[dropcap]J[/dropcap]e suis toujours dégouté quand le débat politique se résume à une histoire de personne ou d’ethnie. Mais la réalité m’oblige à tenir compte de cet état de fait et bien entendu contribuer à ma manière à changer l’ordre actuel des choses.
Au-delà d’une condamnation par principe et de façon presque unanime des propos d’Alpha condé sur la communauté malinké, qui en aucune manière ne correspond à cette caricature irresponsable que le président veut lui attribuer, il y a d’autres agitations qui méritent des interrogations.
Il faut d’abord noter que ces propos sont condamnables et regrettables comme tous ceux qu’il a toujours tenus à l’endroit des autres communautés. Cette attitude est indigne d’un chef d’État et ce type de discours est antirépublicain.
Par ailleurs, ces événements et le déroulement de l’actualité sur ces faits donnent l’impression que certains cadres de cette communauté veulent rééditer la stratégie de récupération dont Alpha condé a fait preuve en 1985 après la fameuse phrase de Lansana Conté “wo n’fatara” d’où sa construction d’une certaine assise politique dans cette région. Étant donné que dans notre pays, compte tenu de son passé politique, sa sociologie et le faible niveau de maturité de sa population, la victimisation a elle seule peut être un programme politique entier et suffisant pour fonder une légitimité et ainsi conquérir un électorat.
La cartographie politique étant encore ethnico-régionale, le terrain devient ainsi favorable à l’usage de la victimisation et de l’avènement du “messie sauveur de la communauté” pour dire après “j’ai été là pour vous défendre quand Alpha Condé vous insultait et vous humiliait”. Ceci pour dire que la guerre de succession est engagée. Elle est la source de toutes ces polémiques, elle sera impitoyable et que le calcul est simple pour ceux qui sont dans cette logique communautariste de bataille politique.
Quel est le procédé, le calcul et pour quelle finalité ?
Alpha condé ne sera pas candidat en 2020, Lansana Kouyaté est politiquement affaibli pour ne pas dire mort dans sa base politique, alors chacun estime qu’il a une carte a jouer. Le président prend la température sur le terrain et se rend compte qu’il y a aucune écoute favorable pour le soutien de sa base à un éventuel projet de troisième mandat. Plus loin, il comprend qu’il y a déjà des cadres de sa mouvance qui sont actifs de façon discrète sur le terrain pour tirer les ficelles pour non seulement le bloquer dans son élan de rempiler (les arguments ne manquent pas et l’argent aussi coule à flot).
Alors Alpha Condé décide de réagir. Il s’en prend à toute l’ethnie qu’il considère sans respect comme étant ses militants naturels (toujours maladroit quand on réagit à chaud) alors qu’il voulait viser juste quelques-uns pour cette circonstance précise. Ceux-ci profitent de sa bourde pour non seulement mettre à nu leur projet (sans le dire aussi mais leur attitude peut suffire pour comprendre), mais aussi enfoncer le clou sur le cercueil politique du président du RPG en faisant du lobbying dans la région et de la propagande de discrédit dans les médias.
La bataille ouverte est ainsi lancée. Union sacrée entre ces cadres dissidents pour résister aux assauts du président qui se dit finalement que si ce n’est pas lui, ce ne sera personne parmi eux. Les autres aussi se donneront la main pour le mettre hors circuit pour ensuite commencer à se détruire dans une guerre de positionnement où tous les coups seront permis.
Connaissant la capacité de nuisance du président, ce qu’il sait faire le mieux d’ailleurs, sachant les moyens que le pouvoir lui confère (argent, décret, communication, violence…) et la faiblesse de nos institutions, il y a des raisons de s’inquiéter pour l’avenir proche de notre pays. Ce cas particulier, ajouté aux appétits des acteurs (politiques où d’autres qui nourrissent le rêve de la succession) et qui évoluent de façon floue sur le terrain, la jungle ou le KO ne seront pas très loin. Il suffira d’une étincelle pour faire exploser la poudrière et les pyromanes. Dieu seul sait quel est leur nombre dans ce pays.
En attendant que devient la Guinée ?
Elle va attendre dans la misère et l’observation de la scène comme au cinéma. Ceux qui sont naïfs vont applaudir comme toujours pour espérer que le hasard des choses sera à leur avantage comme à la loterie. Tout étant question de rapport de force, le pouvoir n’ira que vers celui qui sera le mieux préparé sur le terrain (là où les enjeux réels se déterminent), car il ne se donne pas, il s’arrache. L’incertitude va faire le reste et peut-être quelque chose sortira de nulle part pour tout remettre à plat et nous ramener à la case de départ.
C’est le moment d’agir avant qu’il ne soit trop tard, car nous devons comprendre qu’avec un tel schéma le débat sur le développement, les élections, la démocratie, bref tout ce qui peut permettre le pays d’aller de l’avant, est désormais renvoyé aux calendes grecques.
Par Aliou BAH
Consultant et directeur de communication du BL