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Appel à une enquête indépendante sur la disparition forcée de Foniké Mengué et Billo Bah

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Plus de quatre mois après l’arrestation arbitraire et la disparition forcée à Conakry de deux défenseurs des droits humains guinéens, Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah, la justice guinéenne n’a toujours pas fait de déclaration concernant l’avancement de l’enquête qu’elle a ouverte pour établir les circonstances de cet enlèvement et déterminer le sort qui leur a été réservé. Il est impératif qu’une enquête indépendante soit diligentée.

Mobilisons-nous auprès des autorités guinéennes pour exiger une enquête indépendante, incluant une composante internationale !

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Qu’est-il arrivé à Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah ?

Dans la nuit du mardi 9 juillet 2024, aux alentours de 22 heures, Oumar Sylla, dit « Foniké Menguè » – Coordinateur national du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) – Mamadou Billo Bah, Coordinateur de Tournons La Page Guinée (TLP-Guinée) et responsable des antennes et de la mobilisation du FNDC – et Mohamed Cissé, membre du FNDC, sont brutalement enlevés au domicile d’Oumar Sylla, à Conakry, devant témoins. L’enlèvement est perpétré par un groupe d’environ dix militaires armés et encagoulés, appartenant aux Forces spéciales et au Groupement d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN), dont certains sont en tenue civile. Le lendemain, seul Mohamed Cissé est libéré. Dès lors, il entre en clandestinité et quitte immédiatement Conakry.

Ouverture d’une enquête par la justice guinéenne

Face à une vaste mobilisation internationale et à la pression des organisations de la société civile, le 17 juillet, le procureur de la Cour d’appel de Conakry déclare dans un communiqué de presse « qu’aucun organe d’enquête n’a procédé à aucune interpellation ou arrestation de qui que ce soit » et précise qu’Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah ne sont détenus dans aucune prison du pays. Il indique également qu’une enquête a été ouverte. Le 23 juillet, le porte-parole du gouvernement guinéen, Ousmane Gaoual Diallo, affirme que « les enquêtes sont en cours ».

Alors même que le parquet général près de la Cour d’appel de Conakry avait annoncé avoir donné des instructions aux différents parquets d’instance de la ville, « afin d’ouvrir des enquêtes minutieuses et complètes sur ces faits et de nous tenir informés en temps réel sur l’évolution de la procédure » les autorités guinéennes demeurent silencieuses concernant ces enquêtes, sauf lorsqu’elles sont interrogées par des médias internationaux.

Le 25 septembre, sur la Deutsche Welle (DW), le président du Conseil national de la transition (CNT), Dansa Kourouma, déclare : « Mon souhait le plus ardent est de retrouver ces deux compatriotes sains et saufs. Je souhaite que la justice, qui a déjà pris le dossier en main, puisse, avec la plus grande diligence et efficacité, apporter des éléments factuels et tangibles. Le procureur général de Conakry, qui est l’instance judiciaire habilitée à diligenter une enquête, a déjà affirmé que celle-ci est en cours. Nous prions pour que cette enquête aboutisse à des conclusions qui apaisent les familles et toutes les autorités du pays. »

Le 26 septembre, sur Radio France Internationale (RFI), le Premier ministre guinéen, Bah Oury, indique : « Jusqu’à présent, nous n’avons pas encore d’informations complètes et précises sur le lieu où ils pourraient se trouver actuellement, et nous avons demandé aux structures judiciaires et aux forces de défense de poursuivre les enquêtes. »

Une enquête qui n’a d’existence que de nom

L’ACAT-France a pu communiquer avec plusieurs avocats du FNDC, tant en France qu’en Guinée, ainsi qu’avec des témoins de l’enlèvement, des membres des familles des deux victimes, des journalistes et défenseurs des droits humains ayant enquêté sur le dossier. Aucun d’entre eux n’a été approché par la justice guinéenne pour témoigner ou être auditionné.

Quatre mois après l’ouverture d’une enquête judiciaire en Guinée, les autorités compétentes n’ont toujours pas communiqué sur l’état d’avancement de leur enquête. Il existe une réelle crainte que l’enquête ouverte en Guinée n’ait en réalité jamais commencé et qu’elle n’ait d’existence que de nom. Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah sont toujours portés disparus à ce jour. Les autorités guinéennes sont responsables de leur intégrité physique et doivent révéler ce qu’il est advenu d’eux. Une enquête indépendante, avec une composante internationale,doit être mise en place.

Contexte 

Depuis le coup d’État du 5 septembre 2021, la Guinée est dirigée par Mamadi Doumbouya, à la tête de la Junte militaire. Initialement soutenus par une partie de la population, les militaires ont progressivement perdu ce soutien populaire en instaurant un régime de répression et de violence, emprisonnant ou persécutant toute voix dissidente. La Guinée traverse une période de transition, dont la fin théorique est fixée à la fin de l’année 2024, mais la situation reste incertaine. Mamadi Doumbouya, largement critiqué pour son autoritarisme, va vraisemblablement briguer la présidence lors de la prochaine élection présidentielle, tout en contrôlant les institutions chargées du scrutin.

