Le discours du président de la junte s’est révélé être une litanie fastidieuse de prétendues réalisations de son gouvernement, comme si nous étions dans un régime ordinaire avec un gouvernement normal. Il a délibérément ignoré le fait que nous sommes dans une transition censée s’achever cette année, selon le calendrier imposé par le CNRD.
Pendant une trentaine de minutes, nous avons assisté à une énumération de projets et de « réalisations » sans aucune mention des véritables enjeux institutionnels qui devraient garantir la conclusion de cette Transition afin de rendre le pouvoir à ceux qui seront légitimement élus par le peuple. Cette absence flagrante d’engagement concret à respecter les promesses de rendre le pouvoir est une insulte envers le peuple.
Alors que le pays attendait des mises au point sur les réformes entreprises pour garantir une transition démocratique, il n’en a fait aucun cas. Il n’a rien dit sur la nouvelle constitution, le référendum ou la mise en place des structures nécessaires pour préparer des élections libres et transparentes. Loin d’être un discours de responsabilité, c’était un exercice d’autosatisfaction déconnecté de la réalité et des attentes du peuple.
Le président de la transition, pour toujours continuer dans son élan de rhétorique creuse, a par ailleurs dit : « Créer les conditions du vivre ensemble. Nous ne pouvons pas construire une Guinée forte sans la réconciliation de toutes ses filles et de tous ses fils. Nous devons tourner la page des divisions et des querelles intestines pour bâtir ensemble un avenir commun. »
Mais de quelles divisions parle-t-il, alors que son propre régime est devenu une source de fractures encore plus profondes ? La sortie catastrophique du général Idi Amin est encore fraîche dans les mémoires.
Par ailleurs, comment peut-on parler de réconciliation dans un pays où les dirigeants ne respectent ni la loi ni les engagements solennels pris devant le peuple ? Comment prétendre réconcilier les Guinéens quand certains sont kidnappés et assassinés, tandis que d’autres sont réduits au silence ou contraints à l’exil ?
Ce discours résonne comme une provocation dans un contexte où les violations des droits humains et la répression sévissent impunément. Depuis l’arrivée du CNRD au pouvoir, plus de cinquante Guinéens ont été tués, alors que le président avait promis qu’aucun ne mourrait pour des raisons politiques.
Les ‘’Assises nationales’’ et les ‘’Journées de concertation’’ mentionnées par le président de la transition ne sont que des mascarades dans un pays où le régime étouffe systématiquement toute voix discordante. À quoi bon organiser des dialogues et des concertations si les promesses qui sont déjà faites au peuple ne sont même pas respectées ?
Ironiquement, le président de la transition a appelé les Guinéens à rester mobilisés pour garantir la réussite de cette prétendue ‘’refondation’’. Pourtant, ce sont les membres mêmes du CNRD qui sapent les fondements de cette transition, en affirmant que Mamadi Doumbouya pourrait briguer la magistrature suprême en violation de la charte de la Transition.
Chaque jour qui passe révèle un peu plus la dérive autocratique de ce régime, qui se moque ouvertement des aspirations profondes du peuple guinéen. Derrière ce discours lisse se cache une transition qui n’a de transitoire que le nom, car la volonté de se maintenir au pouvoir est de plus en plus manifeste.
La Guinée ne pourra jamais se relever tant que ses dirigeants continueront à manipuler le peuple à leur guise, et à trahir les espoirs d’une nation qui a déjà trop souffert.
Si Mamadi Doumbouya veut sortir par la grande porte et marquer positivement l’histoire du pays, il doit honorer ses propres engagements. Cependant, s’il se laisse influencer par ceux qui, hier, ont poussé Alpha Condé dans l’abîme du troisième mandat, ou par ces nouveaux opportunistes ou ces fainéants venus d’ici, de l’Europe ou de l’Amérique, et qui, hier, n’avaient pas trouvé leur compte avec le régime déchu, mais se la coulent douce aujourd’hui, il risque de sortir par la petite porte. Dans ce cas, l’histoire ne sera pas tendre avec lui.
Abdoulaye J Barry
ajbarry@live.com
Conakry, Guinea