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Entretien avec Fodéba Isto Keïra, président du Bureau Export de la Musique Africaine (BEMA)

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La musique en Afrique représente un gisement artistique et culturel mondialement reconnu dont la créativité exceptionnelle est le reflet des diversités culturelles du continent, ainsi qu’un vecteur économique à fort potentiel de développement.

Cependant, la musique produite en Afrique n’est – en règle générale – compétitive ni sur le marché africain, ni sur le marché international, la plupart des artistes africains célèbres sont produits dans les pays occidentaux, et les métiers de la musique ne sont pas considérés comme une industrie source de création d’emplois et de développement économique.
Cette situation est notamment due à l’insuffisance des structures, au manque de reconnaissance des métiers de la musique par les pouvoirs publics en tant qu’industrie et aux difficultés de circulation et d’accès à l’information des opérateurs.
C’est dans l’optique de  répondre à ces besoins que le Bureau Export de la Musique Africaine (BEMA)  a été créé. Fraichement réélu à la présidence de cette structure, Fodéba Isto Keïra a accepté de recevoir notre rédaction pour parler du BEMA qui, de nos jours constitue un sacré exemple d’intégration africaine. Entretien.

Vision Guinée : Qu’est ce que le BEMA et quels sont ses objectifs? 

Fodéba Isto Keïra : Le BEMA est le Bureau Export de la Musique Africaine. C’est une structure panafricaine composée aujourd’hui de vingt-six pays membres qui, au lancement du projet en 2003 à Dakar avait commencé avec seulement quatre pays notamment la Guinée, le Sénégal, le Burkina Faso et le Benin.

Aujourd’hui, vingt-six pays sont membres de cette structure panafricaine qui a son siège à Dakar. Le BEMA se donne pour objectifs,  la circulation des artistes africains et leurs œuvres. Il faut rappeler que le BEMA est né d’un constat amer selon lequel le problème de la musique africaine qu’elle soit guinéenne, sénégalaise,  congolaise (…) se pose en terme d’exportabalité. Comment faire pour que la musique africaine puisse être vendue d’abord en Afrique et ensuite dans les autres continents ?

Le BEMA essaye ainsi de répondre à cette problématique en faisant en sorte que nous puissions au finished  mieux structurer et professionnaliser la filière musicale en Afrique. Nous créons un espace de rencontre, de cogitation, d’échanges entre les acteurs culturels, les journalistes culturels, les producteurs de phonogrammes, les artistes aussi ; afin que nous puissions ensemble mettre en place une plateforme pouvant permettre à la musique et aux artistes africains de circuler.

L’objectif du BEMA est de soutenir les activités de structuration du secteur musical et de développer son économie, en favorisant l’exportation et la promotion de la musique africaine.

Un des autres objectifs du BEMA est d’organiser des sessions de formations à l’intention des artistes, des managers, des impresarios, des journalistes culturels, pour renforcer leurs capacités. Il faut reconnaitre qu’un artiste a besoin d’un manager, d’une structure de management pour la gestion de sa carrière artistique. L’organisation de ces différentes sessions de formations et des différents salons de la musique africaine, permet à ces acteurs culturels d’être mieux outillés pour répondre aux contingences de la world music.

Et quelle est la mission principale du BEMA ?

Notre structure se donne pour mission de fédérer les opérateurs africains, afin de mutualiser leurs compétences, renforcer leurs capacités et assurer aux artistes et à leurs œuvres une meilleure pénétration du marché en Afrique et sur le territoire international.

A l’actif du BEMA, on peut retenir l’organisation des salons de la musique dans des capitales ouest africaines, notamment  le salon de la musique guinéenne ici  à Conakry, la  Sagamusik  à Ouagadougou, l’Assanka au Cotonou, et le salon de la musique africaine à Dakar. On constate que ces salons constituent de véritables vitrines de la musique africaine, à quand la l’organisation d’un Salon panafricain de la musique africaine ?

C’est une question très pertinente. Notre objectif était d’abord d’organiser les salons régionaux à travers nos points focaux dans les différents pays (Guinée, Burkina, Sénégal, Benin) fondateurs du bureau export de la musique africaine depuis 2003, même si  c’est en 2007 que nous avons commencé nos activités.

Je suis heureux de vous annoncer que lors de la dernière assemblée générale du BEMA qui s’est tenu à Dakar dans la deuxième quinzaine de ce mois de janvier 2013, le BEMA a eu un financement  de l’ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique)-Union Européenne pour trois ans (de 2013 à 2016) pour l’organisation du SIMA (Salon International de  la Musique Africaine) dont la 1ère édition  aura lieu en Novembre 2013 à Yaoundé au Cameroun.

