Je n’ai jamais milité à l’UFDG. Par respect pour son combat, par pudeur face à son histoire, j’ai toujours choisi de garder mes distances. Mais aujourd’hui, l’heure est grave. Le silence devient complicité, et l’indifférence, une faute. Car l’UFDG, ce symbole vivant de la lutte démocratique en Guinée, est en train de couler, non pas sous les coups de ses adversaires, mais sous le poids de ses propres dérives.
Et au cœur de ce naufrage, il faut avoir le courage de nommer ce qui doit l’être : ce qui devait être, pour l’UFDG, un moment de clarification et de relance, vient une nouvelle fois d’être suspendu par décision du ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation. Le congrès prévu pour le 6 juillet 2025 n’aura pas lieu.
Officiellement, cette décision est motivée par l’existence de « différends judiciaires internes » au sein du parti et par des « violations substantielles » des statuts, selon une note transmise par le mouvement des « Formateurs » de l’UFDG.
Mais au-delà du fond juridique ou administratif, il faut oser regarder la réalité politique en face : nous nous tirons nous-mêmes une balle dans le pied. Ce n’est ni la première, ni probablement la dernière fois qu’un congrès de l’UFDG est entravé par des tensions internes. Et cela ne relève plus du hasard. Il est temps d’admettre que nos propres divisions sont devenues notre pire adversaire.
Cellou Dalein Diallo, leader incontesté et président historique du parti, reste à ce jour l’homme le plus légitime pour conduire l’UFDG. Son parcours, sa constance dans le combat démocratique, son enracinement populaire, font de lui le pilier naturel de cette formation. Comme le disait avec justesse le doyen Bah Mamadou : ‘’À situation exceptionnelle, homme exceptionnel’’.
Mais la reconnaissance de cette légitimité ne doit pas occulter d’autres parcours, d’autres voix. Ousmane Gaoual Diallo, qu’on le veuille ou non, a été l’une des figures les plus déterminantes dans la phase de résistance politique face à Alpha Condé. De député actif à communicant engagé, il s’est imposé comme un acteur-clé de la construction du parti. Aujourd’hui ministre de la Transition, il occupe une position stratégique à laquelle l’UFDG ne peut être indifférente.
Alors, faut-il tout sacrifier sur l’autel de l’égo et de l’impatience ? Faut-il que chaque processus interne soit systématiquement transformé en champ de bataille juridique ou en bras de fer politique ? Un grand parti ne se construit pas dans le chaos, mais dans la discipline, le respect des règles et l’intelligence collective.
Nous devons sortir de ce cercle vicieux. Le congrès n’est pas un trophée à arracher de force, c’est une opportunité pour rassembler, trancher démocratiquement, et construire l’avenir. Chacun doit pouvoir défendre sa vision, ses ambitions, mais dans le cadre statutaire, avec dignité et loyauté.
Il ne s’agit pas d’opposer Cellou à Ousmane, ou le passé au présent. Il s’agit de sauver ce que représente l’UFDG pour la Guinée : un espoir démocratique, une alternative crédible, une force de changement. Ce parti est plus grand que nos querelles individuelles. Il appartient aux militants, à l’histoire, et aux générations qui viendront.
Alors, une question brûle les lèvres : qui osera encore accuser le CNRD si, demain, l’UFDG est rayée du paysage politique ? Personne. Car les responsables seront connus, les fautes documentées, et l’Histoire retiendra que ce ne sont pas les militaires qui ont dissous l’UFDG, mais ses propres dirigeants, par orgueil, par entêtement, par mépris des règles et des symboles.
Perdre l’UFDG, c’est perdre bien plus qu’un parti. C’est perdre une colonne vertébrale de la démocratie guinéenne. C’est effacer d’un trait des décennies de lutte, de sacrifices, de rêves partagés. Et il ne s’en trouvera pas un autre pour le remplacer.
Je ne peux donc plus me taire. Car si l’on laisse mourir l’UFDG dans l’indifférence, c’est toute la Guinée qui perd une part de son âme. Il est encore temps d’arrêter la dérive. Mais cela suppose un sursaut. Un vrai. Et il ne peut venir que de ceux qui portent encore, malgré tout, l’espoir de millions de Guinéens : Cellou Dalein Diallo et Ousmane Gaoul Diallo.
À eux de choisir : l’Histoire ou la compromission. La mémoire de Bah Mamadou ou le confort de l’entourage. Le destin ou la chute.
J’en appelle à la sagesse. À Cellou Dalein Diallo, à Ousmane Gaoul Diallo, et à tous les cadres du parti : que chacun fasse un pas vers la retenue, la discipline et l’écoute. Le pays attend un leadership éclairé, pas des règlements de comptes. La grandeur se mesure dans la capacité à construire l’unité, même quand on a raison.
A bon entendeur salut ! D’ici-là, merci de contribuer au débat.
Elhadj Aziz Bah
Entrepreneur, auteur et expert en transformation stratégique
Caroline Du Nord, USA
*Note de l’auteur : Acceptons la pluralité d’idées. Pas d’injures, et rien que d’arguments.
À propos de l’auteur
Elhadj Aziz Bah est un stratège en transformation organisationnelle et un expert reconnu en gouvernance et leadership adaptatif. Formé à la prestigieuse MIT Sloan School of Management, où il a obtenu un Executive MBA, il a bâti une carrière internationale dans la finance, l’assurance et la santé avant de se consacrer à l’accompagnement des institutions publiques et privées. Spécialiste de l’agilité stratégique et de la performance des systèmes complexes, il intervient comme expert consultant auprès de gouvernements, d’ONG et de multinationales engagées dans la refonte de leurs modèles de gouvernance et de développement.
Il est également l’auteur du livre à succès « 8 clés pour la croissance personnelle et l’épanouissement », un ouvrage de référence qui allie introspection, discipline et vision pour accompagner les leaders et les citoyens dans leur cheminement personnel et professionnel.
Entrepreneur, analyste engagé et fervent défenseur de la rigueur institutionnelle, Elhadj Aziz Bah mobilise son expertise pour faire avancer les débats publics avec exigence, lucidité et ambition.