Selon l’avocat pénaliste Alan Dershowitz, l’enjeu de la négociation entre les deux parties réside dans la signature d’un accord de confidentialité

Un accord financier devrait être annoncé aujour-d’hui, après la plainte au civil déposée par Nafissatou Diallo contre Dominique Strauss-Kahn. Est-ce la fin de cette affaire, aux États-Unis ?

Alan Dershowitz (1). J’avais prédit dès le début que ce cas serait résolu par un accord à l’amiable au civil. Les deux parties y ont tout intérêt. Même si Dominique Strauss-Kahn est innocent, les pièces à conviction qui seraient présentées dans le cadre d’un procès civil seraient très dommageables pour lui. Même chose pour Nafissatou Diallo, qui n’a pas intérêt à ce que l’on fouille trop dans son passé. Avec un règlement financier, il n’y a pas de procès, elle reçoit de l’argent, et chacun rentre chez soi tranquillement.

Le montant de l’accord donne-t-il une indication sur la culpabilité ou l’innocence de l’accusé ?

L’accord en lui-même ne signifie pas que DSK est coupable. Tous les jours, vous avez des personnes qui paient pour éviter un procès. Mais cela ne veut pas dire non plus qu’elles sont innocentes. Si le montant est faible, cela pourrait suggérer qu’elles n’ont rien fait de mal. Inversement, si la somme est élevée, on pensera qu’elles sont coupables. Ce n’est pas nécessairement vrai, mais c’est l’impression que cela donne. Le problème, dans ce genre de cas, est que l’innocence ou la culpabilité est souvent une question de degré. C’est ce qui rend l’affaire très difficile à juger par un tribunal.

Avec un règlement financier à l’amiable, la justice n’atteint-elle pas sa limite ?

Je pense que, dans ce cas, le jugement ne sera pas rendu par une cour mais par l’Histoire. Il n’y a pas de doute que la plaignante a menti sous serment. Mais elle peut être menteuse, et DSK peut être un prédateur sexuel et s’être conduit de manière illégale. L’un n’exclut pas l’autre.

À quel montant le règlement financier va-t-il s’élever ?

II y a beaucoup de chances pour que nous ne le sachions jamais. Un des facteurs de la négociation sera la signature d’un accord de confidentialité. Il est probable que les versements d’argent seront étalés dans le temps et liés à cet accord de confidentialité. Si Mme Diallo venait à le rompre, DSK serait alors en droit de ne pas lui verser tout l’argent promis. Mme Diallo a donc une épée de Damoclès au-dessus de la tête, qui devrait l’empêcher de se confier.

Cet accord de confidentialité couvre-t-il tous les aspects de l’affaire ?

Oui. Cet accord protège la vie privée des deux parties. Évidemment, le public devrait avoir le droit de savoir à combien s’élève le règlement financier, mais ce droit de savoir est subordonné à l’intérêt des personnes impliquées à le garder secret. L’accord devrait donc être très strict et comprendre l’interdiction pour Mme Diallo de publier un livre ou de participer à la réalisation d’un film sur l’affaire, par exemple.

Quelle est votre opinion personnelle sur ce cas ?

Je peux vous dire qu’il y a beaucoup d’hommes derrière les barreaux aujourd’hui qui ont été condamnés alors que la plainte et les preuves étaient bien plus ténues que celles avancées contre M. Strauss-Kahn. Si vous comparez l’affaire DSK à celle de Mike Tyson, que j’ai défendu, le boxeur a passé plusieurs années en prison sur la base d’une accusation bien plus faible. Dominique Strauss-Kahn a un excellent avocat, Benjamin Brafman, et le procureur de New York, Cyrus Vance Jr, savait que le procès serait long et difficile. L’enjeu était d’autant plus grand que DSK est une figure publique. Mais je ne comprends toujours pas pourquoi Cyrus Vance a fait marche arrière et a abandonné le cas si facilement. Je ne sais pas s’il aurait obtenu un verdict de culpabilité, mais les chances en étaient fortes.

Par Stéphanie Fontenoy, à New York

(1) L’avocat Alan Dershowitz a consolidé sa renommée dans l’affaire von Bülow. Il a également défendu O. J. Simpson.

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