À chaque carrefour de Conakry, derrière les klaxons, les embouteillages et le tumulte quotidien, des enfants errent. Ils sont là, invisibles à force d’habitude. Certains les appellent rabatteurs. D’autres les regardent à peine. Mais ce qu’ils sont vraiment, ce sont des enfants abandonnés. Livrés à eux-mêmes. Rejetés par les leurs. Ignorés par l’État. Et oubliés de la société.

Ils traînent aux ronds-points de Cosa, de la Cité Enco 5 et d’ailleurs. Pour quelques pièces, ils aident les transporteurs à remplir leurs véhicules. Ils mendient parfois, se droguent souvent. Le bitume est leur lit. La fumée, leur refuge. Le désespoir, leur quotidien. Et pourtant, ils ont des prénoms, des rêves, des douleurs. Ils ont surtout une question muette dans les yeux : « Où est la République ? »

Chacun d’eux est un rappel brutal de notre échec collectif. Ces enfants ne sont pas les ratés d’un destin individuel, ils sont le produit d’un abandon général : celui des institutions, de la société civile, des ONG, des leaders religieux, des éducateurs et de nous tous, citoyens passifs. Nous avons détourné le regard. Nous avons normalisé l’insupportable.

Et pourtant, ces enfants méritent un toit, une école, une main tendue, un avenir. Ils ne devraient pas avoir à se battre pour un morceau de pain ou une dose de colle à sniffer. Ce ne sont pas des criminels, ce sont des victimes. Et tant qu’ils seront livrés à la rue, c’est la République qui sera à genoux.

Guinéens, il est temps de réagir. Il est temps que notre religiosité se traduise en compassion, que notre citoyenneté prenne la forme de l’action, que notre humanité s’exprime dans des gestes concrets. Il est temps que la République protège tous ses enfants — surtout les plus fragiles.

Parce qu’un pays qui laisse ses enfants dans la rue ne se construit pas. Il se détruit, lentement, silencieusement. Agissons, avant qu’il ne soit trop tard.

Boubacar Dieng