Dans la publication en ligne du journal Lynx, en date du 15 septembre 2024, on peut lire, sous la plume de Monsieur Yacine Diallo, certaines critiques, si encore on peut les appeler critiques, puisque le journaliste utilise le verbe Dénoncer, les propos irascibles de Monsieur Mansour KABA lors de sa conférence du samedi 14 septembre2024, au sujet de l’Avant-projet de Constitution.
Monsieur Mansour KABA considérerait que l’avant-projet de constitution est un « travail mal fait ». C’est du moins ce qu’on lit dans le titre de l’article du Lynx.
Il reprocherait, du reste, à Monsieur Dansa KOUROMA, Président du CNT de vanter partout l’avant-projet de constitution, celui-ci considérant que ”les Conseillers nationaux ont fait le meilleur travail possible, pour obtenir une Constitution qui « rassemble les Guinéens et qui leur ressemble ».
Il souligne que la position de Monsieur Dansa serait “loin de faire l’unanimité”. Cette exclamation de l’architecte Mansour, s’il tient encore bien l’équerre et le fil à plomb, est d’autant plus surprenante que lui même n’a jamais réussi à faire l’unanimité ; que ce soit dans sa profession ou dans l’arène politique, dans laquelle il n’a jamais pu présider qu’un parti quasi inconnu et infime, par rapport à l’UFR, l’UFDG ou le RPG.
Mais, au-delà, Monsieur Mansour KABA méconnaît que la décision prise par la plénière du CNT de vulgariser le texte de l’avant-projet de constitution est fort justement l’expression de l’humilité de cette institution de vouloir recueillir, le plus largement possible, les opinions favorables et défavorables sur ce qu’il considère être le “travail de Dansa et ses poulains”.
L’humilité du CNT résulte, tout naturellement, de la conscience collective au sein de cette représentation nationale que le travail humain ne peut prétendre à être parfait, sans aspérités, possédant toutes les qualités, ou tous les éléments requis ou souhaitables pour être aussi bons qu’il est possible de l’être, c’est-à-dire échapper définitivement aux mailles de l’erreur ou de l’oubli, une œuvre qui se prétendrait indemne de tout de malentendu, se vantant d’atteindre un degré de qualification exceptionnelle ou d’excellence, tel que toute idée d’amélioration serait vaine ou inopportune.
Monsieur Mansour KABA, grand ingénieur, à la réputation internationale, disons universelle, solidement établie, devrait être à même de comprendre que le texte présenté n’est qu’un avant-projet, c’est à dire la phase préliminaire d’un projet destiné à présenter ou à identifier les pistes de réflexions permettent de recenser des opinions convergentes et provoquer des débats sur les opinions divergentes relatives au régime et aux règles de gouvernance, de refondation de l’Etat et de reformes institutionnelles, qui lui sont consubstantielles ou concomitantes et au socle de la nation guinéenne.
Pour sa compréhension, il est important de préciser que dans l’opinion majoritaire au sein du CNT, cet avant-projet est un travail préliminaire, signifiant une étape intermédiaire qui précède et prépare l’étape définitive pour l’atteinte de l’objectif d’un retour à l’ordre constitutionnel normal. Il est conçu en vue d’orienter les débats futurs vers une intelligibilité et une large acceptation ou un vaste accord sur le contenu et le véritable signifiant du texte, avant de procéder à son adoption référendaire. Il s’agit d’un texte qui s’expose au débat constructif, qui ne peut donc être destiné à la glaire de la frustration ou au ressassement de la rancœur.
Il est incontestable que le très illustre ingénieur Mansour KABA ne peut pas ne pas savoir qu’un avant-projet n’est qu’une esquisse du maître d’œuvre, le CNT, ouverte à des esprits plus avisés et à des mains plus habiles, pour la conception définitive du projet à présenter au maître d’ouvrage, le Peuple, qui doit l’approuver.
