Dadis gracié : ‘’C’est dans l’objectif de favoriser l’acceptation de la candidature du général Doumbouya’’, selon Edouard Zotomou
Alors que les victimes du 28 septembre savourent le décret du général Mamadi Doumbouya leur accordant une indemnisation, le capitaine Moussa Dadis Camara, chef de la junte à l’époque des faits, a bénéficié vendredi soir d’une grâce présidentielle mettant ainsi fin à sa détention à la maison centrale de Conakry où il purgeait une peine de 20 ans.
Pour le président de l’Union démocratique pour le renouveau et le progrès (UDRP), derrière ces deux décisions du président de la transition survenues en l’espace de 24h se cache une volonté politique. Entretien…
VisionGuinee : Vingt-quatre heures après l’annonce de l’indemnisation des victimes, le général Mamadi Doumbouya a accordé sa grâce au capitaine Moussa Dadis Camara. Comment analysez ces situations ?
Edouard Zotomou Kpoghomou : Ce sont des situations complémentaires. Evidemment, elles sont similaires, mais elles sont complémentaires dans la mesure où elles visent à peu près le même objectif politique, sur ce plan.
Comment avez-vous accueilli la libération du capitaine Dadis Camara ?
Il faut d’abord saluer l’acte humain, l’acte humanitaire qui a justement consisté à relaxer quelqu’un qui est malade pour qu’il aille se soigner. Je crois que c’est une très bonne chose. On ne peut remercier que celui qui a pris l’acte, le président de la transition.
Mais de l’autre côté, il y a des questions qui sont soulevées, des questions juridiques, et je ne sais pas pourquoi on parle de grâce à un moment-là, les juristes vont en débattre. On parle de grâce lorsque procès n’est pas terminé et qu’il y a un appel. Il y a une décision qui est pendante devant la Cour d’appel de Conakry, mais on profite pour prendre un décret. Du coup, je ne sais pas ce que ça va faire du reste du procès ou du reste de l’appel. Dans tous les cas, cet aspect juridique, les juristes vont en débattre.
L’autre aspect qui est le plus important, à mon avis, c’est l’aspect politique, qui s’invite à ce débat, parce qu’aligner justement les deux : l’indemnisation et l’action et la grâce. Tout ça, c’est dans l’objectif de pouvoir, encore une fois, booster ou alors favoriser l’acceptation de la candidature du général Mamadi Doumbouya. Même si elle n’est pas annoncée, elle est certaine, parce que les actes posés nous disent clairement que ça, c’est pendant. Et alors, c’est une question de jour, certainement. Et présentement, quand on parle de grâce, on ne sait pas quel est l’impact sur le casier judiciaire du gracié. Alors, nous ne connaissons pas tout ça, mais l’important, c’est qu’on est content, il l’a laissé sortir de prison pour aller se faire soigner.
Croyez-vous que la libération du capitaine Dadis peut amener cette région forestière à se rallier au CNRD ?
Je ne peux pas le dire, d’emblée. Parce que si l’écrasante majorité, là-bas, ne pousse pas l’enveloppe de réflexion pour couvrir ces aspects, il faut quand même dire que, dès le départ, il y aura eu une sorte d’engouement. Parce que c’est une question d’émotion, à ce point. Vous prenez un citoyen de la rue, vous lui posez la question maintenant, quel est son état d’âme, il va te dire qu’il est très content, et ainsi de suite.
Les gens vont commencer peut-être à raconter beaucoup de choses. Mais avec le temps, justement, les uns et les autres vont commencer à réfléchir profondément, en se posant beaucoup de questions. Et quand ces questions-là n’auront pas de réponses, en ce moment, ils vont se raviser. Par exemple, pourquoi c’est maintenant qu’il faut faire ça ? La coïncidence avec, justement, l’annonce de la candidature du général. Et pourquoi lui seul, alors que le procès n’a pas seulement impliqué un seul fils de la région forestière ? Pourquoi lui seul ? Il y a d’autres qui sont encore là. Et, si la mesure doit être faite, pourquoi cette mesure ne s’étend pas à tous les autres ? Il y a d’autres qui sont aussi ces prisonniers qui sont en train de souffrir, il y en a plein.
Alors, étant natif de la forêt, une fois de plus, c’est une très bonne chose, parce que quand votre enfant est malade, on lui donne la possibilité d’aller se soigner, alors qu’il n’est pas libre de ses mouvements, c’est une très bonne chose. Mais est-ce que cela veut dire qu’on va oublier beaucoup de choses ? Et c’est quand même curieux, parce que, n’oublions pas, il y avait eu pas mal de cas. Le dernier acte, c’était le drame au stade 3 avril de Nzérékoré.
Alors ça, on n’a vu aucun acte, rien, tout ça, alors peut-être que c’est une façon de se racheter. Mais dans tous les cas, nous pensons que les calculs politiques adossés sur ces décisions sont beaucoup plus importants et pèsent beaucoup plus.
Par Boussouriou Doumba, pour VisionGuinee.Info
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