En politique comme en diplomatie, il est des nuances qu’il faut savoir entendre, des silences qu’il faut savoir lire, et des mots qu’il ne faut surtout pas déformer. Ces derniers jours, des voix se sont élevées pour dénoncer une prétendue contradiction entre les propos du Premier ministre Bah Oury et ceux du ministre secrétaire général de la présidence, le Général Amara Camara, au sujet de l’organisation des élections en Guinée.
À bien lire les déclarations de ces deux hautes figures de l’État, je ne vois, pour ma part, aucune confusion. Bien au contraire, je perçois une harmonie de fond, exprimée avec deux formes différentes, chacune fidèle au style et au rôle de son auteur.
Revenons d’abord aux faits. En visite à Abidjan, le Premier ministre Bah Oury évoque la possibilité d’un couplage des élections législatives et présidentielles en décembre 2025, à condition — et il le précise — que le référendum constitutionnel prévu le 21 septembre ait bien lieu. Il ne s’agit donc pas d’une annonce de date, mais d’une projection conditionnelle, ce que tout esprit rigoureux saura distinguer d’un engagement ferme.
Le Général Amara Camara, quant à lui, interrogé sur cette même question, rappelle avec justesse que la première étape reste le référendum, base juridique nécessaire à la mise en place des futures institutions. Il affirme ne pas être en mesure, en sa qualité de porte-parole de la présidence, de donner une date pour les élections générales. Et il insiste, comme le Premier ministre, sur la centralité du référendum dans le processus de retour à l’ordre constitutionnel.
Il ajoute même, avec une sincérité touchante : « Nous-mêmes, si on pouvait mettre les élections demain, on allait le faire. Mais il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. »
Où est donc la divergence ? Elle n’existe pas. La seule différence réside dans la posture et la fonction.
Bah Oury est un homme politique aguerri, formé dans l’arène des idées et du débat public, habitué à prendre la parole avec liberté, à projeter des intentions, à semer des perspectives. Son rôle est aussi d’inspirer confiance, de donner un cap, même si ce cap reste conditionné.
Le Général Amara Camara, lui, est un homme de rigueur militaire, de discipline institutionnelle, de prudence calculée. Sa parole est pesée, calibrée, formelle. Il parle au nom de la présidence, et dans ce rôle, il ne peut annoncer que ce qui a été acté par décret.
Ces deux hommes incarnent, chacun à leur façon, la volonté commune de conduire la Guinée vers une transition réussie, ordonnée et crédible. L’un prépare les esprits à ce qui est possible ; l’autre rassure sur ce qui est institutionnellement solide. Ensemble, ils dessinent une même trajectoire, celle de la normalisation démocratique fondée sur une nouvelle Constitution.
Dans un pays comme le nôtre, trop souvent secoué par la précipitation et l’approximation, je trouve au contraire salutaire cette articulation entre engagement politique et rigueur institutionnelle. Elle est le signe que la transition guinéenne avance, non dans la cacophonie, mais dans une complémentarité maîtrisée.
Alors, au lieu d’alimenter des polémiques stériles, élevons le débat. Reconnaissons que nos dirigeants, malgré leurs différences de ton et de style, œuvrent dans le même sens. L’essentiel, aujourd’hui, c’est que le peuple de Guinée puisse aller aux urnes en toute légitimité, sur la base d’un cadre constitutionnel clair, accepté, et souverainement adopté.
C’est à cette condition que nous pourrons tourner, une bonne fois pour toutes, la page des transitions sans fin.
A bon entendeur salut ! D’ici-là, merci de contribuer au débat.
Elhadj Aziz Bah
Entrepreneur, auteur et expert en transformation stratégique
Caroline Du Nord, USA
Note de l’auteur : Acceptons la pluralité d’idées. Pas d’injures, et rien que d’arguments.
C’est bien dit, le premier ministre est beaucoup plus diplomate et politique que le secrétaire général de la présidence.