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Fodéba Isto Keira : ‘‘la Guinée est dans un coma profond’’

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Fodeba Isto KeiraFodéba Isto Keira est opérateur culturel et manager général du label de promotion et d’événementiel Mass Production. Ancien ministre  de la Jeunesse, des Sports et de la promotion de l’Emploi-Jeunes sous la direction de la junte militaire dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara, ancien ministre des Arts et de la Culture sous la transition dirigée par le général Sékouba Konaté, Isto Keira a également été président du Bureau export de la musique africaine (BEMA).

Aujourd’hui, il est porté à la tête d’un mouvement avec pour leitmotiv, l’offensive de communication et de mobilisation sociale autour d’un idéal ; celui d’œuvrer pour une action devant concourir à favoriser le développement socioéconomique et culturel de la Guinée. C’est du moins la quintessence de l’interview qu’il a accordée à VisionGuinee. Lisez !

VisionGuinee.Info : Vous êtes président d’un nouveau mouvement dénommé ‘‘Génération pour l’unité et la relance de la Guinée’’ (GRUG). Qu’est ce qui a prévalu à la mise en place de cette structure ?

Fodéba Isto Keira : Je voudrais dire que depuis ma sortie du gouvernement en 2010, j’ai pris une période sabbatique qui m’a permis de faire une analyse systématique de la situation politique, économique, sociale et culturelle de notre pays. Et voyant certaines réalités, un constat de vide  à un certain niveau de la vie de la nation, nous avons décidé, certains amis et moi, de créer cette structure appelée  ‘‘Génération pour l’unité et la relance de la Guinée’’. Aujourd’hui, sur le plan social, il n’est un secret pour personne que le tissu social est en lambeau, que le régionalisme, le clientélisme, le mercantilisme ont gangréné la société, donc, l’actuelle gouvernance. Nous sommes face aussi à une opposition qui souvent, tient des discours disparates, des discours qui ne convergent pas. C’est une division qui se fait sentir.

D’abord au niveau de cette opposition, on assiste à un éclatement. Il y a l’opposition parlementaire et l’opposition extra parlementaire. Du coup, il y a une grande majorité de guinéens qui ne savent pas aujourd’hui ce qu’il faut faire face au développement de la Guinée, face au racisme et à tout ce que vous connaissez comme maux qui gangrènent notre société. Mais face aussi à la division de l’opposition et les discours va-t-en guerre qui sont prononcés aux sorties médiatiques de certains leaders politiques de notre pays. Donc, nous estimons aujourd’hui qu’en tant que jeunes cadres et intellectuels de la Guinée, qu’ils soient de l’intérieur comme de l’extérieur, il est important pour nous aujourd’hui de créer une plateforme de cogitation, de réflexion autour de grandes questions de société, par exemple, du secteur de la culture qui est abandonné. Et vous avez remarqué lors de la dernière sortie du Premier ministre, Mohamed Saïd Fofana pour la présentation de la politique générale de son gouvernement. Aucun accent n’a été mis sur la culture. Elle a été plutôt oubliée. C’est la preuve que la gouvernance actuelle n’accorde aucune valeur à la culture. Alors que quelqu’un qui connait bien l’histoire de notre pays, sait que si la Guinée, en 1958, après le 2 octobre, les 3 mois de salaire des fonctionnaires ont été payés, c’était grâce aux cachets de prestations des célèbres Ballets africains de Keita Fodéba.

