“Qui ose gagne”, devisent des parachutistes SAS anglais “Who dares win”. A Dakar, le 15 juin prochain, Cellou Dalein Diallo et Bah Oury devraient se rencontrer enfin pour tenter d’enterrer la hache de guerre. A un moment où les guinéens sont plus préoccupés par l’indispensable alternance en 2015.
Plutôt que les querelles de leadership dans un paysage politique dominé encore par le choc à la fois des égos et des ambitions. A ce propos, on serait tenté de croire que beaucoup d’hommes politiques préféreraient encore subir Alpha Condé que de voir un autre qu’eux-mêmes lui succéder à la tête de l’Etat guinéen.
Il est vrai que personne n’aidera personne à arriver au pouvoir mais devant le péril de tous les guinéens, un sursaut national et patriotique devrait être possible.
Quoi qu’il en soit, ni la Guinée qu’il a transformée en “bateau ivre”, ni le Guinéen réduit à l’errance et la désespérance ne gagnera avec Alpha Condé un loup pour lui-même.
Et dire qu’il ose , admis à faire valoir ses droits à la retraite depuis longtemps , n’ayant ni bilan encore moins un projet qui le justifierait , briguer un second mandat qui sera fatal à la génération actuelle d’hommes politiques: En particulier Cellou dont une nouvelle défaite serait le “coup de grâce” , parce qu’il a toutes les chances de gagner , pourvu qu’il ne se laisse pas abuser une nouvelle fois par “la nébuleuse communauté internationale” en laquelle il semble trop croire parfois ou Alpha Condé qui pense pouvoir continuer à les rouler , les autres et lui, dans la farine, se considérant plus malin qu’eux.
Aujourd’hui encore, enivré par ses différents succès inespérés face à une opposition de bonne foi et trop civilisée pour l’inquiéter, Alpha, en véritable “Don Quichotte” des tropiques, multiplie les provocations et les fanfaronnades. il se prépare surtout à rééditer l’exploit de 2010 en s’inscrivant à nouveau dans la tradition électorale du pays de “Qui perd gagne”. Le laissera-t-on encore faire ?
Non, car si la règle démocratique n’était pas respectée et le vote des Guinéens était à nouveau bafoué, des patriotes et démocrates, moi le premier, prendront leurs responsabilités comme on l’a vu du reste à travers le monde et tout au long de l’histoire des peuples entrés en résistance pour abattre des dictatures.
Les Guinéens colonisés par la France doivent se rappeler que ce pays mené par le général De Gaulle a livré le combat de la libération qualifié par lui de “chemin de la liberté et de l’honneur” : Libérer la Guinée d’Alpha Condé et de sa clique de kleptocrates et pyromanes est un combat pour la liberté et l’honneur pour tous les Guinéens.
A défaut de pouvoir l’affronter pour qu’il sache qu’il est outrageusement minoritaire et que le pays en a plus qu’assez de lui dans sa dérive autoritaire, l’opposition doit s’attendre à un nouvel échec, un de plus et de trop.
En attendant donc d’anticiper la fin de son mandat par un départ forcé du pouvoir, parce que de toutes les façons on finira par ça avec lui qui est devenu bourreau des urnes, faussaire de suffrages et fossoyeur de la démocratie, l’opposition doit lui adresser un message de fermeté : suspendre sa participation aux travaux de l’Assemblée nationale, d’une CENI incapable de s’affranchir de l’exécutif, dénoncer le mandat des délégations spéciales appendices du RPG…
Bref, au lieu de laisser un homme qui se considère un ‘’surhomme’’ continuer à se moquer d’elle et à mépriser ses leaders, en toute impunité, notre opposition doit avoir le réflexe de survie pour ne pas dire un regain d’orgueil afin de démontrer à Alpha qu’une minorité ne peut ni gouverner ni imposer sa volonté à une majorité même confinée dans un silence et une résignation, à bien des égards, coupables. Trop, c’est trop !
Dakar oui, mais Conakry d’abord
En tout cas, Cellou ira à Dakar, très sûr de lui , après avoir gagné la bataille interne dans le parti face à son éternel challenger Bah Oury. Celui-ci , certes n’a pas réussi le coup de force de le renverser mais, pourra toujours se consoler de compter un peu plus dans un parti où il était confondu aux autres.
Cellou a donc gagné le duel, mais Bah Oury en sort aussi et malgré tout renforcé, dans la mesure où, il force en quelque sorte le président de l’UFDG à négocier avec lui dans la médiation entre eux son rôle, sa place, voire son avenir dans leur parti, en attendant la fin d’un exil forcé qui est un défi à l’opposition et à tous les démocrates épris de justice et de vérité.
Sanctionner Bah Oury n’était pas, au demeurant, une décision facile pour Cellou tiraillé entre le besoin d’imposer son autorité et la volonté de maintenir au sein de son parti une cohésion et une unité même apparentes.
En s’y résignant, il a créé, sans peut-être le savoir, les conditions de la réconciliation, car non seulement il a montré à son “grand rival » que la grande majorité du parti est avec lui, mais qu’il a aussi désormais “l’instinct de tueur” que beaucoup lui ont reproché de manquer.
Le leader de l’UFDG, n’est plus le technocrate poli et rangé qu’il fut il n’y a pas si longtemps. L’épreuve de la défaite qui lui a été imposée et les cabales nombreuses du régime d’Alpha Condé ainsi d’ailleurs que les intrigues quotidiennes du combat politique ont façonné l’homme.
Il est conscient qu’il n’a pas d’autre choix maintenant que de se surpasser et de gagner, confronté qu’il est à la férocité du régime d’Alpha Condé; il est aussi soumis à une forte pression dans son parti et au-delà, tout comme, il se débat dans une opposition bigarrée qu’il voudrait fédérer alors qu’il est pour beaucoup de ses partenaires politiques un plus grand danger que Alpha Condé lui-même .
Bien entendu, les petits calculs des leaders politiques toujours alliés de circonstance et les conflits au sein des partis de l’opposition unis contre le pouvoir mais aussi minés par les rivalités entre ses différents leaders profiteront toujours à Alpha Condé.
Ce qui pourrait encore profiter plus à un Président qui s’accroche à la fraude comme une bouée de sauvetage, c’est si l’UFDG fondait toute sa stratégie sur une alliance politique et électorale aléatoire à elle prétendument profitable ou encore si Cellou inscrivait son agenda dans celui de ses pairs de l’opposition.
Si gouverner seul s’avère toujours une erreur, seuls ceux qui croient en leur destin personnel arrivent au sommet de l’Etat.
Une fois l’ordre et la discipline restaurés dans l’UFDG donc plus fort à la tête du parti, Cellou, avec ou sans les autres, pour peu qu’il veuille être pragmatique et tranchant et constituer une alternative à Alpha Condé, doit obliger le pouvoir à la transparence dans les élections à venir.
Ni ses pairs de l’opposition, ni la communauté internationale encore moins Alpha Condé ne feront de lui Président car ce n’est pas leur rôle. Ce n’est peut-être même pas leur vœu.
Autant il lui fallait prendre ses responsabilités dans la crise que son parti traversait, autant il lui faut comprendre qu’avec ses pairs, l’alliance ne sera jamais sure, avec Alpha Condé l’affrontement est inévitable. Ce sera maintenant ou après. A lui d’en choisir le moment. De ce choix dépend son avenir personnel et sans doute aussi le destin immédiat de la Guinée.
Tibou Kamara
Ancien ministre d’Etat secrétaire général à la présidence