[dropcap]L[/dropcap]a Guinée est vraiment un cas exceptionnel. Depuis 1958, nous ne faisons que revenir en arrière et discuter de la même chose. Après avoir fièrement voté le 28 septembre 1958, pour choisir l’indépendance, la Guinée continue de patauger et peine à se retrouver.
Un petit pays vieux de seulement soixante ans est aujourd’hui à sa cinquième Constitution et d’autres voudraient lui doter illégalement d’une sixième. Pendant ce temps les Etats-Unis, après plus de 230 ans, sont toujours à leur première constitution et cela ne les a pas empêché de se développer et de devenir la première puissance mondiale. La stabilité politique a permis malgré la diversité ethnique et raciale de construire une Nation viable dans le temps et de garantir l’espace nécessaire pour l’épanouissement progressif des citoyens américains.
Chez nous en Guinée, seule la Constitution de 1958 a pu survivre au-delà même de 12 ans. Cependant, lorsqu’en 1982, Sékou Touré décida d’adopter une nouvelle Constitution pour renforcer son emprise sur le pays, il ne jouira de ses nouveaux pouvoirs que seulement pendant deux ans. Malgré cette puissance, la nouvelle constitution et ses nouveaux pouvoirs ne purent lui éviter la mort soudaine qui l’emporta dans le royaume de la vérité et de l’éternité.
Cette mort, elle est inévitable et demeure la seule certitude de ce monde. Lansana Conté, après s’être débarrassé en 2002 de la Constitution adoptée en 1990, dans le seul et unique but de se maintenir au pouvoir, subira lui aussi le destin inéluctable de la mort. Il partira sans même avoir pu terminer le nouveau mandat de sept ans qu’il s’était octroyé. En fin de compte, il est évident que le pouvoir, ni ne donne, ni ne prolonge la vie.
Alpha Condé du haut de ses 82 ans, n’est plus qu’au crépuscule de son combat et de sa vie politiques. Il ne devrait avoir pour souci que de consolider nos maigres acquis démocratiques car le jugement que lui réserve l’histoire, dépendra plus du respect de son serment que des œuvres physiques et temporaires qu’il aurait réalisées ça et là. Toutes ces œuvres matérielles et physiques seront démolies un jour et remplacées par d’autres qui répondront au besoin du temps et du peuple. Cependant, nul, et je dis bien nul, ne pourrait lui enlever le fait d’avoir honoré son engagement et son serment de respecter les exigences constitutionnelles de l’alternance démocratique.
Il n’aura de plus bel héritage et de plus grand honneur qu’en présidant à un transfert de pouvoir paisible et démocratique. Il n’y a aucun barrage hydroélectrique, ni aucune route, ni aucun hôtel qui pourrait lui procurer cette entrée dans le panthéon des grands hommes de l’histoire de notre pays et même de notre continent. C’est d’ailleurs la seule façon pour lui de se racheter de toutes ses errances politiques, de ses excès dans l’exercice du pouvoir et surtout d’avoir contribué immensément à la déchirure du tissu social et à l’affaissement de l’État.
Pour éviter d’être un autre personnage controversé de plus de notre histoire, qui sera célébré par les siens et décrié par les autres, Alpha Condé devrait faire le choix qui fera de lui une figure historique nationale. Sinon, comme ses prédécesseurs, il subira le même traitement historique par un peuple trop divisé qui ne s’accorde jamais sur la même lecture de l’histoire de notre pays.
Qu’il sache qu’il a plus à perdre que toutes les ouailles qui broutent autour de lui et toutes ces mouches qui bourdonnent dans ses oreilles. Tout ce qui les intéresse, c’est la préservation de leurs intérêts personnels. Qu’il sache aussi et surtout que ces individus qui l’encouragent dans cette aventure ne le font ni par amour pour lui et ni pour une quelconque confiance ou admiration pour lui. Ils n’ont d’ailleurs aucune loyauté pour lui si ce n’est pour la mangeoire.
Comme des charognards, ils n’hésiteront d’ailleurs pas à festoyer sur son corps et à marcher dessus pour se prosterner devant le prochain locataire du palais du Pouvoir.
Si Alpha Condé voudrait couronner ses quarante années de lutte pour le pouvoir par cette forfaiture, qu’il sache que la place que lui réserve le peuple ne sera pas loin de la décharge de l’histoire douloureuse de ce pays. C’est à lui et à lui seul de choisir, la place qu’il voudrait occuper dans la mémoire collective de notre pays. Le pays n’a nullement besoin d’un débat sur une nouvelle constitution. Ce dont le pays a besoin, c’est d’un débat sur la démarche à suivre et les politiques à mettre en œuvre pour l’émergence de notre pays de sa torpeur séculaire. Nous avons souffert pour trop longtemps.
Que la raison prenne le dessus sur la passion pour que triomphe l’intérêt du pays.
Abdoulaye BARRY
ajbarry@live.com
Portland, OR USA
Un excellent Article.
Maintenant est-ce que Alpha Condé va écouter ces sages conseils…?.
Pas sûr de cela!.