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Entre inflation, recompositions stratégiques et instabilité mondiale : l’Afrique prise dans les secousses de la guerre Iran-Israël

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Frappes ciblées, ripostes balistiques, intervention américaine et cessez-le-feu fragile : l’escalade entre Israël et l’Iran, survenue entre le 13 et le 24 juin, a redéfini les équilibres militaires et diplomatiques au Moyen-Orient. Dans cet entretien, Lucile Escoffier, analyste chez InterGlobe Conseils, décrypte les enjeux géopolitiques, économiques et humanitaires d’un conflit qui dépasse largement les frontières régionales, tout en touchant l’Afrique à travers l’énergie, la sécurité et les alliances stratégiques.

Pouvez-vous restituer en quelques points clés la séquence des frappes israéliennes, des ripostes iraniennes et de l’intervention américaine, jusqu’à l’interruption des hostilités hier matin ?

Depuis le 13 juin, l’Iran et Israël se sont engagés dans une séquence d’actions et de ripostes d’une intensité inédite. D’abord, du 13 au 16 juin, l’armée israélienne a conduit plusieurs frappes aériennes ciblées sur les sites d’enrichissement de nucléaire de Natanz et Fordow, accompagnées de cyberattaques destinées à paralyser les réseaux électriques iraniens, afin de ralentir l’avancée du programme d’enrichissement.

En représailles, entre le 17 et le 20 juin, la République islamique a déclenché plusieurs vagues de missiles balistiques et de drones sur des bases militaires israéliennes et quelques secteurs civils, provoquant des dégâts matériels et des pertes humaines, sans toutefois renverser l’équilibre tactique local.

Craignant une escalade régionale, les États-Unis sont intervenus du 21 au 23 juin, frappant des positions iraniennes en Syrie et en Irak perçues comme des relais du Corps des Gardiens de la Révolution officiellement pour protéger les alliés de Washington et dissuader de nouvelles attaques iraniennes. Enfin, le 24 juin au matin, un cessez-le-feu fragile, négocié et validé par le président Trump, est entré en vigueur après douze jours de confrontations, bien que Téhéran et Tel-Aviv se soient chacun montrés prêts à rouvrir le feu en cas de violation de l’accord.

Après avoir visé simultanément sites nucléaires et cibles individuelles en Iran, et détruit en 20 mois Hezbollah, Hamas et forces syriennes, comment Tel-Aviv redéfinit-il aujourd’hui ses rapports de force au Moyen-Orient ?

En combinant frappes sur les capacités nucléaires iraniennes et opérations contre les milices chiites au Liban et en Syrie, Tel-Aviv aurait porté un coup dur à ce qui constituait l’“arc de la résistance” de Téhéran. L’affaiblissement du Hezbollah et des groupes pro-iraniens pourrait réduire l’influence stratégique de l’Iran dans la région et conforter l’armée israélienne dans une position de supériorité conventionnelle.

Par ailleurs, ces opérations ont resserré la coopération implicite d’Israël avec les États du Golfe; Émirats arabes unis et Arabie saoudite autour d’une ligne de partage d’informations et de ventes d’armements sophistiqués contre l’expansionnisme iranien. En revanche, la Turquie et la Russie, engagées sur d’autres théâtres (Syrie, Caucase), préfèrent pour l’heure jouer les médiateurs discrets, soucieuses de préserver leurs intérêts économiques et diplomatiques sans s’aliéner aucune des deux puissances.

Pourquoi privilégie-t-on encore l’emploi de moyens de guerre “classiques”, missiles balistiques, drones et frappes aériennes sophistiquées au lieu de recourir à la diplomatie ou de s’appuyer sur la dissuasion nucléaire ?

Aucun des deux belligérants ne souhaite franchir le cap d’une frappe nucléaire, qui entraînerait, selon les analyses, une condamnation internationale quasi unanime et des conséquences humanitaires catastrophiques. Les armes classiques missiles balistiques, drones et frappes aériennes de précision offrent un compromis : une forte capacité de nuisance tout en conservant la maîtrise du seuil d’engagement, et donc des marges de manœuvre pour éviter une escalade incontrôlée.

De surcroît, l’emploi de moyens conventionnels obéit à une logique de politique intérieure : afficher une posture ferme devant une opinion publique exigeante, sans risquer la remise en cause de la légitimité gouvernementale que provoquerait un premier usage d’armes nucléaires. Enfin, la voie diplomatique paraît bloquée depuis l’effondrement du JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action ou Plan d’action global commun)  : aucun mécanisme de vérification efficace ne permet aujourd’hui de désamorcer durablement le contentieux nucléaire, ce qui incite les décideurs à privilégier la pression militaire pour protéger leurs intérêts stratégiques.

Quelles conséquences ces décisions unilatérales ont-elles sur le droit international humanitaire ?

Le recours répété à des frappes sans mandat onusien, aux assassinats ciblés annoncés publiquement et aux opérations législatives contournant le Parlement affaiblit progressivement l’autorité des institutions multilatérales (ONU, CIJ). En instaurant une pratique de fait accompli, ces actes érodent la portée normative du droit humanitaire, créant un climat propice à l’impunité : les violations, bombardements causant des victimes civiles ou endommagements d’infrastructures médicales, demeurent trop souvent sans sanction effective.

À terme, cette dérive unilatérale fragilise la coopération internationale, renforce la polarisation géopolitique et augmente le risque d’une spirale de représailles, sans cadre légal clair pour protéger les populations civiles.

Entre envolée des cours pétroliers, perturbations des chaînes logistiques et frilosité des investisseurs, quel impact cette crise pourrait-elle avoir sur la croissance mondiale ?

La simple menace d’une interruption du trafic dans le détroit d’Ormuz a suffi à faire bondir le prix du baril au-dessus de 120 $, avant une correction rapide lorsque les opérateurs ont mesuré la résilience de l’approvisionnement. Cette volatilité accrue pèse sur les coûts de production et de transport, renchérit les matières premières et dissuade les investissements, notamment dans les économies émergentes, où la prime de risque s’élève et où les capitaux se réfugient vers des actifs jugés plus sûrs.

Par ailleurs, les retards logistiques, touchant en particulier les chaînes d’approvisionnement en électronique, automobile et produits pharmaceutiques, contribuent à entretenir l’inflation mondiale, ralentissant la reprise post-Covid et creusant les déséquilibres commerciaux entre pays importateurs et exportateurs d’énergie.

Comment l’Afrique ajuste-t-elle ses stratégies face aux retombées de la crise Israël-Iran ?

Les économies africaines, déjà soumises à une inflation énergétique croissante, voient s’exacerber les tensions sociales, notamment en Afrique de l’Ouest et au Maghreb, où le coût de l’électricité et du carburant pèse lourdement sur le budget des ménages. Face à ces chocs, plusieurs gouvernements accélèrent la diversification de leurs partenariats : la Chine finance infrastructures et projets de transport, la Russie renforce les accords de sécurité, et les monarchies du Golfe assurent un approvisionnement énergétique stable.

Cette stratégie de « multialignement » vise à amortir l’impact des crises extérieures et à renforcer la résilience nationale. Toutefois, elle risque également d’inscrire le continent dans les rivalités sino-occidentales et de compliquer la gouvernance des flux financiers et militaires, dans un contexte déjà marqué par une fragmentation diplomatique croissante.

Ciré BALDE, pour VisionGuinee.Info

00224 664 93 14 04/cire.balde@visionguinee.info

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