Hier, soutien du général Mamadi Doumbouya, Elie Kamano a pris ses distances avec le locataire du palais Mohamed V de Conakry. Le reggaeman n’hésite pas à critiquer la junte dans ses sorties. VisionGuinee l’a interrogé depuis Dakar, la capitale sénégalaise, pour comprendre son nouveau revirement. Entretien.
VisionGuinee : vous avez été un soutien du CNRD pendant un long moment. Dites-vous, qu’est-ce qui vous a changé de position par rapport à la junte ?
Comme la majorité des guinéens épris de justice, oui, j’ai été un soutien de Mamadi Doumbouya et non du CNRD. Et si vous voulez savoir pourquoi pas le CNRD ? C’est parce que dès le départ de cette transition, il y a eu un mauvais casting au niveau des personnes sur lesquelles le choix a été porté. On s’est retrouvé avec des gens animés d’esprit de vengeance qui n’avaient qu’une seule intention : se servir de l’appareil étatique pour asseoir leur bourgeoisie et leur boulimie du pouvoir. Ils ont donc fini par constituer un système autour de Doumbouya pour broyer toute voix dissonante qui pourrait les démasquer. Conséquences, fermeture des médias, enlèvement et kidnapping des acteurs de la société civile. L’élément déclencheur de mon changement de position vis-à-vis de cette gouvernance est dû au non respect des engagements pris par le CNRD et à sa volonté assassine d’assoir une dictature dans un pays où on a payé une lourde tribu sous le régime de Condé pour la liberté et l’Etat de droit.
Ce qui justifie le fait que vous avez décidé de critiquer de plus en plus la gestion de la transition par le général Doumbouya à travers vos publications et chansons ?
À travers quoi voudriez-vous que je critique sa gestion à part la musique et les réseaux ? La musique est mon arme la plus redoutable. Je n’ai pour le moment pas d’autres voix à part elle.
Vous avez côtoyé le président Doumbouya pendant un bon bout de temps. A vos avis, quels sont manquements de la transition qu’il dirige depuis le 5 septembre ?
Le premier manquement a été cette grosse erreur de casting. Des gens qui n’ont jamais mené de lutte, qui n’ont jamais connu la douleur des gaz lacrymogènes et de la prison, qui étaient des gardiens de piscines en Europe, ont envahi l’administration par recommandation du comité que le président avait mis en place pour former le gouvernement, notamment Ousmane Gaoual, Dansa Kourouma, Thierno Mamadou Bah, Amara Camara, j’en passe. Ils n’ont donné aucune chance au mérite parce qu’ils ont tous placé leurs frères cousins et amis.
Le deuxième manquement, c’est le non-respect des engagements tenus surtout au niveau des 10 points que le perroquet Ousmane Gaoual avait lu à la télé et que moi personnellement j’ai appuyé et défendu sur toutes les ondes, même internationales.
Le troisième manquement, c’est d’avoir fait sauter l’article 46 de la charte de la transition qui prévoit qu’aucun membre du CNRD ne doit se porter candidat aux élections après la transition, y compris le président. Malheureusement, un chiffon nous a été présenté comme avant-projet de la nouvelle constitution sans consultation du peuple, qui stipule que chaque Guinéen, ayant l’âge de 35 ans peut se porter candidat aux futures élections avec des parrainages.
Le quatrième manquement, ce sont les détournements à ciel ouvert et à tombeau ouvert des membres du CNRD, qui vivent dans une bourgeoisie insolente au détriment du peuple de Guinée qui végète dans une précarité indescriptible. Tout ça, avec une CRIEF sélective, qui envoie ceux qui refusent de les payer des rançons en prison et libère ceux qui payent, au vu et au su du président qui ne réagit pas parce que la plupart de ces gens sont des recommandés.
L’organisation du référendum constitutionnel d’ici la fin de l’année 2024 est la priorité des autorités, renvoyant ainsi retour à l’ordre constitutionnel aux calendes grecques. Que devraient-elles prioriser ?
C’est un message clair qu’elles envoient au peuple, ils ne sont pas prêts à lâcher le pouvoir et ça, au prix de leur vie.
Dans l’accord établi avec la CEDEAO, il est prévu que la transition prenne fin le 31 décembre prochain. Que risque la Guinée si ce chronogramme n’est pas respecté ?
La Guinée ne risquera rien si les leaders ne mettent pas leurs egos de côté pour déclencher une action commune comme celle du 22 janvier 2007. Le malheur de la Guinée ? C’est aussi ces leaders qui ne s’assument pas.
Si vous étiez en face du général Doumbouya, que lui proposez-vous pour améliorer la situation actuelle ?
Je n’aimerais pas être en face de lui présentement, sinon, un d’entre nous va creuser le trou.
Pour redresser la transition, fraudrait-il compter sur le soutien de la communauté internationale ?
La communauté internationale est une prostituée qui promène sa bosse là où il y a ses intérêts. Je ne compte pas sur ces gens, car ils sont capables de laisser les guinéens se faire massacrer avant de se pointer comme des sauveurs.
Sur l’affaire du 28 septembre 2009, Dadis a été condamné à 20 ans de prison. Un verdict que vous avez dénoncé ouvertement. Les raisons ?
Je me prononcerai plus sur l’affaire du 28 septembre 2009.
En quoi ce procès pourrait-il servir de leçons aux gouvernants actuels ?
La seule leçon à tirer de ce procès revient aux membres du CNRD.
Par Salimatou BALDE, pour VisionGuinee.Info
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