[dropcap]L'[/dropcap]opposition qui tient coûte que coûte à manifester en présence du chef de l’État, a pris la décision de reporter sa marche pour le 16 août prochain, au lieu du 10 août. C’est le second report du démarrage des manifestations de rue des opposants, face à l’absence du président Alpha Condé, dans ce qui ressemble bien au jeu du chat et de la souris.
L’opposition n’a pas battu le pavé ce mercredi 10 août, comme prévu. Elle avait en effet décidé de reporter sa marche suite à une réunion plénière qui s’est déroulée le lundi dernier dans la matinée au quartier général de l’UFDG, situé à la Minière.
Pour justifier ce second report, quand on sait que la manifestation était initialement prévue pour le 4 août, avant d’être reportée au 10, puis finalement au 16 août, l’opposition disait attendre le retour du président. Car les opposants tiennent coûte que coûte à marcher en présence du chef de l’État, pour qu’il constate de lui-même le ras le bol généralisé de ses compatriotes, selon eux.
Il faut ajouter que cette marche partira de l’aéroport international de Conakry, au palais du peuple de Conakry, soit une distance d’environ 7 kilomètres, selon l’itinéraire défini par les organisateurs.
En prélude à cette marche, l’opposition a initié des meetings dans les communes de la ville, dont le but serait de sensibiliser leurs militants sur le bien-fondé de la reprise des manifestations de rue. Ainsi, le dimanche dernier Cellou Dalein Diallo et ses pairs ont été reçus au quartier Dar es Salam, dans la commune de Ratoma, où ils ont animé un grand meeting. La foule qui s’était fortement mobilisée a été invitée à se préparer pour la marche.
Pour revenir à la plénière du lundi dernier, il faut dire que le porte-parole de l’opposition, Aboubacar Sylla en a profité pour citer les points de friction entre eux et le pouvoir. Pour l’opposant, « le gouvernement tient un discours d’hypocrisie en faisant croire, d’un côté qu’il est favorable au dialogue, qu’il a une main tendue en direction de l’opposition. Mais de l’autre, il multiplie les obstacles à la tenue de ce dialogue. Il refuse pratiquement à répondre à nos propositions. Même quand ces réponses arrivent, on se rend compte que ce sont des réponses de chef-d’œuvre de langue de bois où on ne fait que proclamer des généralités au lieu de répondre clairement aux différentes propositions faites par l’opposition », a-t-il déploré.
Le porte-parole de l’opposition a tenu à rappeler que l’opposition voudrait simplement « discuter des modalités et du calendrier de mise en œuvre des dispositions de l’accord du 20 Août 2015 ». Concernant le chronogramme électoral, notamment « les élections communales. Nous voulons discuter de quels types d’élections on va devoir organiser. Est-ce que ce sont les élections communales seules ou les élections communales couplées aux élections locales, c’est-à-dire les conseils de quartiers et de districts ? Ainsi que l’agenda qui allait accompagner ces élections », a-t-il expliqué dans son compte-rendu devant les médias.
L’autre point auquel tiendrait l’opposition est la mise en place d’une Haute Cour de Justice. «Du fait que cette institution n’existe pas met le président de la République et les membres du gouvernement au-dessus de la loi. Le président de la République ne peut être poursuivi pour haute trahison que devant cette institution. Et les membres du gouvernement, même les délits qu’ils commettent dans l’exercice de leurs fonctions, c’est-à-dire les détournements des deniers publics, ils ne sont pas susceptibles de poursuites, puisque cette autre Cour de Justice est la seule juridiction devant laquelle ils peuvent être poursuivis. Nous avons demandé à ce que cette institution soit mise en place, puisqu’elle devrait l’être six mois après la mise en place de l’Assemblée nationale », a fait savoir Aboubacar Sylla.
C’est comme si le président n’attendait que le report de la marche de l’opposition pour rentrer au pays. Ce qu’il fit d’ailleurs dans la soirée du mardi, après une escale à Bamako au Mali. Il faut toutefois se demander si le chef de l’État sera sur place le 16 août prochain, date prévue pour la marche de l’opposition. Lui qui passe fréquemment son temps entre deux avions. Ce jeu du chat et de la souris auquel se livrent le pouvoir et l’opposition n’a que trop duré, de l’avis de certains observateurs. C’est finalement le « bas peuple » qui trinque.
Oumar Daroun Bah, dans L’Indépendant