[dropcap]L[/dropcap]’opposition et la mouvance présidentielle ne semblent pas être sur la même longueur d’onde depuis un certain temps, à cause du ‘’retard accusé dans la tenue des élections communautaires et le manque d’un cadre de dialogue approprié’’.
Cette situation contribue à l’exacerbation des tensions sur l’échiquier politique guinéen, où les deux camps se livrent à des joutes verbales, par presse interposée. C’est ainsi que l’opposition a décidé de revenir à la charge, en adressant une nouvelle correspondance au gouvernement par le biais du Premier ministre Mohamed Saïd Fofana, pour inviter celui-ci à renouer le dialogue au sein de la classe politique, en vue de mettre en place, ce, de façon consensuelle un chronogramme pour les élections communales et communautaires. Cette décision d’adresser un nouveau courrier au chef du gouvernement découle du fait que la première lettre n’a pas eu de réponse, selon le porte-parole de l’opposition, Aboubacar Sylla.
Cette nouvelle correspondance reprend en quelque sorte les termes contenus dans la première lettre adressée au gouvernement en avril dernier, invitant ‘’instamment celui-ci à initier la mise en place d’un cadre permanent de dialogue politique qui réunirait tous les signataires de l’accord politique du 3 juillet 2013’’. Dans le but de faire le point sur ‘’la mise en œuvre de cet accord et d’identifier les faiblesses constatées au niveau du cadre juridique et institutionnel des élections, afin de définir et programmer les corrections éventuelles à envisager avant le prochain scrutin’’, peut-on lire dans cette missive. Il faut rappeler que c’est l’accord du 3 juillet qui a permis la participation de toutes les parties prenantes au processus de transition. Et dont la signature avait été rendue possible grâce à une implication de la communauté internationale. Le mercredi dernier, le porte-parole de l’opposition Aboubacar Sylla a dans une déclaration faite sur les antennes d’une radio locale affirmé que ‘’le moment était venu de sortir de la polémique, en vue d’évaluer l’accord du 3 juillet 2013. En identifiant les obstacles pour la mise en place des termes de cet accord’’.
Réponse du berger à la bergère, Amadou Damaro Camara, député et président du groupe parlementaire de la mouvance présidentielle, a réagi aux propos du porte-parole de l’opposition, en affirmant pour sa part qu’il serait préférable ‘’de faire des élections pour aller dans le processus de construction des institutions démocratiques, que de faire simplement des élections pour des élections ». Puis suivra ‘’le toilettage du code électoral, ainsi que la création de la Cour constitutionnelle, institution qui est la mieux placée pour statuer sur les contentieux électoraux», a-t-il ajouté.
Il faut éviter ‘’les agitations politiques et s’occuper de la Guinée, qui doit devenir un état normal’’, a conclu Amadou Damaro Camara. Il faut également noter que Dr Faya Millimono, membre de l’opposition et président du Bloc Libéral, qui rentre d’une tournée en Amérique du nord et en Europe, a indiqué samedi dernier à son arrivée à Conakry, que l’opposition ne devait pas se contenter d’une simple lettre adressée au gouvernement. « Je crois qu’on ne peut pas se limiter seulement à une lettre. Ecoutez, nous sommes des partis politiques. Nous ne sommes pas des subordonnés au gouvernement. Ce sont les subordonnés au gouvernement qui écrivent au gouvernement et attendent la réponse de ce gouvernement », a-t-il dit. En insistant sur le fait que l’opposition devait exercer son droit, en se référant à la constitution.
Ces propos de Dr Faya rejoignent ainsi ceux des autres opposants qui ont affirmé leur intention de reprendre les manifestations de rue, si le gouvernement n’adhérait pas à l’idée de la mise en place d’un cadre de dialogue inclusif. Ceci pour éviter que le pays ne retombe dans une nouvelle crise, comme ce fut le cas ces trois dernières années, durant lesquelles une cinquantaine de manifestants ont perdu la vie, dans des incidents ayant opposé pouvoir et opposition. La Guinée a dû son salut à un appui de la communauté internationale, qui a arbitré entre les acteurs politiques, qui ont fini par accepter de tourner la page de la transition, en allant tous aux élections législatives. Malgré la mise en place du nouveau parlement, la situation politique se corse encore, et le pays risque de nouveau de se retrouver à la croisée des chemins, si l’on n’y prend garde.
Aliou Sow (in L’Indépendant)