[dropcap]N[/dropcap]e dit-on pas que les mêmes causes produisent les mêmes effets ? Pour les consultations en République de Guinée, les responsables organisateurs font sciemment fi des dispositions constitutionnelles, puisque tordre le coup de la Constitution guinéenne est toujours resté sans conséquences.
C’est ainsi que le report à répétition des élections résulte constamment d’un calcul politicien qui est contraire aux dispositions légales. Si rien n’est résolument entrepris dès maintenant, je parie sur mes choux-croutes, comme le report des élections communales, il en sera aussi de même pour les élections présidentielles de 2015. Parole d’un observateur indépendant.
Rappel de l’accord du 3 juillet 2013
Le respect des termes d’un accord engage forcément tous ceux qui sont liés à une convention. Mais là où il y a embarras, c’est lorsque le pouvoir guinéen désigne les résultats du dialogue comme un protocole, alors que l’opposition affirme que c’est bien un accord qui a été signé. Le protocole désigne des accords moins formels que ceux concernés par une convention, cependant l’accord est conclu le plus souvent entre deux parties, il a un caractère technique ou administratif. C’est ainsi qu’on parlera d’accord ou convention, lorsqu’il est question de pacte bilatéral/d’obligation réciproque (pour le cas de la Guinée, une responsabilité partagée entre les pouvoirs publics, la mouvance et l’opposition incluant les facilitateurs nationaux et internationaux). Y a-t-il un dialogue de sourds entre Guinéens?
Il est dit entre autres dans les résultats nés du dialogue inter-guinéen que l’opposition, la mouvance présidentielle et les pouvoirs publics devraient trouver un consensus sur le fonctionnement de la CENI, également sur les questions liées au recrutement d’un nouvel opérateur technique. Il faut ensuite réactualiser le fichier électoral. Le chronogramme électoral suivant la loi doit être fixé. Des mesures d’accompagnement et d’apaisement sont prescrites… Le suivi de l’accord est assuré par les signataires du présent accord sous le parrainage des facilitateurs nationaux et internationaux.
Pourquoi l’acheminement inéluctable vers le report des élections ?
Je pense que sous les conditions actuelles du dialogue et au-delà des dogmes spéculatifs, le doute s’est déjà installé quant à la capacité de l’administration et de la CENI de réussir à organiser un scrutin qui respecte les règles élémentaires de la démocratie. Pour cause, le dialogue politique inter-guinéen autour de l’accord du 3 juillet 2013 est en panne. Ledit dialogue devrait créer la confiance entre les acteurs politiques. Mais de la fin des élections législatives à nos jours rien n’a pratiquement bougé.
Soupçons concernant le report des élections
Pour accroitre les soupçons sur le report des élections, nous observons que les pourparlers entre l’opposition et le pouvoir viennent juste de démarrer avec une grande défiance. Le processus du conciliabule entre les acteurs politiques sur l’accord du 3 juillet tourne autour de l’étape de discussion sur le sexe des anges ‒ s’agit-il d’un protocole ou d’un accord ? ‒. Eu égard à la lenteur de la cadence des pourparlers politiques sur le terrain, la tenue d’élections aux dates prévues est plus que jamais compromise, d’où la nécessité de corriger en conséquence la lancée des pourparlers, sinon il ne sert à rien de se voiler la face.
Mon sentiment est que les arguments majeurs de la thèse de suspicions concernant le report des élections sont les suivants : la lecture de la loi électorale n’est même pas au stade de discussion avec la classe politique. A ce galop-là il n’est pas possible de respecter les délais électoraux, ou de prendre en considération les recommandations de l’accord du 3 juillet 2013 à temps opportun. De nombreux citoyens ayant l’âge de voter mais privés de leur droit ne sont pas pris en compte dans l’actuel fichier électoral. Et la correction du fichier à propos des personnes déplacées ou décédées n’est pas effectuée, la délimitation des circonscriptions électorales n’est pas claire pour l’électeur.
A la première reprise du dialogue, le débat entre l’opposition, la mouvance présidentielle et l’administration se borne à la lecture du bilan de l’accord du 3 juillet. C’est normal pour un début! Mais l’essentiel est surtout de fixer dès maintenant un chronogramme pour les futures élections communales et présidentielles. Sans cela nous risquons d’aller de report en report. Selon moi, l’option de chronogramme mettrait davantage la pression sur le pouvoir, afin qu’il accélère le processus de recrutement d’un nouveau opérateur technique en vu d’assainir le fichier électoral. La dimension programmatrice des élections ainsi que le suivi des opérations relatives aux consultations sont déterminants pour la tenue des élections crédibles et inclusives dans le délai prescrit par la loi.
Conséquence du report d’élection
Nous apercevons que le report d’élection ouvre fortement la porte à l’installation des délégations spéciales ou à la prolongation de mandats avec tous leurs corolaires d’excès. Jusqu’à quand peut-on accepter ce dilemme qui consiste à mettre en place une délégation spéciale dans les communes et quartiers et dans la zone spéciale de Conakry ? Quel sera la suite à donner à un éventuel report des élections présidentielles ? Ces circonstances de défaut sont un caillou dans la chaussure de la démocratie guinéenne.
Beaucoup, comme moi, réclament des acteurs politiques, des pourparlers clairs, sans a priori. Puisque le contexte politique, social et économique du pays est explosif, très volcanique. Le politique devrait trouver rapidement un achèvement consensuel de la mise en œuvre des collectives conclusions du dialogue inter-guinéen, afin de s’acheminer inéluctablement vers l’organisation des élections crédibles et inclusives. Ce qui aura au moins l’avantage d’éviter à la Guinée le report des élections, une anomalie ingénieuse et électoraliste utilisée en Guinée depuis des décennies. Ensuite des élections propres nous épargneront des tentions politiques et sociales inutiles qui risquent de nous éloigner de l’essentiel.
Par Moussa Bella Barry