Je rappelle que 26 pays africains sont membres du BEMA et à travers les membres qui représentent  chaque pays dans chaque zone d’Afrique, nous allons faire un lobbying auprès de certains marchés européens comme le Babel Med qui doit se tenir du 21 au 23 mars à Marseille où notre compatriote Sia Tolno est programmée par le canal de José de Lusafrica, ancien manager de Cesaria Evora. Il y aura aussi le Womex qui doit se tenir cette année en Angleterre. Pendant ces différentes manifestations, nous irons avec des plaquettes publicitaires pour faire une grande promotion pour une meilleure visibilité du salon international de la musique africaine. Le constat est  que le MASA (Marché des arts du spectacle africain) a disparu depuis un certain nombre d’années. Le plus grand marché que nous pouvons avoir aujourd’hui pour commercialiser notre musique est cette plateforme qu’offre  le BEMA à travers le SIMA.

Au terme d’une étude réalisée en collaboration avec le réseau pour la circulation des artistes dans la sous-région Afrique de l’ouest (Circul’A), de nombreuses lacunes en matière de diffusion et circulation tant des artistes que de leurs œuvres avaient été constatées. A ce jour pouvez-vous nous rassurer que ces lacunes ont été corrigées ?

Vous savez une œuvre humaine n’est jamais parfaite. Mais il faut admettre que beaucoup de lacunes ont été corrigées. A chaque fois que nous organisons des salons à géométries variables dans les différentes capitales africaines, on s’aperçoit de certaines choses au niveau des acteurs culturels ; d’où les rencontres professionnelles, les sessions de formations et ateliers que nous organisons afin de permettre aux acteurs évoluant dans le milieu de la musique d’améliorer leur manière de faire.

De 2006 à 2013, il y a eu beaucoup d’améliorations. Dans les dispositifs techniques pour la mise en place des studios d’enregistrement par exemple, en Guinée il n’y avait pas un seul studio en 2006. Nos artistes pour se faire enregistrer étaient obligés d’aller soit à Dakar, Bamako ou  à Abidjan. Aujourd’hui, nous comptons une dizaine de studios numériques dans notre pays. Nous avons même des Homes studios  qui permettent à nos artistes de faire des travaux préparatoires des pré-maquettes, maquettes.

Nous sommes aussi conscients du fait que nos artistes sont la plupart d’entre eux des analphabètes. A ce titre, nous œuvrons de sorte que les artistes acceptent de se faire entourer de professionnels, de personnes qui ont la formation en la matière. En Guinée, il y a l’institut supérieur des arts de Dubreka et même une filière actions culturelles au département des Lettres et des Sciences Humaines. L’université guinéenne regorge de ces filières qui pourraient permettre aux artistes de s’entourer des sortants de ces universités qui ont déjà le Back ground, le B.A.BA de la chose et qui peuvent à travers les contacts, les formations, améliorer leur performance.

Au niveau de l’ingénierie de sons, nous nous sommes rendus compte que ce n’est pas un problème au niveau de la Guinée seulement. Je précise qu’en Guinée il n’y a pas un seul ingénieur de sons en live. Même quand vous allez dans les studios d’enregistrement, ce sont des burkinabés, des sénégalais, des ivoiriens que vous trouverez là-bas pour les prises de sons. En live, l’ingénieur de sons Aziz Sam c’est moi-même qui l’ai fait venir en Guinée. Il était l’ingénieur de sons de Thione Seck du Sénégal. Aziz  prête aujourd’hui ses services au centre culturel franco-guinéen. C’est lui qui sonorise tous les grands spectacles de Conakry.

Cette année, dans les rencontres professionnelles, les thématiques essentielles au niveau de la Guinée étaient notamment axées sur les droits et devoirs de l’artiste, la place et le rôle du manager dans la carrière de l’artiste. Au Sénégal, malgré qu’ils sont en avance sur nous, il y a des lacunes au niveau des ingénieurs de sons en live d’où la  formation qui a été organisée en 2012 à Dakar était fondamentalement articulée sur le son en live. Il en a été de même pour le Burkina Faso et le Benin, sans oublier le Cap-Vert qui d’ailleurs s’apprête à nous recevoir en avril prochain pour le salon de la musique Cap-Verdienne.

