Djénabou Jolie Bah, jeune athlète aux JO de Paris, se projette : ‘’Je rêve de décrocher une médaille olympique pour la Guinée’’
A seulement 14 ans, la guinéenne Djenabou Jolie Bah vient de rentrer dans l’histoire en étant l’une des plus jeunes athlètes ayant participé aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Dans un entretien accordé à VisionGuinee, la jeune fille parle de ses ambitions.
VisionGuinee : Félicitations pour votre prestation aux JO de Paris 2024. Vous êtes parmi les plus jeunes athlètes de la compétition, tous sports confondus, à seulement 14 ans. Comment vous sentez-vous ?
Djenabou Jolie Bah : Merci beaucoup de m’accorder cet entretien. C’est un plaisir d’être là avec vous pour partager mon parcours et inspirer la jeunesse guinéenne et africaine. Je me sens très bien après les JO de Paris. C’est un rêve devenu réalité. Je suis reconnaissante envers Allah de m’avoir guidée sur le droit chemin avec l’opportunité d’améliorer ma performance et de continuer à me battre pour être la meilleure version de moi-même. Aussi, Il ne m’échappe pas que de nombreux athlètes internationaux de haut niveau au sommet de leur art n’ont pas toujours la chance de participer aux Jeux Olympiques. Les JO, c’est véritablement la Mecque du sport et ce fut une expérience incroyable pour moi d’y prendre part à seulement 14 ans.
Donc, participer à ces Jeux Olympiques de Paris, c’est inouï. C’était incroyable d’être en compétition avec des athlètes de classe mondiale sur la scène olympique. J’ai beaucoup appris en observant les meilleurs nageurs du sport. J’ai également pu envisager le travail à venir pour me préparer encore mieux pour les prochains Jeux Olympiques de Los Angeles en 2028.
Je remercie aussi mes parents d’avoir travaillé très dur et d’avoir consacré des efforts inlassables pour nous donner à moi et à mes sœurs, l’opportunité de nager tout en nous supportant avec des sacrifices énormes de leur temps et de leur engagements sans faille. J’ai beaucoup de chances d’avoir des parents qui sont passionnés de m’accompagner à la poursuite de mes rêves (…). J’ai beaucoup de chance d’être dans cette position où je me retrouve aujourd’hui et je me sens très honorée de pouvoir représenter notre pays, la Guinée, au plus haut niveau mondial de la natation.
Qu’est-ce que cette compétition vous a le plus donné ?
Les Jeux Olympiques de Paris m’ont inspiré à aller encore plus haut et à me fixer de nouveaux objectifs. Je suis très heureuse de faire partie de ces jeux et très fière de représenter notre pays, la Guinée. Mon objectif après cette compétition, c’est de m’entraîner encore plus fort pour remporter plus de médailles lors des futures compétitions pour la Guinée. Et Je m’engage à m’entraîner davantage pour le long chemin qui nous mènera, Incha’Allah à une qualification pour les Jeux olympiques de 2028 à Los Angeles. Je compte sur le soutien et la bonne volonté de la Guinée et des autorités pour m’accompagner dans ce sens. Car, je suis déterminée à atteindre mes objectifs et améliorer mon temps de nage chaque année pour hisser la Guinée au plus haut niveau mondial.
Comment vous êtes-vous préparée pour les JO ?
C’est évident, une compétition se prépare très tôt. Alors, en Arabie Saoudite où je vis avec mes parents et mes trois sœurs, pendant l’année scolaire, je m’entraîne deux fois par semaine le matin de 5h30 à 7h00 avant d’aller à l’école. Je m’entraîne également six fois par semaine le soir après l’école de 18h à 20h. Au total, cela fait huit séances d’entraînement par semaine avec une moyenne de 15 à 20 heures de pratique par semaine y compris aussi des séances d’entraînement en salle de musculation trois fois par semaine. Je mène ces entraînements en parallèle avec mes études en temps plein. Et cela demande beaucoup de travail et de dévouement.
A la fin de l’année scolaire au mois de juin, ma famille et moi sommes partis à Paris pour passer l’été et poursuivre mes entraînements en préparatif pour les JO. Pour m’aider dans ce sens, mes entraîneurs m’ont fait un programme quotidien avec des entraînements en piscine 6 jours par semaine et un jour de repos, les dimanches. Les séances d’entraînement étaient réparties en matinée et en soirée avec une séance de 9h à 11h le matin et la deuxième séance de 16h à 18h le soir avec des sessions en salle de musculation dans la demi-journée.
Contrairement aux autres sports, la natation est impitoyable quand on rate même une seule séance de pratique. On ne peut pas se permettre de louper un entrainement régulier au risque de régresser très vite. Je me suis donc préparée tout au long des vacances scolaires afin de se donner les moyens de nager au haut niveau.
Parlez-nous de votre parcours ?
Je suis née à Conakry, en Guinée à l’hôpital national Donka le 3 octobre 2009. Quand j’avais 8 mois, ma mère et moi avons immigré aux États-Unis pour rejoindre mon père, avant de déménager par la suite en Arabie Saoudite. Nous avons vécu aux États-Unis pendant environ quatre ans et j’ai commencé à nager en Amérique, mais pas en compétition. Je commençais alors tout juste à apprendre à me tenir debout dans la piscine à l’aide d’un flotteur.
J’ai commencé à nager en compétition peu de temps après mon arrivée en Arabie Saoudite à l’âge de 5 ans lorsque j’ai rejoint l’équipe de natation locale Dhahran Youth Swim League (DYSL) avec ma sœur cadette Fatoumata qui avait alors 4 ans. Nous vivons en Arabie Saoudite depuis 11 ans maintenant et le programme d’entraînement quotidien ici avec mon club de natation local m’a vraiment aidée à renforcer mes habitudes d’entraînement et mes compétences de base en natation.
