‘’Nous encourageons les jeunes à l’entrepreneuriat… ‘’, dixit Damatang Albert Camara, ministre de l’emploi, de l’enseignement technique et de la formation professionnelle dans une interview accordée à la rédaction du magazine Vision-Jeunes. Lisez!
Magazine Vision-jeunes: Vous êtes aujourd’hui le ministre de l’emploi, également de l’enseignement technique et de la formation professionnelle, comment se porte l’enseignement technique et professionnel dans notre pays quand on sait que les jeunes optent le plus souvent pour les études supérieures?
Damatang Albert Camara: L’enseignement technique et professionnel est dans un état de convalescence dans notre pays. Nous l’avons trouvé dans un état vraiment lamentable et nous nous battons pour qu’il retrouve un peu de sellette, de noblesse de manière à répondre aux défis de la formation professionnelle qui se posent à la Guinée. Aujourd’hui, les jeunes ont pris conscience que leur avenir professionnel se trouve dans la formation professionnelle et s’orientent vers notre système. La preuve en est que nous sommes passés de trois mille (3000) candidats pour rentrer dans les écoles professionnelles en 2010, à quinze mille (15000) candidats cette année.
Dans notre pays, chaque année ce sont des milliers des jeunes qui sortent de nos institutions d’enseignement supérieur, ceci fait que nous avons beaucoup de cadres supérieurs pour peu de techniciens qualifiés. Qu’est ce que vous êtes entrain de faire pour faire face à une telle situation?
C’est d’abord la communication. On communique beaucoup. On explique aux jeunes les enjeux, les possibilités qu’ils ont, et comme je viens de le dire ce message passe. Nous avons demandé aux professionnels d’aller vers les jeunes pour leur dire quels types de compétences ils auraient besoin dans les mois et les années à venir. Les sociétés minières, notamment, ont clairement expliqué aux jeunes que c’était bien d’avoir des grands diplômes universitaires, mais dans le contexte actuel de la Guinée c’est mieux d’avoir des compétences et un métier qualifié. Aujourd’hui la tendance s’inverse. La communication a marché, beaucoup de jeunes mêmes universitaires viennent dans les écoles professionnelles pour apprendre un métier.
Selon bon nombre d’observateurs, les formations reçues dans nos écoles ne sont pas en adéquation avec le marché de l’emploi. Qu’en dites-vous ?
C’est vrai qu’il y a l’inadéquation entre la formation et le marché de l’emploi mais cela n’est pas une spécificité guinéenne. D’ailleurs, le fait d’avoir regroupé l’enseignement technique et la formation professionnelle dans un même ministère c’est pour répondre à ces besoins. Que les référentiels de compétences correspondent aux référentiels des métiers qui sont pratiqués en Guinée. Ça veut dire qu’il faut tout le temps mettre à jour les programmes, mettre également à jour les équipements pédagogiques. Ça demande beaucoup d’investissements humain et financier et il faut que nous y arrivions très vite, mais le plus important c’est de faire de manière globale en sorte que les programmes enseignés dans nos écoles correspondent aux besoins du marché de l’emploi. Le premier niveau d’adéquation formation-emploi, c’est de faire de telle sorte qu’il y ait moins d’universitaires et plus d’ouvriers qualifiés.
Vous étiez tout récemment à Paris pour le forum de l’emploi guinéen, quel était l’objectif général de ce forum ?
Ce forum organisé par l’association des jeunes guinéens de France, avait pour objectif de mettre en relation les guinéens de la diaspora qui veulent soit venir travailler en Guinée, soit venir investir en Guinée avec les entreprises ou institutions guinéennes présentes en Guinée, pour échanger voir dans quel cadre conclure des contrats de travail ou des accords de partenariats pour investir. C’était la première fois que la Guinée se rapprochait de ses ressortissants vivants à l’étranger et nous pensons que ça été une réussite.
Quelles sont les leçons que vous avez tirées de ce forum ?
D’abord, un lien de confiance s’est rétabli entre la diaspora et leur pays d’origine. La confiance aux perspectives de développement qui se présentent dans leur pays grâce aux reformes engagées par le président de la République ça veut dire qu’il y a une dynamique qui s’est mise en place quelque part et des guinéens ont envie de revenir dans leur pays. Comme on le dit souvent on est jamais mieux que chez soit. Aujourd’hui les opportunités qui se présentent en Guinée permettent à ces jeunes d’envisager un retour dans leur pays d’origine ce qui est significatif pour nous.
