[dropcap]A[/dropcap]insi donc le professeur président Alpha Condé a quand même préféré maintenir sa virée touristique à Washington, New York, Paris…. malgré la terrible épidémie Ebola qui frappe nos populations, sans parler de la tragédie de la plage de Taouyah où plus de trente jeunes Guinéens ont trouvé la mort, il y a moins d’une semaine.
Nul doute que pour lui, ses séjours d’agrément dans de luxueux palaces américains et européens ne peuvent être ni reportés, ni annulés, quoiqu’il advienne au pays, quel que soit le sort malheureux de nos compatriotes. Pourtant, ses homologues de Côte d’Ivoire, du Liberia, de Sierra-Leone dont les attaches y compris émotionnelles à la terre de leurs ancêtres sont évidentes, ont choisi de partager le sort de leur compatriotes, plutôt que de s’octroyer des séjours d’agrément dans les palaces à Paris, New York, Washington…. Mais il est exact que ce serait déraisonnable de le comparer à ceux-là.
Faut-il s’en plaindre ou en être étonné ?
Sur ce plan, il n’y a pas le moindre reproche à faire au président Alpha Condé. En tout cas je serai le dernier à lui en faire. Car l’attachement à la terre des ancêtres et à ses compatriotes ne s’imite pas, ne vient pas non plus du fait qu’on en occupe la magistrature suprême. Sentir la terre ancestrale, l’incarner dans ses tripes, et jouir des privilèges liés à la Fonction suprême, sont deux choses distinctes.
Dans le premier cas, chaque centimètre carré du pays, chaque cours d’eau, chaque montagne ou colline, chaque plaine est ressenti comme un patrimoine dont on ne peut se dessaisir sans déchoir irrémédiablement. Et la moindre souffrance affectant ses compatriotes, est vécue comme une douleur personnelle individuelle. Je suis dans cet état d’esprit.
Dans le second cas, on recherche la magistrature suprême parce qu’elle vous donne la possibilité de jouir des privilèges sans limite, ni contrôle, tout en abandonnant le pays et ses habitants dans la pire déchéance. Car rien de ce qui s’y passe ne vous affecte puisque vous n’y avez pas d’attache. Nous sommes très exactement dans cette configuration avec M. Alpha Condé. Les contrats miniers opaques l’intéressent au plus haut point, mais la mort de 30 jeunes Guinéens et l’épidémie d’Ebola l’indiffèrent. Inutile de lui en tenir rigueur. Il a acheté le pouvoir en 2010 et les Guinéens avec. Et certains compatriotes, ont accepté de le lui vendre. Un propriétaire fait de sa propriété ce qu’il veut, et comme il l’entend. Le président Condé, presque seigneurial est donc dans son droit.
Il n’est ni méprisant, ni ingrat. Il ne doit rien à la Guinée, ni aux Guinéens. Par contre, nous Guinéens nous sommes « petits », presque « minables ». Dépourvus du sens de la terre des ancêtres, nous sommes le seul peuple en Afrique subsaharienne à livrer notre Patrie au premier venu, qui qu’il soit, d’où qu’il vienne, pourvu qu’il distribue quelques prébendes financières en dollars ou euros, et fonctions administratives à quelques porteurs de fusils eux-mêmes insensibles aux malheurs de la Patrie. Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls. Car il est fréquent ici et là, dans un certain milieu guinéen d’écrire ou de dire, que la magistrature suprême du pays peut être confiée à n’importe qui, même s’il n’y a aucune attache parentale et émotionnelle.
Et bien ! Nous y sommes. Le président Alpha Condé a tranché en leur faveur. Il a choisi de faire des voyages d’agrément luxueux, plutôt que de s’occuper des problèmes des Guinéens. Les antipatriotes sont servis.
Pour ma part, avec mes modestes outils, je continuerai d’expliquer à mes compatriotes attachés à la terre de leurs ancêtres, ils sont nombreux, que la Patrie ne doit avoir à sa tête que ses vrais enfants qui y ont des attaches anciennes et prouvées. Et que l’hospitalité ne consiste en aucune façon à abandonner les destinées de sa terre, dans les mains de celui ou celle dont les ascendants ont été accueillis par générosité par les nôtres. Quelqu’un qui a le pédigrée de M. Alpha Condé, est impensable à la magistrature suprême dans un pays comme le Burkina Faso, ou le Mali, ou le Sénégal …..Pour moi, la Guinée n’est pas moins honorable que ces pays, même si nous, ses enfants, nous n’avons jamais cherché à nous hisser au niveau du passé dont nous sommes issus.
Il serait injuste de rendre le président Condé coupable de tous les malheurs inhabituels qui frappent le pays depuis qu’il est installé à la magistrature suprême. Ebola n’est pas son fait. L’épidémie serait peut-être apparue avec un autre président.
Mais l’ampleur qu’a prise la fièvre hémorragique mortelle dans notre pays est entièrement, catégoriquement et totalement de sa responsabilité, ou plus exactement de sa légèreté. Il avait d’abord nié l’existence d’Ebola, alors que, celle-ci aurait pu être rapidement maîtrisée, si les compétences sanitaires internationales avaient été informées dès les premiers cas apparus en Décembre, ou peut-être en Novembre 2013. Ce fait démontre que le président Condé a des préoccupations plus importantes que la santé de nos populations, et la sécurité de notre jeunesse.
Il n’est pas utile de rappeler ici ses déclarations tonitruantes visant à faire croire qu’il contrôlait l’épidémie. Ses invectives et procès télévisuels contre des O.N.G. médicales et des scientifiques occidentaux sont encore dans les mémoires.
Inquiète devant une telle désinvolture, une irresponsabilité portée à un niveau rarement connu en Guinée, l’O.R.E.P.(Opposition Républicaine Extra parlementaire) m’avait alors chargé de rédiger et publier un communiqué condamnant fermement les déclarations intempestives du président Alpha Condé, mais remerciant toutes les bonnes volontés nationales et étrangères qui ont choisi de soigner les populations guinéennes contre la volonté du professeur président.
Désormais, chaque Guinéen sait ou devrait savoir à quoi s’en tenir avec notre « président » quant à son absence totale d’attache, même émotionnelle à un pays dont le sort des autochtones lui est indifférent.
Par Mamadou Billo Sy Savané (France)