Il arrive un moment où l’injustice devient si répétitive qu’on en vient presque à la banaliser. Mais ce que traverse aujourd’hui Cellou Dalein Diallo est tout simplement inacceptable. C’est le reflet d’un État guinéen en dérive, qui sombre chaque jour un peu plus dans l’arbitraire.
Le mercredi 25 juin, au petit matin, Cellou Dalein se rend à la CARLE de Treichville, en Côte d’Ivoire, accompagné de Dr Ibrahima Diallo, le secrétaire fédéral de l’UFDG sur place. Son objectif est clair : se faire recenser comme tout citoyen guinéen à l’étranger. Il a tous les documents requis : carte consulaire, acte de naissance biométrique, passeport en cours de validité, et même un ancien passeport diplomatique.
Mais très vite, les choses se compliquent. On lui oppose d’abord un prétexte administratif : il ne résiderait pas à Treichville. Puis la véritable raison tombe. Mme Bamba Mariam, représentante de l’Ambassade, lui annonce que des instructions strictes ont été données pour ne pas enrôler trois anciens Premiers ministres : Sidya Touré, Lansana Kouyaté et lui-même, Cellou Dalein.
Malgré tout, un responsable local de la CARLE, M. Diallo Abdourahmane, tente de faire preuve de bon sens : aucun document écrit ne justifiant ce refus, il accepte de procéder à l’enrôlement. Mais cela ne plaît pas à l’Ambassade. En quelques minutes, tout est arrêté : les machines sont débranchées, rangées, et les lieux fermés. Tous ceux venus ce jour-là pour se faire recenser sont renvoyés sans explication.
Refusant de se laisser faire, Cellou Dalein revient plus tard dans la journée, cette fois au centre d’enrôlement de l’Ambassade. L’accueil est plus poli, mais la réponse reste vague. On l’installe, on lui passe un appel : au bout du fil, l’ambassadeur de Guinée à Abidjan, qui s’exprime depuis Conakry. Il parle de “dispositions spéciales” à venir pour les anciens Premiers ministres. Rien de précis. Rien d’écrit. Juste des promesses floues.
A 12h45, Cellou Dalein quitte l’Ambassade. Une journée de mépris, d’humiliation, et surtout, une preuve de plus que l’État guinéen, sous le CNRD, ne respecte plus ni ses citoyens ni ses propres règles.
Ce n’est pas un simple incident administratif. C’est une opération délibérée, une décision politique visant à exclure un opposant de premier plan. Depuis le coup d’État de 2021, le régime militaire en place ne cesse de renforcer sa mainmise par la force et la peur. Rappelons-nous : ils ont détruit, sans aucun jugement, la maison de Cellou Dalein. Aujourd’hui, ils s’attaquent à son droit de vote. Demain, à qui le tour ?
Et pourtant, la Constitution guinéenne est claire : le droit de propriété est protégé, et le pouvoir appartient au peuple. Mais ces textes sont désormais piétinés, devenus de simples slogans face à un régime installé par les armes.
Ce qui choque encore davantage, c’est l’hypocrisie. La Guinée a ratifié des traités internationaux garantissant à chaque citoyen le droit de participer à la vie publique. Comment peut-on prétendre respecter ces engagements quand on empêche délibérément des Guinéens de se faire recenser ?
Ce que vit Cellou Dalein dévoile le vrai visage du pouvoir actuel : un régime qui gouverne par la peur, qui exclut ceux qui dérangent, qui tente de faire taire les voix alternatives. Pourquoi tant d’acharnement contre lui ? Parce qu’il incarne un espoir. Parce qu’il ne baisse pas la tête. Parce qu’il propose une autre voie pour la Guinée.
Et comme toujours dans les régimes autoritaires, on commence par s’attaquer aux figures visibles…avant de s’en prendre à toute opposition, à toute critique.
Ce qu’il y a de plus absurde, c’est d’entendre ces mêmes dirigeants parler de légalité, eux qui ont pris le pouvoir par la force. Ils veulent faire passer leur répression pour de la gouvernance. Mais personne n’est dupe : leur autorité est illégitime et leurs méthodes n’ont rien de démocratique.
Ce qui arrive à Cellou Dalein nous concerne tous. Car si un ancien Premier ministre peut être ainsi écarté et humilié, alors plus aucun citoyen n’est à l’abri. Tolérer cela, c’est accepter que la dérive continue. Jusqu’où ira-t-on ?
Un État qui prive ses citoyens du droit de vote ne peut plus se dire démocratique. Une nation qui rejette ceux qui veulent simplement exercer leurs droits fondamentaux ne mérite plus notre silence.
A force de subir l’injustice, on finit par s’y habituer. Et quand un peuple s’y habitue, il ouvre la porte à toutes les dictatures. L’histoire l’a prouvé, encore et encore.
Mais qu’ils ne s’y trompent pas : on ne fait pas disparaître une légitimité avec des menaces. On ne réduit pas au silence une voix portée par des millions de citoyens en débranchant des machines. La force de Cellou Dalein ne vient pas d’un poste ou d’un privilège. Elle vient de la confiance du peuple. Et c’est cela qui effraie tant le CNRD. Leur acharnement est le signe de leur faiblesse.
Aujourd’hui, un choix s’impose à nous. Allons-nous regarder notre pays glisser dans la dictature ? Allons-nous détourner les yeux devant ces injustices ? Le silence d’aujourd’hui pourrait faire de nous les complices de demain.
Quand l’injustice devient la norme, la résistance devient un devoir. Pas seulement pour Cellou Dalein Diallo. Mais pour chacun de nous. Pour nos enfants. Pour l’avenir de la Guinée.
Ce pays mérite mieux. Il mérite des dirigeants qui respectent ses lois et ses citoyens. Il est temps de dire non. Il est temps de faire un choix : entre la dignité et la soumission.
Abdoul Karim Diallo
Ancien Représentant de l’UFDG en Angleterre