Dans ce climat de répression, l’enlèvement d’Oumar Sylla dit « Foniké Menguè », coordinateur national du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), et de Mamadou Billo Bah, coordinateur de Tournons La Page (TLP-Guinée), est intervenu comme un symbole fort de la répression en cours. Ce n’est pas la première fois que Sylla et Bah sont victimes de répression.

Depuis 2021, Oumar Sylla a été arrêté à plusieurs reprises, notamment en 2022, pour son rôle dans les mobilisations contre la junte. De même, Mamadou Billo Bah a été arrêté pour ses activités de défense des droits humains et d’opposition au régime en place. Ces arrestations arbitraires s’inscrivent dans une stratégie de la junte visant à étouffer toute forme d’opposition et de contestation populaire.

Les circonstances de l’enlèvement  

Le 9 juillet 2024, vers 22 heures, Oumar Sylla, Mamadou Billo Bah et Mohamed Cissé, membre du FNDC, ont été enlevés au domicile d’Oumar Sylla par un groupe de militaires armés et encagoulés. Ces hommes, issus des Forces spéciales et du Groupement d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN), sont venus sans présenter de mandat d’arrêt ni fournir de justification. Sous la contrainte physiqueFotoba, dans l’archipel de Loos, où ils ont été incarcérés dans un centre de détention informel, ancien bagne colonial. Le 10 juillet, Mohamed Cissé a été relâché et s’est mis en clandestinité, tandis qu’Oumar Sylla et Mamadou Bah ont disparu dans les geôles du système

La pression de la société civile et des instances internationales

Dès le lendemain de l’enlèvement, une forte mobilisation a eu lieu à l’échelle nationale et internationale pour demander la libération des deux militants. Le 10 juillet 2024, 21 associations, dont l’ACAT-France, ont exigé leur libération immédiate. Amnesty International, Front Line Defenders et d’autres organisations ont publié des communiqués demandant une enquête impartiale et transparente sur leur disparition forcée. Des actions de protestation ont été organisées à Conakry, comme une journée ville morte annoncée pour le 12 août 2024. Le 30 août, à l’occasion de la Journée internationale des victimes de disparition forcée, 17 associations guinéennes ont affirmé qu’il était urgent d’enquêter sur cette disparition.

Au niveau international, l’Union Européenne, les Nations Unies, ainsi que des pays comme les États-Unis, ont exprimé leur préoccupation face à cette disparition et ont appelé à des enquêtes transparentes. Le Haut-commissariat aux droits de l’homme de l’ONU a également exhorté les autorités guinéennes à libérer les militants ou à les inculper en respectant les procédures judiciaires. Le 19 juillet, l’UE a demandé des clarifications sur leur sort. Le gouvernement français a été interpellé sur son rôle dans la coopération sécuritaire avec la Junte guinéenne, notamment après la publication d’une enquête révélant des liens entre des conseillers militaires français et les forces responsables de l’enlèvement.

Témoignages et enquête journalistique : une corroboration de la quête de justice des familles des victimes

Mohamed Cissé, le seul survivant de l’enlèvement, a publié une série de vidéos détaillant les tortures subies par les militants et leur transfert vers l’île de Fotoba. Il a raconté, avec précision, ce qu’il leur est arrivé, corroborant les informations fournies par le journaliste d’investigation français Thomas Dietrich, qui a révélé que des membres des forces spéciales guinéennes, formées par la France, étaient impliqués dans la torture des militants.

Thomas Dietrich a publié plusieurs vidéos et photos sur les réseaux sociaux, identifiant les tortionnaires et détaillant les circonstances de leur arrestation. Son travail a attiré l’attention de députés français, mais il a souligné à l’ACAT-France que, malgré ses efforts, il n’avait jamais été contacté par la justice guinéenne. Les épouses d’Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah vivent dans l’angoisse, ignorant toujours le sort de leurs maris après plus de quatre mois de disparition. Le vendredi 26 juillet, un complément de plainte a été déposé par leurs avocats devant le procureur de la République près le Tribunal de Paris. Le 5 septembre 2024, elles ont publié un témoignage poignant appelant à la justice.

Les obligations légales de la Guinée en matière de droits humains

La Guinée est liée par plusieurs instruments juridiques internationaux, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui l’oblige à protéger le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes. En tant que membre de l’Union Africaine, la Guinée doit également respecter les normes de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui condamne la torture et les disparitions forcées. Le pays a l’obligation de prévenir, enquêter et sanctionner les disparitions forcées, et de garantir des réparations aux victimes.

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