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Aliou Bah ou le procès d’une espérance nationale !

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Il est des moments dans l’histoire des peuples où la destinée d’un homme épouse si puissamment le tumulte de son temps qu’elle en devient, sans l’avoir cherché, l’allégorie la plus vivante. 

Le 26 décembre 2024, Aliou Bah, figure montante d’une alternative politique fondée sur la dignité, la justice et la souveraineté, est arrêté à la frontière, alors qu’il s’apprêtait à se rendre à Freetown.

Son voyage, pourtant anodin, devient dès cet instant le prélude d’un récit plus grand que lui, plus vaste que ses pas, car il s’ouvre sur l’écho de tant d’autres arrestations qui, dans l’histoire de la Guinée et de l’Afrique, ont marqué la naissance de légendes politiques.

Transporté au Haut Commandement de la gendarmerie, Aliou Bah entame alors un périple judiciaire, non comme un fugitif ou un perturbateur de l’ordre public, mais comme un citoyen debout dans ses convictions, calme face à l’arbitraire, et serein dans sa vérité.

Le 31 décembre 2024, il comparait pour la première fois devant le Tribunal de première instance de Kaloum. Quelques jours plus tard, le 7 janvier 2025, il est condamné à deux années de prison. Il interjette appel, comme le lui permet la loi. Le droit suit son cours, mais l’histoire, elle, prend un virage inattendu : la procédure devient le théâtre d’un éveil national.

Le 26 mars, devant la Cour d’appel, des diplomates, des juristes, des citoyens, des observateurs, parfois silencieux, parfois bouleversés, assistent à ce qui n’est plus seulement un procès, mais un miroir tendu à la conscience collective. Et ce 9 avril, à nouveau, dans la même salle d’audience qui jadis avait vu s’ouvrir le procès des événements tragiques du 28 septembre 2009,

Aliou Bah comparaît. Le symbole est lourd, presque mystique. Cette salle, imprégnée du sang de l’impunité, devient aujourd’hui le sanctuaire d’une parole démocratique qui lutte pour se frayer un chemin.

L’histoire ne manque pas de repères. En juillet 1963, Nelson Mandela est arrêté à Liliesleaf, à Johannesburg. Il est jugé au procès de Rivonia, dont la résonance fut planétaire. En Guinée, en décembre 1998, Alpha Condé est arrêté avant même la proclamation des résultats de l’élection présidentielle. Leurs détentions furent des tournants, non seulement pour leur propre trajectoire, mais pour celle de leurs peuples. Le procès d’Aliou Bah s’inscrit dans cette lignée. Non pas parce qu’il revendique l’héroïsme, mais parce qu’il en subit la mécanique sans jamais trahir son humanité. Il est désormais, malgré lui, l’héritier d’un récit de résistance, où la parole reste l’arme et la justice, le champ de bataille.

Ce procès, à bien des égards, cristallise non pas une opposition politique classique, mais la quête d’un idéal. Aliou Bah n’est pas un opposant dans le sens commun du terme en Afrique. Il est un porteur d’alternative. Il n’est l’ennemi de personne, pas même du CNRD, qu’il ne défie pas sur le terrain de l’hostilité, mais sur celui de la proposition. Il parle de la Guinée, non seulement en termes de conquête du pouvoir, mais aussi en termes d’urgence sociale : famine, insécurité, insalubrité, corruption. Il n’affronte pas les hommes, il affronte les maux. Et parce qu’il dérange sans agresser, parce qu’il éveille sans incendier, son procès devient un révélateur de vérité.

La posture du CNRD est ici centrale, en tout cas pour le moment. Ils sont aujourd’hui les garants de la transition, les arbitres de la compétition future. Leur rôle n’est pas de se mesurer aux ambitions, bien sûr si on peut croire aux discours du leader, mais de garantir l’espace dans lequel elles pourront se manifester équitablement. Et s’ils ont fait serment de ne pas se porter candidats, alors ils devraient être les gardiens d’un terrain neutre, où toutes les voix peuvent s’exprimer, y compris celles qui dérangent.

Aliou Bah, aujourd’hui, depuis sa cellule, n’est ni brisé, ni vaincu. Il incarne désormais le symbole vivant d’une résistance douce mais résolue. Tel Madiba depuis Robben Island, il inspire au-delà des murs. Il propulse une vision pacifique du changement, par le droit, par la justice, par la force de l’esprit. Et cette lumière, loin d’être étouffée par l’ombre, grandit à chaque audience, à chaque silence de la salle, à chaque battement de cœur de ceux qui croient encore que la Guinée peut se réconcilier avec elle-même.

Son procès deviendra un repère. Il influencera les générations futures, en Guinée comme ailleurs. Il inspirera les mouvements de justice sociale, et nourrira sûrement, demain, une transition pacifique du pouvoir. Il rappellera, pour longtemps, que fuir n’est pas toujours courage. Que rester, affronter, et dire le droit, est parfois le seul vrai patriotisme.

La Guinée n’est ni figée ni docile ; elle vibre d’élans imprévus. À nous de l’aimer sans la contraindre, de l’accompagner sans la violenter, et de l’honorer dans la vérité de ses soubresauts.

En observant de près ce procès, il nous enseigne que, même confronté aux systèmes les plus oppressifs, le changement demeure possible lorsqu’il s’appuie sur la persévérance, le courage et la foi lucide en un avenir plus juste et plus inclusif pour l’ensemble de la société. Le procès d’Aliou Bah, bien plus qu’un litige judiciaire, est la prophétie d’un avenir encore possible. Il est la flamme d’un peuple qui cherche sa voix, et la voix d’un homme qui n’a jamais cessé d’aimer ce peuple.

Abdoulaye Bademba Diallo
Juriste, écrivain et essayiste

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