Né en 1944 à Conakry, Camara y débute ses études primaires auprès de son père Fodé Camara, modeste ouvrier de l’Office des Chemins de fer, dénommé à l’époque Conakry-Niger.
Après le C.E.P.E son père l’inscrit à la Section Manuelle de l’Ecole Régionale de Kankan, il en sort avec le diplôme d’ouvrier, ébéniste, toujours fredonnant. En 1963, affecté à Beyla, il intègre la formation fédérale Bembeya Jazz qui commençait en ce moment sa vertigineuse ascension vers le titre national.
Demba doit alors lutter sur plusieurs fronts pour devenir l’animateur à succès que l’on pleure aujourd’hui. D’une famille originaire de Saraya, petite gare près de Kouroussa, sa venue à l’orchestre en qualité de chanteur était considérée par ses parents comme une fuite devant les taches plus « sérieuses » de menuisier à l’établi. Ces réticences, bien sûr, seront balayées avec les succès que Bembeya Jazz remportera pour accéder en 1966 comme orchestre national, après un voyage triomphal à Cuba. C’est là dans la grande île de la liberté, qu’il fit pleurer le vieil animateur afro-cubain Abelado Barroso en interprétant en espagnol les grands succès de la riche carrière de septuagénaire.
Demba suit très tôt et apprit vite que pour s’imposer comme interprète d’une grande formation nationale, il faut travailler sa voix, soigner sa diction, acquérir du souffle, discipliner ce souffle, exercer ses oreilles et aviver son sens du rythme et de la mesure. En somme un travail de tous les jours et de longue haleine ! Il s’y employa avec rage et ténacité, en s’inspirant des styles d’interprétation des bardes africains.
Passionné de chants et de musique, attentif aux différents rythmes qui caractérisent les musiques africaines, Demba s’est affirmé comme un chercheur qui aime les folk-songs sans pour autant dédaigner les autres genres. Magnétophone en bandoulière, il était assidument aux portes de tous les artistes traditionnels de Conakry.
Sa voix male, ou rauque doux et prenant, le mit à l’aise dans les genres et tous les styles d’interprétation. Plus qu’un chanteur Demba était devenu un « monstre de spectacle, un maître à ambiance !»
Au sein du célèbre Bembeya Jazz National, il fait à travers l’Afrique Occidentale plusieurs tournées des capitales. Et partout où il s’est produit, il a amené ses collègues de rencontre à méditer son prodigieux style d’animation. Les succès « Regard sur le passé » « Ballaké » « Armée Guinéenne » « Waraba » et tant d’autres qui sont à l’affiche des « hit-parades » des radios-télévisions, succès qui sont imités par beaucoup de formations africaines, portent tous le cachet original de composition, d’adaptation et d’interprétation de Demba Camara.
En Afrique comme partout ailleurs, les chansons volent de lèvres en lèvres, de génération en génération, gorgées d’histoires, d’amour et de vie. Les créations de Aboubacar Demba Camara, surtout ses « derniers succès », c’est le chant de cygne d’un grand poète, d’un grand musicien africain, et le message vocalisé d’un chanteur que les siècles ne feront plus taire.
Ibrahima Khalil Diaré