La Guinée traverse aujourd’hui une période de profonde confusion morale, marquée par un bouleversement inquiétant des repères sociaux et institutionnels.

Comment expliquer qu’en République de Guinée, des blogueurs connus pour leurs invectives, leur langage ordurier, et leurs insultes même à l’encontre des plus hautes autorités de l’État, soient aujourd’hui accueillis en grande pompe, décorés, écoutés, et mis en avant comme des figures respectables de la scène publique ?

Ceux qui, hier encore, s’adonnaient à l’outrage systématique sont aujourd’hui reçus sous les ors de la République, comme si l’injure était devenue un titre de légitimité, une nouvelle norme d’ascension sociale.

Pendant ce temps, Aliou Bah, homme respecté, intellectuel rigoureux, connu pour sa constance et sa probité morale, subit toute la rigueur d’une justice à deux vitesses. Son tort ? Avoir simplement exhorté les religieux à jouer leur rôle de gardiens de la conscience collective, à sensibiliser les autorités sur la nécessité de préserver l’espace démocratique, et à alerter sur les dérives sécuritaires qui gangrènent le pays : enlèvements, disparitions, arrestations arbitraires. Un appel citoyen, responsable, éthique transformé en “offense à l’État”. Résultat : 2 ans de prison.

Une telle sévérité sélective soulève une question fondamentale : que devient une République qui traite ses penseurs comme des criminels, mais honore ses insulteurs comme des modèles ?

Comment justifier qu’un homme qui appelle à la paix civile, au respect des libertés fondamentales, à la justice sociale, soit présenté comme une menace, pendant que ceux qui nourrissent les réseaux sociaux de haine et de mépris soient promus et célébrés ? Quelle Guinée souhaitons-nous léguer à nos enfants ?

Ce renversement des valeurs n’est pas qu’une crise morale. C’est une menace directe pour la survie même de notre contrat social. Quand l’insulte devient un passeport pour la reconnaissance, et la dignité un fardeau à punir, ce n’est pas seulement l’ordre républicain qui vacille, c’est l’avenir de toute une nation qui s’assombrit.

Souleymane Kourouma
SK|MoDeL