M. le président, quelles sont les sources de financement du BEMA ?

Du rêve de 2003 à la réalité de 2007 à 2013, le fondement financier du BEMA vient de l’extérieur de l’Afrique, notamment du ministère français des affaires étrangères, du ministère français de la culture, de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), du conseil France-francophone de la chanson, de l’Union Européenne  et du Bureau Export de la Musique Française qui d’ailleurs est  la source d’inspiration du BEMA grâce à son ancien président feu François Michel qui était le parrain du bureau export de la musique africaine et qui nous a ouvert les portes au niveau de ces institutions internationales de financement d’actions culturelles.

Malheureusement l’Afrique brille par l’absence de l’apport financier de ses gouvernements. Nous interpellons l’Union Africaine, la Cedeao et toutes les autres structures panafricaines, de faire en sorte que quelque chose soit dégagée pour la culture. Même dans le projet NEPAD de l’ancien président sénégalais Me Abdoulaye Wade, il n’y avait aucune visibilité, aucune place pour la culture. Les plateformes d’où tombent les grandes décisions des institutions sous-régionales, ou l’Union Africaine, il n’y a aucune phrase réservée à la culture. C’est l’occasion pour moi en tant président du BEMA d’interpeler les chefs d’Etats africains de considérer la culture comme une ressource.

L’erreur fondamentale que commettent les hommes politiques, c’est de penser que les ressources du sous-sol sont primordiales pour le pays. Pour exploiter ces ressources, il faut des études pendant de longues années et creuser pour les extraire. Alors que la culture se trouve à la surface. J’invite les gens à s’inspirer de cette prophétie que je défends toujours, ‘’il n’y aura pas de futur sans culture’’.

Vous venez d’être réélu à la présidence du BEMA, quels seront les grands axes durant votre nouveau mandat ?

Je dois d’abord remercier mes collaborateurs du BEMA qui ont renouvelé leur confiance en ma personne. J’avoue que mon mandat avait expiré. Depuis le démarrage du projet jusqu’en 2013, j’ai fait deux mandats. Il n’y a pas de dictature dans la culture, la présidence du BEMA est tournante. Cette année, ça aurait pu être le tour du Sénégal, du Burkina Faso, du Bénin ou d’un autre pays africain. A l’unanimité, vu que nous avons des enjeux majeurs par rapport à l’organisation du premier salon international de la musique africaine et que nous avons bénéficié à 80% de financement de l’ACP-Union Européenne ; il fallait que nous prenions dès maintenant le taureau par les cornes  afin de chercher les moyens au près de tous les gouvernements africains pour nous appuyer pour que cette 1ère édition connaisse un franc succès. C’est ainsi que j’ai accepté le fait que le renouvellement de mon mandat à la tête du BEMA. Nous allons d’ores-et-déjà nous atteler d’abord au niveau de notre pays, parce que je suis guinéen avant tout, c’est une fierté pour la Guinée et cela est à l’actif de mes formateurs, ceux qui eu confiance en moi et qui sont toujours avec moi dans la structure Mass Productions et d’autres structures nationales. Mon travail va être celui de la communication, car c’est le kérosène du 21ème Siècle. Nous ferons en sorte qu’il y ait une lisibilité et une visibilité sur la vie de nos artistes, que les artistes qui sont vendables à l’échelle internationale puissent être présentés dans les différents salons africains pour ensuite les proposer à des salons européens, américains, voire même asiatiques. Notre culture doit être à la pointe sur le toit de l’Afrique.

Que comptez-vous faire pour les journalistes culturels ?

J’ai toujours dit qu’il n’y a pas de grande culture sans grande presse culturelle. Le problème de visibilité et de lisibilité ne peut être résolu que par la presse. Mon combat c’est de faire en sorte qu’il y ait une nouvelle génération de journalistes culturels pour pouvoir relever le défi et être sur tous les podiums, toutes les scènes pour représenter l’image réelle de la Guinée. Cela ne peut se faire que par la formation, c’est ce qui explique à chaque fois que nous avons des sessions de formations, nous mettons un accent sur la formation des journalistes à coté de nos spectacles à caractère festif. Notre travail ne peut se faire sans les journalistes.

Je compte user de mes relations personnelles pour que la presse guinéenne soit représentée au salon international de la musique africaine qui se tiendra à Yaoundé.

Le dernier de cet entretien ?

C’est toujours un plaisir pour moi de vous recevoir. Je vous remercie pour la promptitude avec laquelle vous êtes venus aux nouvelles.  Je vous réitère ma disponibilité à chaque fois que besoin se fera sentir pour parler de culture.

Pour finir, je dirai que vous êtes véritablement les partenaires  de Mass productions, mais aussi du Bureau Export de la Musique Africaine.

Entretien réalisé par Ciré BALDE, pour Visionguinee.info

+224 64 93 14 04

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