l’Afrique a besoin de se libérer de toutes formes de domination. Oui, le combat contre le néocolonialisme est légitime. Mais non, ce combat ne doit pas servir de paravent à de nouvelles formes de dictature.
Le vrai panafricanisme est un projet d’avenir, pas un camouflage pour des régimes militaires en quête de légitimité.
Boubacar Dieng