Il est donc vraiment étonnant que Monsieur Mansour KABA dise que le CNT a accompli, à ce stade, un « travail mal fait », alors que justement le but de ces rencontres est de permettre de recueillir l’expression de diverses opinions, plus ou moins lumineuses, de personnalités comme Monsieur Mansa KABA, en vue d’éviter un « travail mal fait ».
La question est : Monsieur Mansour KABA a-t-il compris que c’est pour recueillir son avis, ses propositions, ainsi ceux de nombreux autres, pour la réalisation d’une bonne architecture constitutionnelle, en l’honneur et au bénéfice du Peuple de Guinée, que ces rencontres sont organisées ?
Le texte présenté, il convient de le préciser, est le résultat d’un vote majoritaire et non celui d’un vote unanime du CNT. Donc parler d’unanimité relèverait de la volonté histrionique de créer la sensation, dans le but narcissique d’attirer et reconquérir l’attention des populations désabusées par des vingtaines d’années de crise politique avec, bien entendu, l’intention de séduction et de provocation inappropriées. La conquête dans l’arène politique rappelle bien la hargne des gladiateurs, dont la survie est au bout du sabre. La conférence de presse livrait ce spectacle.
Par ailleurs, c’est parce qu’il est conscient qu’aucune constitution au monde n’a pu réaliser l’unanimité, que différemment des méthodologies antérieures, le CNT a organisé ces consultations, au cours desquelles se déroulent des discussions ouvertes et directes avec les entités ou composantes de la Nation, dont des représentants siégeant au sein de l’institution parlementaire de la Transition ont fait connaître leurs opinions.
Toutefois, même si l’on ne partage pas les opinions qu’il a émises, il faut reconnaître que Monsieur Mansour KABA a essayé de faire des propositions de rédaction sur le préambule, allant dans le sens du dialogue entrepris par le CNT. Sur la question qu’il soulève, d’autres opinions et propositions, semblables et opposes, ont déjà été formulées ; tant sur l’opportunité, la substance que sur leur emplacement dans le texte constitutionnel. Aucune d’elles n’a recueilli de position soutenue, à plus forte raison l’unanimité. Ce qu’il en sera, à la fin des consultations, inspirera la décision idoine. Mais que je sache, le CNT demeure ouvert à toute idée constructive pour une constitution qui « rassemble les Guinéens et qui leur ressemble ».
Il faut constater que l’acerbité des propos Monsieur KABA laisse préjuger qu’il serait capable, lui, de fournir une meilleure production que celle du CNT, d’apporter ses éclairages, espérons sans ire et sans irascibité ; rêvons qu’il s’y attèlera et ne décevra pas.
L’âge facteur déclencheur d’un régime juridique particulier
A en croire l’auteur de l’article du LYNX, la limitation de l’âge serait une abominable discrimination rendant “les plus de 80 ans sont bons pour les cimetières et la poubelle de l’histoire”.
S’étant octroyé “le droit d’offenser, de choquer ou de déranger…” [voir : 5 octobre 2013 Mansour Kaba rebelote : réponse aux négationnistes de l’esclavage au Foutah Djallon], il n’attribuerait pas la responsabilité du principe de la limitation d’âge au CNT, mais à “Dansa et ses poulains”. Ce qui est regrettable, dans la mesure où cette question d’âge figure parmi celles pour lesquelles l’esprit du CNT demeure ouvert et attentionné.
Au demeurant, il convient de noter qu’au plan juridique, l’âge est et reste un fait d’état-civil, auquel le droit réfère, dans le but d’encadrer les différentes étapes et exigences de la vie d’un individu, soit pour justifier l’adaptation de règles juridiques particulières, consubstantielles à la reconnaissance de droits spécifiques ou à l’imposition d’obligations nouvelles, soit pour constituer des seuils de déclenchement d’un régime juridique particulier. Mais apparemment Monsieur Monsieur KABA, ne serait pas très connecté avec le droit. Évidemment, il a l’excuse d’être un éminent et très respecté ingénieur.
