Gloires d’hier, misérables d’aujourd’hui
[dropcap]D[/dropcap]ans les années 70, le Super Kolima Jazz de Labé a brillé de toutes les étoiles. Aujourd’hui, de cet orchestre, il n’en reste plus que le nom. La gloire d’hier broie le noir dans la ville de Karamoko Alpha Mô Labé. De passage au Foutah, nous avons rencontré les porte-flambeaux de cet orchestre au Palais de la Kolima, lieu de production par excellence d’artistes durant la première république.
Le premier régime politique de la Guinée a promeut la culture. A l’époque, chaque région avait son orchestre qui valorisait la musique d’ici et d’ailleurs. Le Super Kolima Jazz de Labé fut l’un de ces orchestres qui ont connu la gloire, mais qui de nos jours est à l’oubliette.
Il est 16h, nous sommes le 24 juin 2014 au quartier Dow-sâré à quelques mètres du stade Saifoulaye Diallo de Labé. Nous avons rendez-vous avec les ténors du Super Kolima Jazz. La démarche cloppin cloppan, ces vedettes d’hier sont méconnues par la nouvelle génération. Thierno Mamoudou Diallo alias Gilmard ; Alpha Midiaou Baldé, guitariste-chanteur ; Komari Kodjo, soliste nous rejoignent au Palais de la Kolima ou du moins ce qui reste de ce somptueux monument, construit vers 1963 par le Président Ahmed Sékou Touré.
A la rentrée du Palais sont stockés des bidons d’huile vides. Des bancs par-ci, des tables par là. Fumeurs de crack et joueurs de damiers y règnent en maîtres absolus. Gilmard, le lead vocal de cet orchestre, composé d’une dizaine de musiciens de bon niveau, nous fait visiter l’intérieur de la Kolima. Toit délabré, odeurs nauséabondes, ordures ménagères jetées par endroit. Voilà la triste image que reflète cet édifice qui a vu se produire le Bembeya Jazz en 1978 et 12 ans plutôt le mythique groupe cubain Orchestra Aragona.
‘’Le Palais de la Kolima a marqué beaucoup de générations’’, raconte Gilmard dans un corps chétif. ‘’Lorsqu’il a été construit vers 1963, nous étions encore des gamins’’, explique cet amoureux de la musique qui a pris la relève de l’orchestre dirigé jadis par Maitre Diallo Abdoul Gadiry, communément appelé « l’international » et père du chanteur Diallo Thierno Mamadou (DTM).
‘’J’ai toujours voulu faire de la musique’’, évoque le chef d’orchestre. ‘’La première fois que je me suis produit au Palais de la Kolima, c’était en juillet 1973. Nous étions du Syli star, la pépinière de l’orchestre’’.
Dans les années 70, le Super Kolima Jazz a presté à Labé devant le défunt Président Ahmed Sékou Touré et le bureau politique national du PDG-RDA. ‘’A cette époque-là, la Kolima était le lieu par excellence de toutes les rencontres entre mélomanes. Tous les orchestres préfectoraux et nationaux y ont joué’’, mentionne Alpha Midiaou Baldé, guitariste. ‘’De Bembeya Jazz à Balla et ses baladins, en passant par Kélétigui, Baro Band, 22 Band de Kankan et le Bafing Jazz. Aujourd’hui, le Palais est abandonné à lui-même par les autorités alors que rénové et entretenu, il peut rapporter gros’’.
C’est à la fin des années 80 que le Palais a commencé à sombrer. Les populations l’ont transformé en dépotoir d’ordures, souligne Gilmard qui, avec les autres membres de l’orchestre ont pris l’initiative d’assainir les locaux afin de s’y produire. Ironie du sort, ces musiciens empruntent des instruments car ne disposant que d’une seule guitare sèche. ‘’C’est regrettable qu’un orchestre comme le nôtre se retrouve dans une telle misère’’, martèle Alpha Midiaou Baldé.
Frustrée de voir ce monument à l’abandon, l’association des musiciens du Kolima Jazz a démarché pour trouver des fonds nécessaires à sa rénovation. ‘’On a tiré la sonnette d’alarme. Personne n’a levé le doigt pour nous aider. On s’en fout pas mal de la culture’’, estime Thierno Mamoudou Diallo.
Classé en 1981 troisième au Festival national de Guinée, le Super Kolima Jazz n’a produit qu’un seul album : Sarsan Ouré Kaba, sorti en 1988. Toutefois, il a porté haut les couleurs de la Guinée à tous les grands festivals organisés dans la sous-région, notamment la Semaine de l’amitié et de la fraternité (Safra) en Gambie, au Sénégal, au Mali et en Mauritanie.
Après la période de gloire, Thierno Mamoudou Diallo, Alpha Midiaou Baldé, Komari Kodjo, Baba Traoré, Ousmane Bah, Karim Sangaré, Sow Bocar, Sidiki Diabaté, M’Baké N’diaye ; tirent le diable par la queue. ‘’On se démerde pour survivre à Labé. Nous vivons grâce aux aides de nos différentes familles car nous sommes au chômage’’, lâche Gilmard qui retient de la sortie de l’album Sarsan Ouré Kaba, comme plus beau souvenir de vie d’artiste.
‘’Si rien n’est fait, nous allons disparaître petit à petit. Mais avant, nous voulons transmettre notre savoir à la nouvelle génération’’, déclare Komari Kodjo, Togolais d’origine et Soliste de l’orchestre. ‘’Que l’Etat nous vienne en aide afin que nous créions à Labé une école de musique pour la nouvelle génération’’, lance-t-il.
Ciré BALDE, pour VisionGuinee.Info
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La plupart de ces orchestres d’alors étaient moins musiciens que chanteurs de louanges pour le dictateur Sékou Touré qui était entrain de détruire notre pays. Peut-etre que le Kolima Jazz ne faisait pas partie de ceux-là, mais j’en serais étonné. Les orchestres qui méritent ce nom ne sont pas liés à une époque car ils seront toujours appréciés par la qualité de leur musique.