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Ce que voulait Cellou Dalein du PPTE

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En fin septembre, la Guinée atteindra le Point d’achèvement de l’initiative PPTE après 18 mois de règne du président Alpha Condé. Dieu seul sait comment Cellou Dalein Diallo, président de l’UFDG, aurait bien aimé être celui par qui le PPTE est arrivé en Guinée. Pour preuve, voici en intégralité son discours sur le bilan social et économique de la Guinée devant le Congrès du Parti Radical de France le 14 Décembre 2008…

Monsieur Jean Louis Boorlo, Ministre d’Etat, Ministre de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de l’Aménagement du territoire, Président du Parti Radical,
Mesdames, Messieurs les Ministres et Secrétaires d’Etat,
Mesdames, Messieurs les Députés,
Excellence Monsieur l’ambassadeur de la République Tchèque en France,
Mesdames, Messieurs les congressistes,
Mesdames, Messieurs,

Vous me permettrez tout d’abord d’exprimer ma gratitude à la direction du Parti Radical et singulièrement à son Président, le Ministre d’Etat Jean Louis Boorlo, pour m’avoir invité à ce congrès.
C’est un grand honneur pour moi de prendre part à cette importante instance de l’un des plus anciens partis politiques de France.
Je suis particulièrement flatté de pouvoir m’exprimer devant les éminentes personnalités de la classe politique française ici présentes.
Mon intervention portera sur « l’Impact de la mauvaise gouvernance sur le développement économique et la paix sociale dans les pays en développement, cas de la Guinée. »

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Parmi les contraintes qui entravent le développement des pays pauvres, on a toujours évoqué, à juste raison, le poids de la dette extérieure, la faiblesse de l’APD et des investissements directs étrangers ainsi que les difficultés d’accès des produits du Sud aux marchés du Nord. Par contre, pour des raisons diverses, la qualité de la gouvernance n’a été souvent que timidement évoquée. Et pourtant elle joue un rôle déterminant dans les capacités des pays pauvres à tirer profit des facilités mises en place par la communauté internationale pour atténuer les contraintes ci-dessus énumérées.

S’agissant de la dette, la communauté internationale a mis en place, comme on le sait, plusieurs instruments et mécanismes en vue d’alléger le poids de la dette des pays pauvres. C’est le cas notamment du Club de Paris et de Londres au début des années 80 et, à la fin des années 90, de l’initiative PPTE, renforcée récemment par l’annulation de la dette multilatérale vis-à-vis des institutions de Brettons Wood et de la BAD. Sans compter les efforts consentis au niveau bilatéral par certains pays créanciers comme la France qui ont décidé de n’octroyer aux PMA que des subventions.

Quant à l’APD, même si l’objectif de consacrer 0.7% du PIB des pays riches est loin d’être atteint, des efforts non négligeables ont été déployés pour mobiliser des ressources concessionnelles en faveur des PMA, notamment à travers l’IDA, le FAD, le FED et certaines institutions bilatérales de financement tels que la KFW, l’USAID et l’AFD.
Toutefois, le volume de l’aide est jugé insuffisant par rapport à la réalisation des OMD à l’horizon 2015. C’est ainsi qu’à l’occasion de plusieurs réunions, notamment, celle de Monterrey et de la 60eme session de l’assemblée générale des Nations Unies, des recommandations ont été faites aux pays riches d’accroître l’APD d’au moins de 50 milliards de dollars par an.
Enfin, si le volume de l’aide ne dépend que de la volonté des pays riches, son efficacité relève de la responsabilité commune des pays donneurs et des Etats bénéficiaires. Ces derniers en particulier se doivent d’accroître leur capacité d’absorption et d’améliorer la qualité de leur gouvernance.

Nous nous proposons, dans cet exposé, de mettre en évidence à partir de l’exemple guinéen, les méfaits de la mauvaise gouvernance sur le processus de développement d’un pays en essayant de montrer le coût que l’économie Guinéenne a payé pour n’avoir pas encore saisi l’opportunité exceptionnelle offerte par l’initiative PPTE d’annuler la dette extérieure du pays.

