[dropcap]L[/dropcap]e lundi 5 septembre 2016, Damaro Camara sur le site Africa Guinée disait en substance ceci: « Vous savez, il faudrait que les gens apprennent à être un peu plus cohérents. Quand l’opposition demande par exemple à changer la CENI actuelle, alors que c’est une loi qui a mis en place cette institution, il faudrait qu’elle comprenne que ce débat doit se faire à l’Assemblée. Aucun accord ne peut enlever aux députés le droit de voter une loi ».
Il ajoute qu’«aucune institution ne doit être modifiée à moins de six mois avant les élections (…). Qu’on me donne un seul exemple d’une Assemblée nationale où la minorité a réussi à faire passer une loi. La démocratie c’est la volonté de la majorité. C’est pourquoi on organise des élections »
Sur l’application des différents accords, Damaro Camara soutient que très peu de points n’ont pour l’instant pas été appliqués. « Qu’on indemnise les personnes décédées, oui ! Qu’on indemnise ceux qui ont perdu des biens, oui ! Mais qu’on cherche à situer les responsabilités des uns et des autres » soutient le Président du Groupe parlementaire RPG Arc-en-ciel.
« Ce qui est sûr, moi personne ne me fera voter une loi si je ne suis pas convaincu de son intérêt pour le peuple de Guinée » martèle Damaro Camara
A ceux qui préconisent la mise en place d’un nouveau cadre de dialogue, Damaro Camara souligne : « Le dialogue c’est à l’Assemblée Nationale. Ce n’est pas moi qui le dit c’est la loi. Il faudrait que les gens apprennent à respecter les lois même si celles-ci ne les arrangent pas ».
Alors après l’euphorie, l’engouement et l’espoir suscités de part et d’autre par la rencontre entre Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo, au regard du contexte, des prises de positions qui ont suivi, des réactions qu’il y a eues et des engagements pris, prenons le temps d’examiner avec sérénité et pragmatisme ce qui se passe pour éviter de tomber une énième fois dans le piège d’un espoir qu’on se fabrique dans la tête juste pour se faire plaisir et éventuellement croire naïvement qu’il suffit d’une rencontre pour que tout change dans la bonne direction
Je pars de quelques interrogations simples: la Guinée sous le régime d’Alpha Condé, qui gouverne en réalité ? Quelle est l’ossature du premier cercle de décision ? Quels sont les véritables détenteurs du pouvoir ?
Les pratiques de sa gestion, ses approches, son réflexe me disent que ce sont les extrémistes qui ont la voix au chapitre autour du président et qui représentent son bras politique dont il se sert pour bloquer, débloquer, envenimer, etc.
On peut les appeler les ingénieurs de la crise. Ils ne sont intelligents que pour nuire et ils doivent leur réussite (politique et financière) qu’a cet état de fait.
Parmi eux, il y a évidement Damaro Camara. Il joue un rôle de premier plan dans le dispositif cynique de la gouvernance Alpha Condé. Il en est un des inspirateurs.
Alors ces déclarations, que je trouve prémonitoires par rapport à ce qui se passe actuellement, au regard de nos attentes et du contexte peuvent nous inspirées ces constats et un ensemble d’hypothèses:
Le fait d’insister pour que l’assemblée nationale soit le seul cadre de discussion démontre déjà ce calcul orienté dans le sens de préparer le blocage et se constituer en obstacle.
Cette institution depuis sa mise en place n’a contribué à régler aucun point fondamental de la crise multidimensionnelle dans laquelle le pays est plongé depuis 2011. Elle est quasiment à l’image de toutes les assemblées nationales que nous avons eues depuis l’indépendance et sa seule vocation et d’être un instrument de l’exécutif pour ainsi accompagner ses dérives et fabriquer une nouvelle dictature.
C’est cette situation qui a amené l’opposition à utiliser d’autres recours pour se faire entendre car à l’hémicycle ses idées sont étouffées sous prétexte qu’il n’y a que le choix de la majorité qui compte. Même si celle-ci est négative et défend un agenda plus personnel que républicain.
Cela fait deux ans qu’il martèle, selon une loi de la CEDEAO, qu’aucune institution ne doit être changée 6 mois avant les élections. N’ayant aucune date confirmée par décret pour la tenue des élections locales, sur quelle base mesure-t-il ces 6 mois pour faire appliquer alors cette disposition ? C’est purement une bêtise en terme de déclaration.
Et que ce que la gouvernance du RPG fait des lois de la Guinée, celles de la CEDEAO et des recommandations des différents rapports sur les questions électorales en Guinée ?
L’agenda électoral est constitutionnel puisque nous ne sommes pas au Gondwana alors que fait la majorité présidentielle pour qu’il soit respecté afin que les élections se tiennent à date et dans des meilleures conditions ?
