La Guinée n’a plus besoin de colonisateurs : elle s’en fabrique très bien toute seule. Depuis plus de soixante ans, nous entretenons un mythe commode : celui du colon invisible. Quand nos routes se délitent, c’est Paris. Quand nos hôpitaux manquent de tout, c’est encore Paris. Et quand nos dirigeants mentent, pillent et répriment, bien sûr, c’est toujours Paris !
À ce rythme, on pourrait presque croire qu’Emmanuel Macron préside nos conseils des ministres.
Pendant que Paris agit, Conakry se plaint
En France, les citoyens descendent dans la rue pour défendre leurs droits. Chez nous, on descend dans la résignation. Le Français exige des comptes à ses élus ; le Guinéen cherche des excuses à ses bourreaux. Et lorsqu’il ne trouve pas d’explication rationnelle à son malheur, il convoque le spectre colonial, cet alibi national devenu notre opium politique.
Là-bas, c’est le pouvoir du peuple par le peuple. Ici, c’est le pouvoir du mensonge par habitude.
Cellou, Mamadi et le miroir brisé
Cellou Dalein Diallo et l’axe Hamdallaye–Wanindara, aussi courageux soient-ils, ne pourront à eux seuls libérer la Guinée. La véritable libération ne viendra ni d’un homme providentiel, ni d’un quartier insurgé, mais d’un sursaut collectif. Il est temps que chaque citoyen, quelle que soit son appartenance politique, ethnique ou sociale, reconnaisse sa part de responsabilité et se lève pour dire non à ce système corrompu, devenu la norme même de notre gouvernance.
Le général Mamadi Doumbouya et le CNRD, eux, ont trouvé un État déjà gangrené par des décennies de compromission. Ils avaient promis d’en finir avec les pratiques d’hier ; ils s’y sont finalement englués. Le pouvoir, une fois encore, a avalé la parole donnée.
Mais à vrai dire, ce naufrage est collectif. Nous avons tous échoué. Nous avons accepté, toléré, justifié ou profité du désordre.
Balayer devant notre porte
La France, au moins, construit encore ses routes. Nous, nous érigeons des excuses solides, durables et inébranlables. Si, au lieu d’attendre un sauveur, chacun de nous commençait simplement par balayer devant sa propre porte, alors peut-être que la Guinée, enfin, pourrait respirer.
Le jour où nous cesserons d’être nos propres colons, nous cesserons d’être esclaves de notre fatalité.
A bon entendeur salut ! D’ici-là, merci de contribuer au débat.
Elhadj Aziz Bah
Note de l’auteur : Acceptons la pluralité d’idées. Pas d’injures, et rien que d’arguments.