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

La Guinée : un pays de paradoxes

Indépendante depuis le 2 Octobre 1958, la Guinée couvre une superficie de 250.000 Km2 avec une population d’environ 10.000.000 habitants. L’économie du pays repose en grande partie sur les transactions minières qui fournissent l’essentiel des ressources d’exportation du pays (plus de 80%). Gros producteur de bauxite dont elle détient les 2/3 des réserves mondiales prouvées, la Guinée dispose également d’importantes quantités de fer, d’or et de diamant, ainsi que de considérables potentialités hydroélectriques, hydrologiques et agricoles.

Malgré toutes ces potentialités, la Guinée reste classée parmi les pays les plus pauvres du monde avec un taux de croissance du PIB en moyenne inférieur au taux d’accroissement de la population. Dans le domaine du Développement Humain, la Guinée occupe la 160eme place sur 177. Et, 53 % de la population (contre 40% en 1995) vivent en dessous du seuil de pauvreté. Il faut également noter une insuffisance notoire des infrastructures de base (eau, électricité, transport…)

Pourtant, les réformes engagées à l’avènement de la 2eme République semblaient ouvrir à la Guinée les perspectives d’une croissance forte et durable.

Les performances économiques des années 90

A la faveur de la disparition, en 1984, du Premier Président de la Guinée, et tirant les leçons de l’échec du système centralisé, le pays s’était engagé résolument sur la voie du libéralisme économique et politique.
C’est dans ce cadre que fut élaboré et mis en œuvre un vaste programme de réformes, avec l’appui technique et financier des partenaires au développement, notamment les institutions de Breton Woods, la France et l’Union Européenne. La mise en œuvre de ces réformes a contribué fortement à l’amélioration de la gouvernance, qui, à son tour, a permis d’accroître les capacités de l’administration et les performances de l’économie.

En effet, au cours de la décennie 90, le taux de croissance du PIB a été en moyenne de 4,5% ; le taux d’inflation, qui était de 72% au début des réformes, a été ramené et stabilisé à 5% ; les déficits budgétaires et de la balance de paiement ont été réduits à des niveaux soutenables, les réserves de change du pays ont été reconstituées et représentaient, en général, l’équivalent de trois mois d’importation. La capacité d’absorption de l’aide extérieure s’est accrue pour atteindre en moyenne 300 millions d’USD par an

La crise des années 2000

A partir de 2000, sous l’effet conjugué de l’instabilité sous-régionale, du poids de la dette, d’une baisse drastique de l’aide extérieure et surtout de la mauvaise gouvernance, l’économie du pays est entrée dans une période de récession profonde. En raison d’une gestion budgétaire et monétaire hasardeuse, les déficits se creusent, les tensions inflationnistes reparaissent, les réserves de change s’épuisent et le pays a de plus en plus du mal à honorer ses engagements au titre de sa dette extérieure.

Pour faire face à ces difficultés, le gouvernement élabore un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), obtient son admission à l’initiative PPTE en Décembre 2000 et conclut avec le FMI un programme au titre de la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance (FRPC).

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

Malheureusement, en raison de la prolifération des marchés de gré à gré, en violation du code des marchés publics, du laxisme dans la gestion monétaire, de la persistance des dérapages budgétaires favorisés notamment par les exonérations abusives et les dépenses extra budgétaires, ce programme n’a jamais pu être mené à son terme. En conséquence, le point d’achèvement de l’initiative PPTE n’est toujours pas atteint. Ce qui prive la Guinée d’obtenir l’annulation des 2/3 de sa dette extérieure soit l’équivalent de 2 milliards d’USD à raison de 1.2 milliards au titre de la dette multilatérale et 800 millions de la part des créanciers du Club de Paris. Une telle annulation aurait permis à la Guinée de ramener le service annuel de sa dette extérieure à moins de 60millions d’USD contre 185 millions actuellement. Mais, l’échec du programme conclu avec les institutions de Brettons Wood, au titre de la FRPC, a fait perdre à l’économie guinéenne d’autres opportunités.

En effet, en l’absence d’un programme performant, toutes les aides budgétaires qui devaient accompagner les efforts d’ajustement du gouvernement ont été suspendues ou annulées par les donateurs. Plus grave, la plupart des créanciers bilatéraux et multilatéraux ont été emmenés à suspendre les décaissements en faveur des projets et programmes en cours d’exécution parce que la Guinée n’était pas à jour dans le règlement des échéances de sa dette extérieure. Ainsi, beaucoup de projets vitaux identifiés et mis en œuvre dans le cadre de la lutte contre la pauvreté furent-ils suspendus ou arrêtés. En outre, à cause du déficit démocratique, d’autres bailleurs de fonds comme le FED ont suspendu ou réduit leur coopération financière.

