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Bah Oury : les enfants de l’axe Hamdallaye-Bambeto ‘’luttent pour une noble cause’’

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[dropcap]L’[/dropcap]article de l’envoyé spécial du journal « Le Monde » Joan Tilouine titré «  Avec les gangs de l’ axe, mercenaires politiques de Conakry » publié le 24 avril 2015 a jeté la consternation au niveau de beaucoup de démocrates guinéens. Pour la grande majorité d’entre eux, les jeunes de l’axe « Hamdallaye-Bambeto-Cosa-Wanindara-Cimenterie » qui traverse de part en part la commune de Ratoma sur prés d’une vingtaine de Kilomètres, ont payé le plus lourd tribut pour la conquête de la démocratie et de liberté ces vingt dernières années en Guinée.

bambeto12Ils sont en première ligne pour brandir l’étendard de la révolte populaire afin d’obtenir tant soit peu une amélioration qualitative de la gouvernance du pays. Leurs aînés contestataires étaient à la fin des années 80 et au début de la décennie 1990 dans les campus universitaires. Les grèves estudiantines avaient obligé le régime d’exception du Comité Militaire de Redressement National du Général Lansana Conté à engager la libéralisation politique par la légalisation des partis politiques et la promesse d’organiser dans la foulée des élections présidentielles et législatives pour doter la Guinée des institutions de la république. Cette ouverture formelle de l’espace politique n’était pas accompagnée d’un changement au niveau du mode de gouvernance du pays. La mentalité du parti unique d’une part et les réflexes autoritaires d’autre part ont perduré tout au long des trois dernières décennies.

Les jeunes nés au milieu des années quatre vingt, moins marqués que les générations précédentes par la rigueur de la dictature de Sékou Touré, culturellement métissées de peuls et de soussous et ouverts sur le monde extérieur, ne pouvaient plus vivre dans un carcan figé et obsolète que les équipes dirigeantes leur proposaient. En plus de la discrimination avilissante du fait d’un sentiment d’être en retard par rapport aux jeunes de Dakar ou d’Abidjan, une discrimination ethnique les ravalant à des sous-citoyens leur est infligé.

Majoritairement Peuls, ils vivent plus douloureusement la relégation des leurs au second plan par un système politique dont l’ethno-stratégie est le principal fond de commerce. Le déguerpissement et la destruction du quartier de Kaporo-rail au cœur de la commune de Ratoma en mars 1998 jetèrent dans la rue plusieurs dizaines de milliers de personnes avec femmes et enfants ,sans toits et sans ressources. Cette opération a provoqué un traumatisme collectif d’une profonde ampleur. Certaines de ces familles qui avaient fui les exactions des guerres civiles du Libéria et de la Sierra-Léone croyaient de retour dans leur pays natal pouvoir jouir de leur pleine citoyenneté et se retrouvèrent une seconde fois pourchassées et dépossédées de tous leurs biens. Les jeunes de l’axe sont les victimes de ces tragédies dont la Guinée est coutumière. D’où, depuis lors leur défiance vis-à-vis de l’ordre établi et leur révolte contre un système politique qui les a rejetés.

L’article du journaliste du journal « Le Monde » les dépeignant comme des gangs de mercenaires politiques, donc plus intéressés à obtenir des gains financiers est une insulte à leur esprit de sacrifice et leur engagement constant pour une cause pour laquelle ils n’hésitent pas de donner leur vie. Évoquer la question du trafic de drogue dans la sous-région à partir d’échange avec un jeune « leader » de l’axe est une allusion suspecte qui écorne l’image du mouvement contestataire dans son ensemble. En plus l’infantilisation des jeunes manifestants «que des chefs de clan utilisent pour servir les intérêts politiques cyniques et affairistes du ghetto » traduit une vision partiale et subjective. Des centaines de jeunes de l’axe sont tombés le 22 janvier 2007 fauchés par les balles des forces de l’ordre au pont Tombo de Conakry, d’autres centaines furent tués le 28 septembre 2009 et prés de 60 autres sont tombés depuis l’arrivée d’Alpha Condé au pouvoir. Le cimetière de Bambeto est rempli de stèles à la mémoire de ces martyrs. Cette lutte constante pour un réel changement démocratique, en dépit de la barbarie de la répression policière démontre une réelle prise de conscience des enjeux politiques et sociaux de leur pays.