Dans tous les cas, l’objectif du principe de limitation d’âge peut être :
- la protection de la personne à raison de son âge, qu’il s’agisse du jeune âge, de la minorité, de la majorité ou de l’âge avancé ;
- la nécessité de prévoir des dispositions légales relatives à l’exercice et la jouissance de droits particuliers à la fin de vie ou aux disparités grandissantes entre les générations.
En considération de ce qui précède, il apparaît que l’âge n’est pas qu’un élément d’identité des individus, mais aussi le conditionnement d’une protection institutionnalisée ou d’un encadrement spécifique.
N’eut été la manière irascible par laquelle Monsieur Mansour KABA s’en est pris au CNT, l’âge, déterminé par le calcul de l’écoulement du temps depuis la date de naissance, constitue, il faut l’admettre, un élément de préoccupation au regard de l’adulation outrancière portée actuellement à la jeunesse. Il va de soi qu’on ne doit pas se vexer contre l’ère que l’on vit. L’environnement social et juridique s’impose. Sachons faire comme Sénèque l’ancien, qui dit : “ne pouvant obtenir ce l’on veut, on se libère en voulant ce l’on a”
Rappelons que la limite d’âge est le nombre d’années vécues, au-delà duquel une personne ne peut plus continuer à effectuer certaines activités ou à exercer certaines fonctions.
Le principe de la limite d’âge est universel et ancien. Il existe depuis 1881, en Allemagne sous par Otto von Bismarck qui, le premier au monde, l’avait initialement fixé à 70 ans. Il a été, plus tard, rabaissé à 65 ans, à partir de 1916.
Qu’il en soit question dans le système constitutionnel ne peut être ni étrange, ni nouveau, Ce principe, plusieurs fois séculaire, est consacré, sanctifié par le droit du travail et par le constitutionnalisme guinéen, puisque l’alinéa 1er de l’article 26 de la Loi Fondamentale de Décembre 1990 disposait : “Tout candidat à la Présidence de la République doit être de nationalité guinéenne, jouir de ses droits civils et politiques et être âgé de quarante ans au moins et soixante dix ans au plus”.
Cette limitation d’âge n’a fait l’objet d’aucune critique à l’époque, jusqu’à ce que le ‘’Koudaïsme’’ s’en empare triomphalement, pour faire modifier la Loi fondamentale et permettre au Président de la République d’alors de se faire maintenir indéfiniment au pouvoir. Mais quand l’âge limite à sauté avec la révision de 11 Novembre 2021, le même alinéa de l’article 26 se lisait : “Tout candidat à la Présidence de la République doit être de nationalité guinéenne, jouir de ses droits civils et politiques et être âgé de quarante ans au moins”.
Ce n’est donc pas le CNT qui est l’inventeur de la limitation d’âge, puisque la tradition juridique de la mise à la retraite à l’âge de 65 ans au moins et de 70 ans au plus existe en Guinée, depuis son indépendance. Ce n’est pas non plus une spécificité guinéenne, c’est une universalité.
Seuls les politiciens pensent que contrairement aux autres citoyens, ils n’ont pas droit de mise à la retraite ! Quand l’addiction au pouvoir me tient !
On est en droit alors de se demander, s’il y a discrimination dans l’application du principe de la limitation d’âge, qui en est le praticien véritable ? Est-ce le politicien qui pense qu’il est diffèrent des autres citoyens, parce qu’il devrait disposer du privilège extraordinaire pour ne pas se retirer de l’exercice du plus haut et astreignant pouvoir d’État ?
Est-ce le constituant qui, partant de l’égalité ontologique et juridique des citoyens, fixe exceptionnellement à 80 ans le départ à retraite des candidats à la fonction de Président de la République ?
Dès lors, on est en droit de se demander si Monsieur Mansour KABA, serait véritablement en train défendre le principe universel d’égalité ou promeutrait-il une discrimination, en la forme d’une prérogative très spéciale, favorable aux seules personnes de son âge, candidates à la magistrature suprême ?