Pour compenser ces pertes de ressources extérieures et les moins values de recettes fiscales entraînées par les exonérations abusives et les fraudes à tous les niveaux, la Banque Centrale et tout le système bancaire seront sollicités en permanence. L’endettement de l’Etat auprès du système bancaire qui n’était que de 174 milliards de GNF en 1999 va atteindre 771milliards en 2003 ; 1129milliards en 2005 et 1629 milliards en 2006. En conséquence, la masse monétaire explose, les réserves de change s’effondrent, les arriérés extérieurs s’accumulent, la crédibilité du pays s’effrite et sa capacité d’absorption s’amenuise pour tomber à moins de 70 millions d’USD par an en 2006 contre 339 millions au début des années 90.

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

Sous l’effet conjugué de tous ces facteurs résultant de la détérioration de la qualité de la gouvernance, le taux de croissance décline pour n’être que de 1,2% en 2003, soit largement en dessous du taux d’accroissement de la population. L’inflation repart pour se hisser à 20,4% en 2004 ; à 28% en 2005 et 34% en 2006. C’est également la descente aux enfers pour le franc guinéen. S’il fallait 2000GNF pour 1$USD en 2003, il en faut 7000 en 2006. Ainsi, les prix des produits pétroliers et des denrées de première nécessité tels que le riz, le sucre, la farine flambent. Le pouvoir d’achat des salaires et des autres revenus fixes s’effrite. Le salaire moyen du fonctionnaire ne représente plus que l’équivalent de 1,5 sac de riz contre 6 sacs en 2003. La pauvreté s’étend et s’aggrave. La population qui vit en dessous du seuil de pauvreté, au lieu de diminuer conformément aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), s’accroît en passant de 40% en 1996 à 49% en 2004 et à 53% en 2006.

Cette accentuation de la pauvreté et de la misère et surtout l’absence de perspectives pour une jeunesse nombreuse et désœuvrée ont fini par créer des frustrations et susciter de fortes tensions sociales ponctuées de violentes grèves générales.

Cette crise, comme on le voit est loin d’être une fatalité. Elle est essentiellement le fait de la mauvaise gouvernance marquée notamment par le manque de rigueur et de transparence dans la gestion des affaires publiques ; la généralisation de la culture de l’impunité ; le non respect des règles et procédures établies ; la violation par l’Etat de ses propres engagements ; la faiblesse du système judiciaire, du leadership national et des capacités de l’administration à orienter, impulser et coordonner le développement.


Conclusion

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

Comme on l’a vu, il serait impossible d’évaluer le coût économique et social de la mauvaise gouvernance qui s’est instaurée en Guinée depuis le début des années 2000. Cette mauvaise gouvernance a certes empêché le pays d’atteindre le point d’achèvement de l’initiative PPTE, mais, en plus, elle a privé le pays de beaucoup d’autres opportunités de développement et l’expose à des risques de plusieurs natures y compris les risques de violence et d’instabilité politique.

Pour sortir la Guinée de cette crise et l’engager sur la voie du développement durable il sera indispensable de refonder l’Etat, mettre fin à l’impunité et à la corruption, créer une administration efficace respectueuse des règles et des procédures, et qui soit à même de saisir toutes les opportunités internes et externes susceptibles d’accélérer le processus de développement du pays. C’est pourquoi l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG) s’est fixée comme première priorité dans son programme politique l’instauration de l’Etat de droit et la promotion de la bonne gouvernance car, à nos yeux, aucun projet ou programme de développement ne peut être réalisé et atteindre pleinement ses objectifs si on ne met pas fin à la corruption, à l’impunité, à l’injustice et à l’inefficacité.

L’Union Européenne qui, avec 46 milliards d’euros par an fournit 55% de l’APD doit se préoccuper davantage de l’efficacité de cette aide en faisant de la bonne gouvernance sinon une conditionnalité tout au moins un secteur de concentration de ses interventions.
En outre, dans ses relations avec les Etats ACP, elle devrait privilégier l’intérêt des peuples en contractualisant davantage le respect de certaines valeurs auxquelles elle se dit particulièrement attachée telles que les droits de l’Homme, la Démocratie et la bonne gouvernance

Paris le 14 Décembre 2008

Source: mediaguinee

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