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Déconstruisons un peu ce mythe de l’autochtone…

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[dropcap]S[/dropcap]i on faisait la déconstruction socio-historique de certaines composantes ethniques de la Guinée, beaucoup seront surpris d’apprendre qu’ils ne sont pas en réalité ce qu’ils croient être. Ça leur obligerait peut-être de modérer leur langage.

La désintégration des royaumes et empires médiévaux (Tekrour, Ghana, Sonrai, Mali, etc.) a provoqué beaucoup de migrations et de brassages ethniques en Afrique de l’Ouest. Ces migrations et brassages ont affecté aussi le territoire qu’on appelle aujourd’hui Guinée. La traite des noirs et la formation ou la dislocation des royaumes qui ont suivi ont aussi créé de grands mouvements de population. Il en fut ainsi avec l’islamisation et la résistance aux pénétrations coloniales qui ont à leur tour provoqué de grandes masses migratoires.

En conséquence, il y a des groupes ethniques qui ont été absorbés par d’autres avec lesquels ils n’avaient pas beaucoup de choses en commun. Par exemple, il y a des peuls en Algérie ou au Soudan qui sont complétement arabisés alors qu’ils ont leurs frères ou sœurs en Guinée ou au Mali qui sont complètement ‘’malinkénisés’’.

Au Fouta Djallon, les peuls aussi ont absorbé beaucoup d’autres minorités ethniques tels que les koniaguis ou certains diallonkés. Par ailleurs, contrairement à beaucoup d’idées reçues, l’arrivée des peuls dans le territoire géographique appelé aujourd’hui Guinée ne coïncide pas avec la formation du Royaume théocratique du Fouta Djallon au 18ème siècle. Des peuls étaient déjà présents dans le Fouta ainsi que dans les régions du Badiar et de la Basse Côte des siècles avant. C’est de ces territoires d’ailleurs que Tenguela serait parti pour la reconquête du Fouta Toro et pour constituer l’Empire du Grand Pullo (Empire of the Great Fulo) au 15ème siècle. Malheureusement, cette histoire n’est pas très connue en Guinée.

Il y a aussi certains de nos cousins sarakolés qui se sont dispersés à cause du commerce et le déclin de l’Empire du Ghana et qui de ce fait ont été absorbés par la plupart des grandes ethnies de la Guinée. Vous demandez-vous pourquoi certains patronymes tel que Camara, Tounkara ou Sylla se retrouvent dans la plupart des ethnies ? Les patronymes ou la langue parlée ne sont d’ailleurs pas dans certains cas les meilleurs indicateurs de l’appartenance ethnique d’un groupe. Par exemple, si les Cissé au Mali sont peuls, tel n’est pas généralement le cas en Guinée où on les retrouve aussi parmi les malinkés. Les Wassolonka qui parlent la langue malinké en Haute Guinée sont originairement des peuls. D’ailleurs,les Sangaré que vous trouverez à Bouna en Côte ou les Sidibé du Ghana ne parlent que le pular alors qu’au Wassolon, ils ne parlent que le malinké ou bambara.

Il en est de même pour les susus (soussou) qui seraient arrivés vers les côtes ouest-africaines après la bataille de Kirina au 13ème siècle entre Soundjata et Soumangouroy. En Guinée, ils parlent le sussu alors qu’en Gambie, ils parlent le mandinka et ces deux langues n’ont pas beaucoup en commun sinon le fait d’appartenir au groupe Mande. En Guinée, ils ont par exemple absorbé presque entièrement les bagas et  autres petites communautés de la Basse Côte.  Pourtant, les bagas parlaient une langue qui est de la même famille que le pular, le kissi ou le wolof. Pourtant aujourd’hui, ils parlent une langue mandè qui est le soussou qui est apparentée au maninka.

En Forêt, il y a les kissis qui originairement étaient des éleveurs mais qui seraient descendus des montagnes du Fouta Djallon pour occuper aujourd’hui la région de Kissidougou-Guéckedou où ils se sont adonnés à l’agriculture. Ils parlent une langue appartenant à la même famille que le baga et le pular. Pourtant, ils habitent dans une région entourée de peuples parlant les langues mandè. Plus au sud, il y a les kpelès ou guerzés qui occupent la région de Nzérékoré et constituent aussi la majorité ethnique au Liberia. Selon l’histoire, ils seraient vraisemblablement venus du Nord (Mali, Burkina Faso). Eux aussi, ils sont en en train d’absorber aujourd’hui les mano qui sont pourtant les fondateurs de la ville de Nzérékoré.

Par conséquent, certains des peuples qui se réclament autochtones dans certaines localités ne sont en réalité que des immigrés ou allogènes car ils sont arrivés à un moment donné de l’histoire.

Enfin, vu qu’aucun être humain ne peut pousser directement de la terre comme une plante, nous sommes tous forcément venus de quelque part. D’ailleurs, qu’on se base sur la science qui nous dit que nous venons tous de la Corne de l’Afrique ou sur les religions monothéistes qui disent que nous descendons tous d’Adam et Eve. La vérité est que nous sommes probablement tous venus de l’Afrique de l’Est qui est considéré le berceau de l’humanité.

Arrêtons donc l’exclusion et construisons la nation sur les bases d’une République juste et équitable où chaque citoyen sera libre de vivre et d’habiter là où il choisit.

Abdoulaye BARRY
ajbarry@live.com
Portland, OR USA

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