Bien entendu, certains d’entre eux ne vont pas dédaigner de recevoir des liasses de billets de banque de la part d’hommes politiques qui croient pouvoir acheter leur soutien. Les plus désespérés parmi eux, choisissent le chemin de l’exil pour l’Europe en empruntant le chemin du désert et de la traversée de la Méditerranée au péril de leur vie. Ils savent que la mort guette à chaque coin de rue le jour d’une manifestation. Ces dizaines de milliers de Gavroche ne sont ni des manipulés écervelés, et ni des mercenaires politiques. Ils se battent pour la liberté, pour leur citoyenneté et pour le changement démocratique en Guinée. A l’instar des enfants de Soweto contre l’apartheid, les enfants de l’axe « Hamdallaye-Bambeto-Cosa » luttent pour une noble cause.

Enfin la crainte formulée d’un « bain de sang » par Cellou Dalein Diallo, président de l’UFDG est cyniquement présentée comme une volonté délibérée de sa part de «vouloir le provoquer  afin d’attirer l’attention de la communauté internationale ». Cette façon de voir est une manière de renverser la pyramide où les victimes sont considérées comme les responsables de leur sort et donc coupables. Comme si, revendiquer ses droits civiques est anormal et l’usage des armes de guerre pour contrer une manifestation politique pacifique est compréhensible.

Le journaliste ignore les subtilités politiciennes de Conakry où le prince de Machiavel a beaucoup d’émules parmi les cercles dirigeants. En réalité, le régime instrumentalise la presse internationale pour préparer une répression de vaste envergure en la présentant comme des actions pour combattre la délinquance et le trafic de drogue dans les quartiers Nord de Conakry. A ce titre, que dire du présumé auteur de l’assassinat de la Directrice du Trésor Mme Boiro en novembre 2012, Mohamed Junior . Ce dernier récemment interpellé au sud du pays a confié de sa prison, à la presse « M. Alpha Condé, m’a présenté à la fois au haut-commandement de la gendarmerie et au directeur général de la police nationale ,pour me confier la sécurité de la ville de Conakry avec instruction de me donner tous moyens pour ma mission ». La création de milices armées qui supplantent les forces officielles chargées de la sécurité est une réalité qui s’est banalisée. C’est pour cela les exécutions extra-judiciaires sont légions. Les dernières en date sont les assassinats d’Amadou Oury Diallo, président de la section des motards de l’UFDG et de Thierno Aliou Diaouné, ancien ministre de la transition et brillant activiste de la société civile.

Il serait regrettable que le journal « Le Monde » dont l’intégrité, l’objectivité et le sens de responsabilité sont internationalement reconnus, soit abuser et instrumentaliser à son insu par des manœuvres politiciennes de haute voltige pour discréditer une cause juste. Déjà en septembre 2013 à la veille des élections législatives, le Canard Enchaîné s’était embourbé en publiant de faux rapports confectionnés par les autorités guinéennes et attribués à la CIA et du DGSE où le groupe de Beny Steimetz est présenté comme le financier de Cellou Dalein Diallo et de Bah Oury pour organiser un coup d’État contre Alpha Condé.

Le pouvoir de Conakry, adepte de la théorie du complot permanent ne recule devant rien pour duper l’opinion internationale et cacher du regard du monde ses crimes humains et économiques. Cette  publication  contribuera sans aucun doute à rééquilibrer le reportage du journaliste Joan Tilouine et rendre également justice aux damnés de la terre de l’axe du changement de Conakry.

Bah Oury, Vice-président de l’UFDG

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