Un adage populaire enseigne qu’on ne peut cacher le soleil avec une main. C’est pourtant ce que semblent vouloir faire le président Alpha Condé et certains de ses proches. En fait, lors d’un entretien qu’il avait eu avec le chef de l’Etat, Sidya Touré avait indiqué qu’il s’était étonné que le président soit surpris de la peinture qu’il lui avait faite de la situation socioéconomique de la Guinée.
Implicitement, le leader de l’UFR s’était dit que le chef de l’Etat n’avait pas le sens de la réalité. Mais avec les derniers événements à Kankan, on se rend compte qu’il s’agit en fait du refus de la réalité. Une méthode qui n’est pas sans conséquences pour le prince lui-même.
S’il y a bien une posture dans laquelle la gouvernance du président Alpha Condé prospère particulièrement, c’est bien celle de fuir ses responsabilités et de toujours rechercher des boucs-émissaires. C’est ainsi que depuis son installation, le chef de l’Etat ne perd aucune occasion de désigner ses opposants comme étant à la base de tous les problèmes que le pays connait. Ne voulant ou ne pouvant pas faire montre de hauteur de vue et de lucidité pour reconnaître ses propres tares, le président Alpha Condé a utilisé sa recette miracle de la manipulation face aux jeunes de Kankan qui lui ont ouvertement renvoyé son bilan désastreux. Ne se préoccupant même pas de vérifier si les faits dénoncés sont vrais ou faux, le Président a tout naturellement estimé qu’il s’agissait de jeunes à la solde de ses adversaires.
Mais cette fois-ci, il ne s’est pas limité à cette approche. Il a tenu à démentir le fait que les Kankanais l’aient défié. Visiblement, il a dû être conseillé aussi bien par certains de ses proches collaborateurs de Sékhoutouréyah que par des responsables locaux de la région de Kankan. Ces derniers en particulier, visés par les dénonciations, avaient intérêt à ce que le chef de l’Etat ne parte pas de Kankan sur une aussi mauvaise note. Autrement, ils se savaient installés sur un siège éjectable. A son tour, le Président se laisse facilement persuader. Parce qu’il ne voulait pas que son opposition exploite l’incident. Aussi, des fonds importants sont débloqués. Jean-Marie Doré a notamment parlé de 1 milliard 400 millions de GNF. L’intimidation et le chantage sont également mis à contribution. Conséquence, la ville de Kankan est littéralement paralysée le samedi. Dans les différents marchés, la patrouille s’assure que tout est fermé. En fait, c’est aux méthodes Pdgistes qu’on recourt. Et tout naturellement, le résultat est à la hauteur des espérances. Le stade M’Balou Mady Diakité est pris d’assaut. Le président Alpha Condé particulièrement content, y livre son discours.
Sauf qu’en réalité il n’avait pas à se réjouir de cette seconde mobilisation, aussi puissante soit-elle. Parce que celle-ci n’est pas spontanée. Elle n’est pas authentique. Elle n’est pas l’expression de l’adhésion des populations de Kankan à son projet de société. Elle est plutôt suscitée par la sortie frauduleuse de l’argent du contribuable guinéen et par les menaces des responsables locaux. Elle n’est donc pas le reflet de la réalité. Mais de cela, le chef de l’Etat se fiche visiblement. Autrement, il aurait humblement écouté les récriminations des jeunes qui, lors de son premier passage, lui ont dit le fond de leur pensée. Il en aurait alors tiré les leçons qu’il faut. Et il aurait pu rebondir et rectifier le tir. Hélas, il refuse cette dure réalité selon laquelle il déçoit. Du coup, il y a très peu de chance qu’il puisse changer. Et c’est le principal enseignement qu’on peut en tirer.
Mamadi Doukouré (In GuineeActu)