La fonction de président de la République comporte des sujétions et des charges mentales et physiques plus importantes et lourdes que celles du juge, de l’enseignant, de l’ingénieur et de n’importe quelle fonction publique ou privée.
De la candidature indépendante
En affirmant que les candidatures indépendantes “…pourraient porter à la tête du pays un candidat pistonné par toutes sortes de mafias. Les candidatures libres ne doivent pas être tolérées. La Guinée est un pays riche, des envieux, bandits peuvent donner des millions de dollars américains à quelqu’un, afin qu’il se retrouve à la tête du pays…” monsieur Mansour KABA ne dit pas non plus comment, dans un pays où des formations politiques ont pu être achetées et où des leaders, qui n’ont émergé d’aucune formation politique reposant sur des élections transparentes et de l’alternance démocratique, un parti politique ne se ferait acheter par ce qu’il appelle “des envieux, bandits [qui] peuvent donner des millions de dollars américains à quelqu’un, afin qu’il se retrouve à la tête du pays…”?
Conclusion
J’ai cru apporter ces éléments d’éclairage pour juste faire entendre à l’auteur de la formule “Dansa et ses poulains’’ qu’il devrait reprendre assidûment ses cours d’élocution, car le CNT est composé de membres, qui portent le titre d’honorable Conseillers nationaux. L’usage du terme “Poulain” ne leur sied pas. Il est insultant. Des personnalités entre 80 et 90 ans sont membres du CNT. Alors, un peu de respect!
Pour la gouverne de l’intéressé, en la circonstance, le terme bassement péjoratif de “poulains”, a le sens de “débutant aidé ou entraîné par une personne influente dans une profession ou organisation, qui promet, et sur lequel cette personne influente a fondé de grands espoirs’’.
Les 81 conseillers nationaux sont des hommes et des femmes, des pères et mères de famille, citoyens honorables, qui ont un sens élevé de leurs devoirs individuels et de leurs responsabilités collectives envers la patrie et leurs concitoyens.
Le Président du CNT a, en leur direction, les plus nobles égards de dignité, de courtoisie et d’urbanité.
Ce sont ses collègues, c’est à dire de respectables personnes qui travaillent avec lui remplissent la même fonction collégiale délibérative au sein de la même institution parlementaire, qui ne peuvent, en aucune manière, se rabaisser à être des “Poulains”.
L’âge et la fonction de président de parti devrait inspirer et imposer à Monsieur Mansour KABA de donner l’exemple de bienséance, de courtoisie, de délicatesse et de raffinement du langage inhérent à la discussion d’un texte de l’amplitude l’avant-projet de constitution.
Comment Monsieur Mansour KABA espère-t-il contribuer à installer durablement dans notre société les hautes valeurs des traditions africaines de paix, de tolérance, de convivialité, d’urbanité qui alimentent le vivre-ensemble, les échanges réciproques des personnes et des groupes qui la composent, quand il profère des incongruités outrageantes et distille la haine et la rancœur ? A 80 ans, est-ce l’exemple à donner aux jeunes ?
Le langage de la vérité et de l’éducation civique ne s’accommode pas de malveillance, d’inconvenance et d’indélicatesse.
Enfin, retenons que, ne craignant pas et ne repoussant pas les critiques, le CNT ouvre et entretient, à travers le dialogue participatif et inclusif, la possibilité d’écouter et la disponibilité de clarifier les malentendus, les points de vue, les opinions, la colère ou les revendications.
C’est pourquoi, toutes les composantes de la nation ont été conviées à s’exprimer et à contribuer à transformer cet avant-projet en un projet à la hauteur des attentes, des aspirations et des rêves de progrès et bonheur des populations guinéennes, tous spectres compris.
Mohamed Aly THIAM
Membre du CNT, Président de Commission