Ensuite, ces mêmes Ballets africains ont participé à l’équipement tous les deux ans, de chaque préfecture en instruments de musique. On les appelait les orchestres fédéraux, qui avaient des équipements drainés en Guinée à travers toujours les cachets de prestations des Ballets africains. Un autre exemple, pas des moindres, c’est celui des équipements sportifs de toutes les disciplines confondues. Si on a parlé de Hafia football club, on a parlé du Syli national, les équipements qu’ils utilisaient émanaient des cachets de prestations des Ballets africains, qui étaient transformés en marchandises pour que les Ballets puissent jouer dans certains pays et qu’en contrepartie financière, des équipements soient mis à la disposition de la Guinée afin que celle-ci puisse développer une politique sportive cohérente. Nous, nous connaissons cela. C’est donc pour que ces personnes-là soient réhabilitées dans leurs droits que nous avons décidé de faire appel à toutes les associations d’artistes, à toutes les associations sportives aussi. Vous savez, le Hafia c’est premier club triple champion d’Afrique. Mais aujourd’hui, vous avez vu avec quel rythme effréné les icônes de notre football meurent. Chérif Souleymane a été hué au stade du 28 septembre ici. Alors qu’avant cette date, il avait donné trop de bonheurs à ce pays.

Les journalistes que vous êtes, les intrants que vous utilisez au niveau de vos différents organes de presse ; toute presse confondue, la subvention qui est accordée au secteur de la Communication, c’est 3 milliards. Et vous savez qu’il y souvent des coups de poings en faisant la clé de répartition aux différents médias. Donc, notre champ d’action s’élargit à tous ces secteurs : sport, culture, jeunesse et communication. Parce que nous considérons qu’il n’y a pas de pays stable, ni de pays développé sans une grande et forte communication. C’est pourquoi nous avons estimé que les journalistes aussi ont leur part de vérité ou leur part de contribution à apporter à la réussite de la Génération pour l’unité et la relance de la Guinée. Les mots clés de notre mouvement, c’est l’unité, parce que la Guinée est plus que jamais divisée aujourd’hui. La Guinée est en panne. Nous sommes dans un coma profond. Et je crois qu’avec la conjugaison des efforts, nous pourrons donner le déclic à une nouvelle génération de politiciens. Regardez dans mon bureau la photo des membres du premier gouvernement de la Guinée en 1958. Personne n’avait 40 ans. Le feu président Ahmed Sékou Touré avait 36 ans. Le plus âgé, je crois que c’était Barry Diawandou dont je salue la mémoire ainsi que celles de Lofo Camara, Lansana Béavogui, Keita Fodéba, Barry 3, Fodé Mamoudou Touré et plein d’autres, qui ont été de hauts cadres de ce pays, de grands intellectuels qui avaient l’âge de la fleur, mais qui se sont battus pour la Guinée.

Nous voulons donc faire un sursaut pour permettre à la nouvelle génération, les jeunes que vous êtes, de vous intéresser aux partis politiques, de ne pas accepter d’être instrumentalisés par les leaders. Parce que vous demandez à 10 jeunes aujourd’hui qui se réclament d’un parti politique, ils ne connaissent pas le projet de société de leurs leaders. On soutient un parti parce qu’on est de la même ethnie que son leader ou pour des raisons mercantilistes. Vous pouvez voir un jeune qui a 10 T-shirt de 10 partis politiques. Lorsque ce leader vient, on porte son T-shirt. Et dès qu’il tourne le dos, on le met de côté. Il faut donc que les jeunes sachent que le critère de militantisme et la conviction sont des mots clés pour l’avenir de la Guinée. Nous voulons donc conscientiser au niveau de toutes les communes de Conakry, nous allons mettre des antennes, ainsi que dans les préfectures de l’intérieur du pays. Nous aspirons à faire adhérer à nos idéaux beaucoup de jeunes, qu’ils soient du secteur de la culture, du sport ou de la communication, et les associations de femmes pour insuffler une nouvelle dynamique quant au développement harmonieux de la Guinée.

Vous vous ouvrez assez de chantiers en parlant de la fédération des personnes issues de la culture, du sport, de la communication et même des associations de femmes comme les ‘‘sèrè’’. De quoi votre mouvement est-il fort concrètement pour réussir ce pari ?