Il y a deux ans, j’ai également rejoint un autre club de natation Saoudien nommé Alhada Swimming. Cette équipe compte de nombreux membres. Nous participons régulièrement à des compétitions de natation locales et internationales avec mon équipe à travers l’Arabie Saoudite et la région du Golfe. Dans ces compétitions, les nageurs remportent des médailles individuelles et par équipe en fonction de leurs performances au cours de la saison régulière et des tournois de championnat régionaux.
La natation prend une grande partie de votre quotidien…
La natation a vraiment pris une envergure beaucoup plus sérieuse pour moi lorsqu’on m’a proposée une place dans l’équipe nationale de natation de Guinée. C’était il y a deux ans grâce au soutien de la Présidente de la Fédération Guinéenne de Natation, Mme Barry Mbambé Sacko. Je suis très heureuse d’avoir déjà nagé pour mon pays dans plusieurs championnats internationaux, avec de nombreuses moissons de médailles dont aux Championnats d’Afrique juniors de natation de la Zone 2 à Accra, les championnats de natation FINA des Îles Maurice et les Championnats du monde de natation à Doha au Qatar.
Pour toute chose, il y a un début. Qu’est-ce qui vous a poussée à choisir la natation ?
Au début, j’ai commencé à nager pour des raisons de sécurité. Très jeune, mes parents m’ont avoué qu’ils ne savaient pas nager eux-mêmes et qu’ils ne voulaient pas que je devienne comme eux. Mon père a alors décidé de faire nager toute la famille.
Peu de temps après arrivée en Arabie Saoudite en 2013, mon père a inscrit toute la famille à des cours de natation. À l’époque, les quatre membres de notre famille, y compris ma mère, mon père et ma jeune sœur, allaient à ces cours de natation tous les jours pendant l’après-midi. C’est là que j’ai acquis mes compétences en natation lors de cours collectifs avec des maîtres-nageurs qui m’entraînaient les bases de la natation.
Je découvre alors très vite que j’aime les sensations de l’eau et que je me sentais vraiment chez moi là-dedans. Cette expérience m’a encouragé à rejoindre notre équipe de natation locale DYSL basée à Dhahran. Cependant, lors de ma première tentative à l’âge de 5 ans, je n’ai pas réussi à intégrer l’équipe, car j’étais trop lente. Au lieu que de me décourager, cette expérience m’a donné encore plus de motivation pour m’entraîner plus dur chaque jour afin de rejoindre l’équipe. Je m’entraînais donc tous les jours pour y arriver. Puis, après un travail acharné et de nombreuses heures de pratique, j’ai finalement intégré l’équipe de natation à l’âge de 6 ans et depuis, je nage avec DYSL.
Au cours de l’année, DYSL organise régulièrement des compétitions de natation entre les nageurs de notre ligue dans la région de la province de l’Est de l’Arabie Saoudite. Une fois que j’ai commencé à concourir et à gagner, j’ai réalisé que la natation allait être mon sport.
Désormais, vous rentrez dans des compétitions mondiales. Quelles sont vos ambitions ?
Mes ambitions ? J’en ai plein. Je rêve de décrocher une médaille olympique pour la Guinée. Je voudrais également inspirer les jeunes guinéens et guinéennes à se lancer dans le sport, à être déterminés et à ne jamais abandonner la poursuite de leurs rêves. Je sais que les jeunes pensent, parfois, qu’ils ne peuvent pas en faire autant que les adultes en raison de leur âge. Cependant, je peux vous dire que rien n’est plus invraisemblable ! L’âge est juste un nombre. La jeunesse de notre pays est capable de réaliser des miracles quand on les épaule et on les accompagne pour réaliser leurs rêves.
Aujourd’hui, mon rêve est de mettre fin aux noyades d’enfants. Ainsi, avec l’aide et le soutien financier des bonnes volontés, j’aimerais contribuer à l’ouverture d’un club sportif en Guinée où je pourrai promouvoir la natation afin que les jeunes aient l’opportunité d’apprendre à nager, car la natation est un sport vital pour l’humanité. Tout un chacun doit avoir un niveau de base en natation pour pouvoir préserver sa vie et sauver des vies. Ceci est d’autant plus important ici en Guinée, pays côtier avec un accès immense à l’océan atlantique.
J’encourage donc les jeunes guinéens à poursuivre la natation. Je sais qu’il y a un manque de ressources et d’équipements pour permettre aux jeunes de nager en Guinée. C’est pourquoi, je voudrais lancer un appel aux près des autorités compétentes pour un appui de financement afin de construire des piscines accessibles au public. Cela sauvera des vies et en même temps, nos futurs champions pourront s’entraîner dans ces locaux pour représenter un jour la Guinée de la plus belle des manières.
Je continuerai aussi à me battre pour avoir l’opportunité de remporter une médaille olympique pour mon pays. J’ai encore un long chemin devant moi pour continuer à m’entraîner chaque jour et pouvoir améliorer ma technique de nage. J’espère qu’après mes débuts aux Jeux Olympiques à Paris où j’ai établi un record personnel, je pourrai bénéficier du soutien nécessaire pour m’aider à atteindre mes objectifs et réaliser mes rêves pour la Guinée.
Un dernier mot ?
Je voudrais profiter de cette occasion pour remercier tous mes entraîneurs au fil des années, la présidente de la Fédération guinéenne de natation ainsi que les autorités guinéennes pour leur incroyable soutien et leur vote de confiance. Nous venons tout juste de commencer ce voyage et, avec l’aide d’Allah, nous écrirons encore de nombreux chapitres glorieux dans les annales de la natation guinéenne.
Par Boussouriou Doumba, pour VisionGuinee.Info
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