Il est séropositif et le vis pleinement sans gène depuis quelques années. Aboubacar Camara est sociologue de profession. Dans cet entretien à visage découvert qu’il a accordé à la rédaction de votre quotidien en ligne Vision Guinée, Aboubacar revient sur les débuts de sa maladie, sa rencontre avec Médecins Sans Frontières. ‘’La discrimination et la stigmatisation sont des phénomènes qui conduisent à l’exclusion des malades séropositifs (…) Je demande aux populations guinéennes de bannir le phénomène de discrimination, de stigmatisation et d’exclusion des personnes séropositives dans la société.’’ S’exprimait-il à notre micro. Entretien !
Vision Guinée : Pouvez-vous nous relater brièvement l’histoire de votre séropositivité ?
Bonsoir et merci de l’intérêt que vous accordez aux personnes vivant à le VIH/SIDA à travers ma personne. Ma séropositivité remonte à quelques années. Tout a commencé le 9 février 2008 quand le médecin m’a annoncé mon résultat sérologique après une consultation au CHU Ignace Deen. Le constat est que j’étais tout le temps malade. Une semaine de bonne santé est synonyme de deux semaines pendant lesquelles je soufrais. Ma maladie a eu un impact sur mes études. Ce qui m’a amené à être le plus grand chômeur de ma classe à l’époque. Certains amis s’inquiétaient et se demandaient comment allais-je réussir mes examens en classe ?
Dites-nous M. Camara, comment à ce jour vivez-vous votre séropositivité?
D’une manière générale, l’état des séropositifs en Guinée reste une question épineuse. Il faut avouer que la situation des malades ici, dans la capitale, s’est beaucoup plus améliorée par rapport à celle des malades de l’intérieur du pays. Quand j’étais à l’intérieur du pays, j’ignorais presque l’existence de cette maladie, je n’avais aucune information sur elle.
A mon arrivée à Conakry, après avoir su que j’étais séropositif, j’ai beaucoup appris sur le VIH/SIDA. Il convient tout de même de souligner qu’à l’intérieur du pays les malades n’ont pas accès aux soins et certains ignorent de quoi ils souffrent.
Je dirais qu’en Guinée les séropositifs souffrent énormément. Ils ne sont souvent pas pris en charge, et manquent surtout d’informations. Pour mon cas particulier, c’est à Conakry que j’ai su qu’il y a une prise en charge médicale et psycho-sociale pour cette maladie.
A l’intérieur du pays on ne parle que de la prise en charge médicale et celle psycho-sociale n’est pas connue là-bas.

Aujourd’hui vous vous êtes réunis en associations qui sont affiliées à des Réseaux…
Oui, je fais partir d’une association de personnes vivant avec le VIH/SIDA, du nom de VIE +. Cette association est membre du REGAPE + (Réseau Guinéen des Personnes infectées et affectées du V.I.H/SIDA). Nous avons 29 associations affiliées au REGAPE +, dont 6 associations à Conakry et les 23 autres à l’intérieur du pays.
A quelle occasion avez-vous rencontré Médecin Sans Frontières (MSF) ?
Ma rencontre avec MSF est intervenue à un moment pénible où je soufrais. J’étais à l’écoute d’une émission sur les ondes de la radio communautaire Familia FM. Ce jour-là, le thème spécifique de l’émission était axé sur ‘’Le VIH/SIDA’’. Je savais déjà que je vis avec cette maladie. J’étais impressionnée par ce que j’entendais dans cette émission. Ce jour-là, une conseillère de Médecins Sans Frontières témoignait sur son statut de séropositivité. Dès après l’émission, j’ai relevé les coordonnées de la dame et c’est de là que j’ai pu rencontrer MSF.
Et qu’est ce que la rencontre avec Médecins Sans Frontières a apporté de nouveau dans votre vie ?
Certains membres de ma famille ne croyaient plus à ma survie. Je tombais souvent malade. D’autres allaient même jusqu’à me donner un délai de survie tellement que j’étais fatigué et perdais progressivement du poids. J’avoue que la rencontre avec MSF a été fructueuse pour moi, dans la mesure où grâce au soutien médical et psycho-social de Médecins Sans Frontières, je suis heureux et je vis pleinement ma séropositive sans complexe. Comme je le disais tout à l’heure, le témoignage de la dame dans l’émission m’a fait du bien et cela m’a surtout permis de savoir que je n’étais pas seul. J’ai aussi connu les voies et moyens d’être un patient de Médecins Sans Frontières. Bref, la rencontre avec MSF a prolongé ma vie.
Comment vivez-vous avec votre famille, vos amis et collaborateurs ?
Ben les choses ont changé aujourd’hui. On me regarde de manière plus positive. Tout le monde connait ma séropositivité et me soutient. Il m’arrive parfois d’avoir l’envie de déclarer ma maladie aux autres, mais ma famille s’y oppose, craignant mon rejet par les autres.
Le soutien moral de ma famille, mes amis et collaborateurs m’a redonné le moral et me fait oublier ma maladie. Je vis aujourd’hui positivement avec sérénité avec tout le monde.
Aux personnes vivant avec le VIH/SIDA et qui ignorent comment se fait la prise en charge au niveau de Médecins Sans Frontières, que leur diriez-vous?
Au niveau de médecins sans frontières, il y a une prise en charge globale car, elle est médicale et psycho-sociale. Ces deux permettent au malade de retrouver son bien-être. Les produits gratuits sont établis de telle sorte que la prise ne cause aucun problème et d’ailleurs ils prennent en compte et soignent toutes les autres maladies opportunistes.
Contrairement aux autres structures, à Médecins Sans Frontières les consultations, les produits et les examens est gratuits.
Un message particulier à l’endroit des personnes vivant avec le VIH/SIDA, mais qui ne souhaitent pas se rapprocher des centres d’accueil et de prise en charge ?
Je dirai tout simplement à ses personnes, pour vivre avec cette maladie il faut savoir accepter. L’acceptation est la première alternative et la seconde est l’observation. Cependant le respect des rendez-vous et la prise de médicaments sont indispensables quelque soit la préoccupation du patient.
Pour vivre positivement avec cette maladie, il faut nécessairement un conseiller, un confident qui doit être régulièrement à tes côtés. Sa présence est obligatoire surtout en temps de faiblesse généralisée pour la prise en temps réel des produits et avec exactitude. En dépit de cela, toute personne vivant avec le VIH doit adhérer à une association.
La vie associative permet plus facilement l’intégration, mis aussi et surtout l’acquisition de nouvelles expériences à travers des séminaires de formation et de sensibilisation. Le fait de se retrouver parmi d’autres personnes qui ont la même maladie que soi rend beaucoup plus heureux et confiant à une éventuelle guérison. C’est ce qui occasionne l’espoir pour la suite de la maladie.
Le dernier mot de cet entretien vous revient…
La discrimination et la stigmatisation sont des phénomènes qui conduisent à l’exclusion des malades séropositifs. Elles poussent les malades à éviter la prise en charge et le dépistage pour certains. La crainte du rejet par la société est la principale cause d’abstention au test de dépistage.
Je demande aux populations guinéennes de bannir le phénomène de discrimination, de stigmatisation et d’exclusion des personnes séropositives dans la société.
Boubacar Sidy BAH, Visionguinee.info
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