C’est de notre sérieux, notre crédibilité et la crédibilité aussi des membres qui composent notre bureau. Je crois que ceux qui viendront le vendredi. – D’ailleurs, je profite pour inviter tous vos lecteurs.- Tous ceux qui viendront le vendredi 31 octobre à 9h 30’ à la Maison de la presse, auront la quintessence des objectifs que nous nous fixons. Parce qu’aujourd’hui, c’est une organisation non gouvernementale, je dois le préciser. Nous ne soutenons ni le pouvoir, ni un parti politiques. Par conséquent, nous sommes apolitiques. Mais, c’est un cri de cœur que nous devons exprimer aujourd’hui, pour que, même pas pour nous, que d’autres jeunes puissent prendre le relai afin que la Guinée puisse retrouver son unité et qu’elle soit relancée.

Parlant justement de votre position, dites-nous la démarcation exacte qu’on peut faire entre votre mouvement et un mouvement de soutien de candidature ou une formation politique en herbe ?

La démarcation est simple. Nous à la Génération pour l’unité et la relance de la Guinée, nous avons une démarche transcendantale, qui est au dessus des partis politiques tout simplement. Ensuite, nous sommes des acteurs de la Société civile, nous nous interdisons de faire des interférences dans les activités des partis. Et du coup, nous mettons les institutions républicaines de côté dans nos critiques. Nous n’allons pas faire des critiques stériles. Le président de la République est chef de l’Exécutif. Le président de l’Assemblée nationale est chef du Législatif. La Cour constitutionnelle, la Cour suprême et autres institutions sont au dessus de la mêlée. Mais la gouvernance, nous allons la critiquer sur le plan politique, social, et économique. Et je précise que tout ce que je suis en train citer là, nous y avons des spécialistes, et pas des moindres.

Nous cherchons des compétences, parce que nous nous rendons compte que la médiocrité a donné naissance à la médiocratie. Nous devons nous battre pour que les médiocres soient mis de côté, et que les bons cadres qui peuvent faire le bonheur de ce pays soient , quelles que soient leurs ethnies. Aujourd’hui, il y a des affectations arbitraires, parce que tout simplement on n’est pas avec le pouvoir.

Et souvent, le président de la République est coupé des réalités. Il est empêché par un groupe d’opportunistes et de situationnistes que nous allons dénoncer et faire en sorte que la Génération pour l’unité et la relance de la Guinée soit pour nous la lumière qui va projeter ses éclats en la caverne comme l’allégorie de la caverne de Platon pour que les prisonniers qui sont enchaînés dans l’obscurité puissent se déchaîner, et qu’ils puissent voir la vérité pour enfin amorcer le développement de la Guinée.

Avec toutes ces attributions que vous vous arrosez, est-ce que vous n’êtes pas en train de pêcher dans la rivière de la Société civile ?

Ben, absolument ! Parce que nous avons remarqué que la Société civile, depuis un certain temps, et même le syndicat, sont en déchéance totale. Ils ont perdu leurs crédibilités ; pour la simple raison que le Syndicat était infiltré par des politiciens qui occupent aujourd’hui des fonctions de ministres. Vous voyez, la plupart des ministres étaient membres actifs de l’organisation de la Société civile, mais aussi du syndicat. Voyez aujourd’hui, il n’y a pas de grève. La Société civile n’existe plus dans la pratique.

Donc, nous sommes en train de voir dans quelle mesure ceux qui sont positifs et ceux qui ne trainent pas surtout de casserole, puissent être avec nous pour donner une nouvelle image de la Société civile guinéenne. Et je crois que c’est cela que mérite la Guinée.

On s’achemine vers le baptême de feu de votre mouvement vous l’avez dit tantôt. Mais est-ce que vous avez aujourd’hui des documents juridiques vous permettant de mener vos différentes activités ?

Je vous les exhibe là. Et si vous voulez, vous pouvez partir avec une copie de l’arrêté qui nous permet de mener nos activités sur le terrain. Je suis un légaliste. J’ai été ministre de la République deux fois de suite. Donc, il est hors de question pour moi d’aller au-delà de ce qui est prescrit dans l’arrêté que le ministre Alhassane Condé a signé, et que je remercie d’ailleurs pour la diligence et le professionnalisme avec lesquels ce document a été signe. C’est vrai, il faut reconnaitre. Je le remercie lui et son directeur chargé des libertés publiques, M. Daouda Condé et tous les autres cadres du ministère de la Décentralisation. Mais, je dois vous dire que je suis un adepte de Montesquieu qui, dans son livre, dit que la liberté c’est de faire ce que les lois veulent.