Que pensez-vous de l’organisation à des fréquences précises des activités comme la semaine nationale de l’emploi, le forum de l’emploi, le salon national de l’emploi des jeunes?
Ce sont tout autant d’initiatives qui permettent aux jeunes guinéens de mieux appréhender le marché de l’emploi. De savoir ce qui se passe au niveau du développement de notre pays, quels sont les secteurs porteurs, les secteurs où il faut avoir une petite formation, une formation pointue pour espérer avoir un emploi demain. Comment réorienter sa formation, acquérir des nouvelles compétences en plus de celles qu’on a. Comment négocier son salaire, savoir dans quel secteur investir. Tout ceci participe à la dynamisation du développement de la Guinée. Quand les entreprises et les demandeurs d’emploi viennent échanger autour d’une même plateforme ça veut dire qu’il y a un besoin qui se présente quelque part. L’objet de ces plateformes et séminaires de mise en relation c’est de faire correspondre les demandes aux besoins.
Monsieur le ministre c’est bien de parler de l’emploi, à votre avis ne serait-il pas aussi nécessaire d’encourager les jeunes guinéens vers l’entrepreneuriat ?
Nous faisons aussi cette communication, le président de la République veut d’ailleurs mettre des fonds à la disposition des jeunes, mais il veut qu’il y ait un cadre légal réglementaire et institutionnel. Bien sécuriser les fonds pour que ça soit durable. Nous encourageons les jeunes à l’entrepreneuriat, l’une des grandes solutions au problème de chômage c’est bien l’entrepreneuriat. Pour ceux qui n’ont pas la fibre d’entrepreneuriat et qui souhaitent être des salariés de les aider à trouver du travail dans les entreprises.
Mis à part que vous soyez ministre en tant que cadre de l’administration guinéenne qu’avez-vous déjà initié en faveur de la jeunesse de votre pays ou à défaut que comptez-vous faire pour cette jeunesse ?
A mon avis, si je fais bien mon travail au niveau du ministère, pour que les jeunes aient une bonne formation ; l’agence guinéenne pour la promotion de l’emploi (AGUIPE) arrive à bien appliquer la politique de la promotion de l’emploi, je fais bien mon lobbing pour que le code du travail prenne des dispositions qui favorisent l’emploi des guinéens. Je pense que ça serait une bonne partie de ma mission que j’aurai accomplie pour mon pays et bien entendu pour la jeunesse. A coté de cela, je ne perds jamais une occasion à conseiller des jeunes qui viennent me voir pour leur apporter un peu de mon expérience de la vie professionnelle, la vie de l’entrepreneuriat parce que j’ai touché à ces deux secteurs. Avec la collaboration du FOJEG (Forum des Jeunes de Guinée), je fais un livre sur des techniques de recherche de l’emploi en Guinée qui est partagé par certains jeunes et chaque fois que j’ai l’occasion, j’essaie de les accompagner dans leurs démarches socio professionnelles.
Un message concret pour convaincre les jeunes de notre pays, que leur avenir c’est aussi dans l’enseignement technique et la formation professionnelle.
Vous savez dans les cultures anglo-saxonnes, quelque soit votre diplôme on ne vous demande pas ce que vous savez mais ce que vous savez faire. Je me souviens encore pour un certain nombre d’entretien d’embauches que j’avais passé à l’époque en Europe on ne me demandait pas ce que j’avais appris, mais ce que je savais faire, ne serait ce que laver la vaisselle. C’est pourquoi il est très important d’apprendre un métier. Il y a beaucoup de gens qui ont fait des études universitaires mais qui ont d’autres compétences, ils ont des diplômes de droit, de philosophie, ils sont des grands mathématiciens, mais à coté, ils apprennent un métier tel qu’il soit. Ils sont capables d’avoir une compétence manuelle qui les aide également dans leurs connaissances théoriques c’est ce qui est important. Je crois donc ce qu’il faut pour tous ces jeunes c’est de se dire à un moment donné qu’est ce que je sais faire indépendamment de ce que j’ai appris, ou bien qu’est ce que j’ai déjà fait que je peux valoriser dans une entreprise ou dans un projet entrepreneurial. ça doit être la première étape de leur insertion professionnelle parce qu’à partir de cette réflexion ils vont pouvoir mieux s’orienter dans leur recherche d’emploi ou leur projet d’entreprise.
Interview réalisée par Amadou Aliou BARRY
(In Magazine Vision-jeunes, Parution N°004/Décembre-Janvier 2013)