Selon lui, il ne reste que quelques points des différents accords qui n’ont pas été appliqués. Quels sont ses critères d’évaluation de ce qui a été fait et ce qui reste à faire ? Le comité de suivi a disparu, l’assemblée nationale n’en parle pas, le cadre de dialogue n’existe plus. Alors que nous raconte Damaro étant donné que le camp présidentiel a toujours bloqué toutes les propositions de l’opposition au niveau du Parlement ?
Les deputes du RPG s’intéressent plus à la source des propositions qu’à leur pertinence.
Sur les procès des assistanats politiques et l’indemnisation des victimes, avions-nous besoin d’accord politique pour que la justice fasse son travail ?
Tout ce qui sera soumis à l’appréciation de la majorité présidentielle dirigée par cet homme et qui concours à l’édification de la démocratie et de l’Etat de droit, sera purement un simplement rejeté. Où se trouve le jeu de dupes?
Alpha Condé a pris des engagements certes
Il fera semblant de prendre des initiatives tout en donnant des instructions contraires à sa majorité à l’assemblée. Le blocage se fera et sa justification sera pour nous dire que les institutions étant ‘indépendantes’, il ne pourra pas se battre pour la démocratie et refuser les principes qui vont avec. Pour des institutions inféodées à sa personne, chacun aura ainsi sa définition de la démocratie. Là où Paul Biya, Robert Mugabe, Sassou N’guesso et tant d’autres se sont dit démocrates, Alpha condé aura une médaille d’or.
Tout semble montrer que le président a œuvré dans ce sens que pour obtenir le dernier satisfecit du FMI, une bonne note politique avant l’assemblée générale des Nations Unies en fin septembre et un répit pour mieux se repositionner et nuire.
Qu’est-ce qu’il faut alors faire?
La CENI ayant proposée de façon unilatérale (une fuite en avant) une nouvelle date pour la tenue des élections locales, le président de la République doit impérativement désavouée l’institution en refusant de prendre le décret entérinant cette proposition pour convoquer le corps électoral.
Il aura ainsi posé un premier acte concret pour montrer un minimum de bonne foi. Ceci aura le bénéfice de renforcer la confiance entre lui et les acteurs du processus et par voie de conséquence le peuple de Guinée.
Un tel acte va contribuer surtout à renforcer les chances de réussite du dialogue en perspective. Autrement, il sera sans objet donc mort-né.
Le dialogue politique dont l’objectif ne doit être que l’actualisation des dispositions des accords signés et la définition de leurs modalités d’application, doit nécessairement aboutir à un résultat.
Chaque acteur du processus doit être intransigeant quant au respect des dispositions des accords. Il ne s’agit surtout pas de remettre en cause leur contenu. Il s’agit de les appliquer intégralement et sans complaisance.
Sur les deux points qui semblent être des sources de blocage, Il n’y a aucune explication compréhensible que cela soit ainsi, car il est dit que les élections communales et communautaires doivent se tenir et la CENI doit être reformée. Il faut s’y mettre et éviter non seulement de tomber dans la diversion des arguments insensés, mais aussi de perdre du temps dans des bavardages stériles.
Comment peut-on déjà admettre dans une salle du dialogue quelqu’un, Damaro, qui ne se gêne pas de dire, je le cite : ‘’Nous avons donné la parole à la CENI qui a clairement dit qu’il n’y a pas de fichier parfait dans le monde. Même aux Etats-Unis, en France ils ont encore des problèmes’’. C’est le comble du mensonge et du manque de respect pour l’intelligence des guinéens.
Par ailleurs, ayant déjà confirmé à travers son engagement qu’il était le facteur de blocage et qu’il donnera désormais des instructions à qui de droit pour qu’on avance, l’opposition doit saisir cette opportunité pour appliquer à la fois la stratégie du rapprochement et de la pression. Les deux peuvent aller parfaitement ensemble et serons efficaces à terme pour la Guinée.
Le centralisme outrancier du système politique guinéen fait du président, malheureusement, un homme trop puissant. Ce, au détriment de la démocratie et des grands équilibres du pouvoir. Il faut réinventer le modèle.
Les rencontres souhaitées entre lui et les leaders politiques dans ce contexte n’ont aucun sens et n’auront aucun résultat dans l’intérêt de la Guinée car le chef de file de l’opposition lui a transmis toutes les préoccupations de l’opposition républicaine qui l’a mandaté de répondre à l’invitation adressé non pas au président de l’UFDG mais à toute l’opposition.
Cette manœuvre du pouvoir ne peut avoir comme objectif que la diversion pour perdre du temps sur l’essentiel et de la manipulation pour créer la suspicion. Elle n’est donc pas la bienvenue et il faut s’en méfier.
Les lois et les accords ayant tout réglé, il faut simplement veillez à leur application sans complaisance ni calcul mesquin.
Pour ce faire, il faut poser des actes et matérialiser ainsi la volonté exprimée de part et d’autres car la Guinée est en souffrance et l’avenir de la jeunesse devient de plus en plus obscur et hypothétique.
Depuis New York, Aliou BAH
Directeur de la communication du Bloc Libéral