On ne peut pas clôturer cette entrevue sans pour autant parler de la Culture, ce domaine où vous êtes profondément versé. Aujourd’hui, quel regard global portez-vous sur ce secteur ?

C’est un regard malheureux. Preuve : l’édifice que j’avais trouvé et que j’ai mis à la disposition de la culture nationale, derrière le pont du 8 novembre a pris feu. Le ministère de la Culture est aujourd’hui dans la cour du Musée, dans une salle d’expositions. Ce qui est une insulte. On ne peut pas accepter cela. Ce ministère n’a pas de subvention considérable pour développer les activités artistiques et para artistiques. Aujourd’hui, le Fonds d’aide aux actions culturelles ne bénéficie de rien. Il n’y a pas de fonds de soutien à la création artistique et culturelle devant être mis à la disposition des opérateurs culturels privés. Il n’y a pas de session de formation à l’intention des journalistes et animateurs culturels que vous êtes. Il n’y a pas de session de formation pour les managers et même pour les artistes, parce qu’on en a besoin.

Pour une meilleure structuration et une meilleure  professionnalisation du secteur de la culture, il est important que toutes ces associations, que toutes ces corporations-là se retrouvent autour d’un idéal pour permettre à chacune des structures de renforces ses capacités. Et, il faut qu’on considère la culture comme un secteur dynamique du développement. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui, l’économie créative. Parce que rien que les sites touristiques, les sites samoriens, les sites de Sosso Balla à Niagassola, de Soundiata Keita, et beaucoup d’autres comme Farényah, le port négrier de Kassa, sont des pôles d’attractions de touristes, et ensuite des sources de financement. Mais aujourd’hui, les efforts du gouvernement sont beaucoup plus consentis sur les mines. Or, vous savez que les retombées des mines, c’est pour 20 ans ou plus, pendant que le panier de la ménagère est fortement menacé. Il y a des familles qui peuvent faire une semaine sans mettre la marmite au feu. Et je crois qu’il faut inverser la tendance en faisant des propositions concrètes au gouvernement actuel, et à tous les gouvernements qui se succéderont désormais dans ce pays. Nous pensons être une cellule ou une structure de veille, mais aussi un groupe de pression.

Un mot pour clôturer ?

Merci pour votre déplacement et surtout votre professionnalisme. Je souhaite que votre organe VisionGuinee nous soutienne, parce que nous sommes en train de faire un effort pour unir les Guinéens, un effort pour que la Guinée puisse repartir sur de nouvelles bases. Et pour cela, nous tendons une main fraternelle à tous les membres des différents partis politiques du pays, à tous nos compatriotes de quels que bords qu’ils soient, à tous les Guinéens quelles que soient leurs appartenances ethniques, parce que notre premier combat c’est l’unité des Guinéens. Et le second, c’est la relance de la Guinée. Il n’y a pas de développement sans unité, non plus de développement sans relance. Donc, nous informons l’ensemble des Guinéens, notamment ceux qui vous liront à partir de l’extérieur, les patriotes qui vivent à l’étranger et qui peuvent leurs contributions à travers votre canal, que nous sommes ouverts à toutes les critiques et à tous les amendements. Et surtout faire des critiques objectives en proposant des pistes de solution. Parce qu’un des plus grands problèmes de la Guinée, c’est que tout le monde. Mais personne ne fait de propositions concrètes. Et nous, nous voulons inverser cette tendance à travers notre plateforme de critiques mais de proposition de pistes de solutions pour une Guinée harmonieuse et émergente.

Réalisée par Mady Bangoura pour VisionGuinee.Info

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