Monsieur le Professeur,
Votre tribune, présentée comme un appel à la compassion et à l’unité nationale, esquive volontairement les responsabilités liées à la tragédie de Nzérékoré, tout en cherchant à discréditer ceux qui osent exprimer des critiques légitimes. Vous invitez au silence, à la prière et au recueillement, mais vous négligez le devoir de vérité qui est indispensable pour honorer véritablement la mémoire des victimes.
Vous affirmez que « ce qui s’est produit à Nzérékoré aurait pu se passer sous n’importe quel régime politique. » Une telle déclaration banalise une catastrophe qui résulte pourtant de choix et de décisions spécifiques. Organiser un tournoi dans un stade non homologué, en chantier depuis 2009 et dépourvu des normes minimales de sécurité, relève d’une irresponsabilité manifeste. L’absence de sorties de secours suffisantes, la gestion désastreuse des flux de foule et l’usage inapproprié de gaz lacrymogènes par les forces de l’ordre ont fait de cet événement sportif un piège mortel.
Comment peut-on, en conscience, éviter de poser ces questions fondamentales : Pourquoi organiser un tel événement dans ces conditions ? Qui a validé cette décision ? Quels dispositifs de sécurité ont été mis en place pour protéger les participants ? Ignorer ces interrogations, comme vous le suggérez, serait une injustice envers les victimes et leurs familles.
Une attaque contre les voix dissidentes
Dans votre tribune, vous vous attaquez également à ceux qui expriment leur indignation sur les réseaux sociaux. Vous les qualifiez de « blogueurs invétérés », de « chômeurs patentés » et de « vendeurs de haine ». Cette rhétorique, loin de renforcer l’unité nationale, cherche à délégitimer des citoyens qui, malgré les risques, dénoncent les défaillances du régime.
Ces Guinéens, souvent à l’étranger, utilisent les réseaux sociaux pour briser le silence imposé par un pouvoir qui interdit les manifestations publiques depuis 2021. Leur parole est une réponse à la répression systématique, aux injustices et à l’impunité dont souffre une grande partie de la population. Les réduire à des « manipulateurs » est une tentative méprisante de discréditer une indignation légitime face aux échecs répétés des autorités.
Un double standard inquiétant
Depuis 2021, le CNRD a interdit toutes les manifestations publiques, invoquant la sécurité nationale. Pourtant, ces mêmes autorités ont promu et organisé des tournois sportifs sous le label de la « Refondation », des événements largement politisés, comme le « Trophée Général Mamadi Doumbouya ». Ces rassemblements, présentés comme des initiatives d’unité nationale, ont été utilisés pour glorifier le régime, avec la participation active de hauts responsables.
Pendant ce temps, les rassemblements critiques ou perçus comme hostiles sont réprimés avec brutalité. Ce double standard illustre une application sélective des lois et un mépris total pour les droits fondamentaux des citoyens. Les contradictions du pouvoir, associées à une gestion désastreuse des infrastructures et des forces de l’ordre, ont transformé le stade de Nzérékoré en un piège mortel.
Des solutions superficielles face à des problèmes profonds
Vous proposez des prières, des concerts et des moments de recueillement pour consoler les familles endeuillées. Ces gestes, bien que symboliques, ne suffisent pas à éviter de futures tragédies. Ce dont la Guinée a besoin, ce sont des actions concrètes :
- Une enquête indépendante pour établir les responsabilités.
- La modernisation des infrastructures publiques et des lieux de rassemblement.
- Une réforme de la gestion des forces de l’ordre pour garantir des interventions professionnelles et sécurisées.
- La fin de l’instrumentalisation politique des événements publics.
L’unité nationale ne doit pas étouffer la vérité
Vous affirmez que « la tragédie du stade du 3 avril devrait mettre l’humain au-delà de la polémique. » Mais comment construire l’unité nationale sans transparence ni justice ? L’unité authentique ne peut reposer sur le silence ou l’effacement des responsabilités. Elle exige que nous affrontions la vérité, que nous établissions les responsabilités et que nous nous engagions à réformer les pratiques actuelles.
La tragédie de Nzérékoré n’est pas une simple coïncidence ou un malheureux accident. Elle reflète les échecs d’une gouvernance qui privilégie son image au détriment de la vie de ses citoyens. Ignorer ces réalités, comme vous le suggérez, ne fait qu’aggraver la méfiance et alimenter les divisions.
Monsieur Diallo, au lieu d’attaquer ceux qui s’expriment sur les réseaux sociaux, reconnaissez leur rôle essentiel dans la dénonciation des injustices et des abus. Ces voix, loin de diviser la nation, demandent des comptes au nom de ceux qui n’ont plus la possibilité de s’exprimer.
La Guinée mérite mieux que des slogans et des prières. Elle a besoin de gouvernants responsables, de réformes profondes et d’un véritable engagement envers la vérité et la justice.
Respectueusement,
Boubacar DIALLO
Un citoyen engagé pour la vérité et la justice
Merci Boubacar. Ton analyse est pertinente et soulève des points importants.
Quelques éléments qye je note:
* Héritage historique: L’accusation de la diaspora n’est pas nouvelle, elle s’inscrit dans un schéma récurrent de dirigeants cherchant à externaliser les responsabilités depuis le PDG des années 70.
* Censure de la dissidence: Le fait de stigmatiser ceux qui critiquent le pouvoir est une manière de museler toute opposition organisée pour consolider le contrôle d’un pouvoir moribond.
* Échec du CNRD: Le CNRD n’a pas réussi à unir le pays, au contraire, ses actions ont souvent exacerbé les divisions ethniques ce à quoi semble adhérer le professeur Lamarana.
* Ignorance des signaux d’alerte: Le pouvoir en place semble aveugle aux problèmes réels du pays et préfère maintenir le statu quo par des slogans populistes et propagandiste au bénéfice de Doumbouya et de ses sbires.
Pour être plus rationnel que je l’ai voulu, on pourrait se demander :
* Quelles sont les conséquences à long terme de cette stigmatisation de la diaspora ?
* Comment favoriser un dialogue constructif entre les différentes parties prenantes guinéennes ?
* Comment prévenir les dérives des services de sécurité qui ne connaissent que le batton, le fusil et les gaz lacrymogènes?
* Quels sont les leviers pour sortir de cette crise politique et sociale ? La diaspora ne dirige en tous cas pas le gouvernement guinéen.
En conclusion, il est essentiel de continuer à dénoncer ces pratiques abusives et à défendre les valeurs démocratiques.
La Guinée mérite un avenir meilleur, où tous les citoyens puissent s’exprimer librement et participer à la construction de ce pays.