[dropcap]L[/dropcap]es enjeux du dialogue sont importants et la classe politique doit se rendre à l’évidence et comprendre que si elle échoue, le chaos politique sera à jamais.
Cependant, à moins qu’on veuille seulement continuer à dialoguer pour dialoguer sur un point dont on connait déjà la seule alternative possible, il est impossible, au regard des multiples obstacles auxquels est confronté le processus électoral, de faire le couplage des élections communales et des conseils des districts et quartiers en 2016.
A l’ouverture du dialogue le 22 septembre, l’atmosphère était détendue. Ce qui avait d’ailleurs permis très vite de trouver un consensus sur les deux premiers points à l’ordre du jour à savoir, la mise en place de la Haute cour de justice et l’audit du fichier électoral. Sur ce second point, il a été démontré que le fichier électoral, dans sa forme actuelle, présentait de carence sérieuse et que la nécessité de l’assainir et de le consolider s’impose.
Pour ce faire, il a été retenu à l’issue des débats qu’un audit du fichier sera effectué et le rapport, présenté au plus tard le 30 juin 2017. Un comité technique paritaire devrait être constitué pour l’élaboration des cahiers de charges qui devra être disponible au plus tard le 30 novembre de cette année. Mais voilà que l’organisation des élections communales et locales sème la discorde. L’opposition tient mordicus à ce que ces élections soient couplées. Quant à la mouvance présidentielle, elle estime que le découplage est inéluctable.
Malheureusement, aucun compromis n’a été trouvé. Les parties prenantes au dialogue ont donc décidé de reporter l’examen de ce point dans l’espoir qu’à cette autre occasion, il sera possible d’arriver à un accord. Sur la question relative à la CENI, l’opposition tient à ce que le libellé des accords du 20 août 2015 soit strictement respecté. Ce qui implique la révision de la loi L 016 portant composition, organisation et fonctionnement de la CENI. La mouvance présidentielle soutient que ce travail revient à l’Assemblée nationale qui est la seule à en avoir la compétence. Elle estime en outre que la CENI doit rester comme telle jusqu’à l’épuisement de son mandat.
Le blocage actuel résulte du refus de l’application des recommandations des dialogues politiques passés. Et voilà maintenant que chaque camp tient sur sa position. Certes, les accords du 20 août 2015 prévoyaient la tenue des élections au niveau des communes comme des quartiers et des districts en 2016. Mais puisque le cadre juridique des ces élections souffre d’un problème d’applicabilité, alors deux choix s’imposent. Soit on amende ces dispositions des lois, soit on utilise la jurisprudence pour régler les problèmes.
Le dialogue est un cadre de concertation permettant de régler certaines choses mais, il ne lui revient en aucun cas d’établir des normes pour faire des injonctions à l’Assemblée nationale. Tout ce qui concerne la modification d’une loi est du domaine du législateur. Ce qui veut dire donc que toutes les réclamations pour une éventuelle modification de la Loi 016 n’a pas de chance de prospérer.
L’alternative
L’on pourrait bien organiser les élections communales en 2016 et pendant le premier trimestre 2017, travailler sur les dispositions légales du Code électoral. Cela permettrait de rendre plus léger le processus électoral dans les quartiers. Parce qu’aucun pays du monde n’a organisé comme on l’entend des élections dans les quartiers et les districts. Le Code électoral dispose également que l’élection du conseil régional intervienne 30 jours ou plus après le renouvellement des conseils communaux. Mais un tel report entrainerait aussi des élections en 2017, en 2018 et en 2020.
La proposition faite par la mouvance présidentielle sur une éventuelle nomination ou désignation des chefs des quartiers proportionnellement au score de chaque parti pendant les élections communales constituerait aussi une violation de la loi qui dispose que les élections dans les quartiers et les districts sont des élections citoyennes et ne concernent pas les partis politiques même pas pour le parrainage des candidats.
Les fondements juridiques
Ce sont les articles 135 de la Constitution et 98 du Code électoral qui rendent obligatoire l’organisation des élections dans les communales, les districts et les quartiers en disposant que la création des collectivités et leurs organisation relèvent du domaine de la loi. Autrement dit, il n’appartient qu’au législateur, et à lui seul, de créer une région, une commune, un quartier ou un district.
Les collectivités locales telles qu’elles existent aujourd’hui sont toujours sous un régime juridique qui ne les confère pas une légitimité législative telle que le consacre la Constitution de 2010. L’article 106 du Code électoral dispose que les déclarations de candidatures se font sous la supervision d’un délégué de la CESPI alors que le nombre des membres – limité à 6 – peut parfois être inférieur au nombre de circonscriptions. Il y a aussi l’absence des CECI au niveau des communes urbaines des préfectures pour la réception des dossiers de candidatures des conseils de quartiers.
Conformément aux dispositions du Code électoral en son article 29, les listes sont reparties en fichier de district ou de quartier, de la sous-préfecture, de la préfecture et le fichier communal (5 communes de Conakry) et fichier général des électeurs. A cela s’ajoute, l’existence des quartiers et districts non légalement créés et l’existence de districts relevant des communes urbaines de sous-préfectures non érigées en communes rurales.
Les articles 106 et 108 du Code électoral prévoyant le dépôt et le traitement des candidatures le jour du scrutin pour les districts sont inexploitables. Il y a aussi l’insuffisance de magistrat pour couvrir toutes les circonscriptions. Et cet aspect montre également que le délai de saisine du juge (2 jours) article 120 du Code électoral en cas de notification
d’une décision de rejet est trop court lié à l’absence de juridictions dans les communes rurales.
L’autre contrainte non des moindres est celle liée au très grand nombre de circonscriptions électorales (4000) au lieu de 39 pour les législatives. Ce qui rend l’exercice particulièrement complexe. De même que la confection des bulletins qui doivent être spécifiques pour chaque circonscription.
Voilà autant d’obstacles qui rendent la tenue des élections locales impossibles cette année. Et qui pourraient en être ainsi les années à venir si des solutions idoines ne sont trouvées pour harmoniser le cadre juridique des élections.
Par Abdoul Malick DIALLO
Alpha Conde n’ai pas prête pour une élection propre et transparent