Dans l’ombre des geôles du Haut Commandement de la Gendarmerie Nationale (HCGN), un homme se tient debout, seul face à l’arbitraire. Aliou Bah, figure de courage et de conviction, paie aujourd’hui le prix de son engagement.
Arrêté brutalement à Pamelap, à la frontière entre la Guinée et la Sierra-Leone, il rejoint la longue liste de celles et ceux que la Guinée, notre mère commune, a sacrifiés sur l’autel de la peur et du pouvoir absolu. Mais ce n’est pas seulement son histoire. C’est celle d’une nation, d’un continent qui vacille sous le poids des chaînes qu’il prétendait briser.
Habib Marouane Camara, le Général Sadiba Koulibaly, le Dr Mohamed Dioubaté, Foniké Mengué, Billo Bah, Saadou Nimaga, Colonel Célestin Bilivogui, Sergent-chef Soumah, et tant d’autres noms aujourd’hui murmurés dans l’obscurité. Ils ne sont pas seulement des victimes ; ils sont des symboles. Des symboles d’une répression qui étouffe la Guinée et, avec elle, les aspirations de toute une génération à la justice, à la dignité, à une vie meilleure.
La Guinée n’est pas seule dans cette nuit de l’histoire. Le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Gabon…Ces nations, nos sœurs, partagent un destin commun. Là aussi, des hommes en treillis ont promis la refondation, la justice, un avenir débarrassé des maux d’hier. Mais là aussi, les prisons se remplissent, les libertés se réduisent, et l’espoir s’effrite.
Les chants d’un panafricanisme vibrant s’étouffent dans le bruit des bottes, laissant place à une mélodie discordante : celle du pouvoir pour lui-même.
Aliou Bah, comme tant d’autres avant lui, n’a rien d’un héros tragique. Il est simplement un homme qui a refusé de se taire, un homme qui a choisi la lumière du verbe contre l’ombre des armes. Son arrestation n’est pas seulement une injustice. Elle est une question posée à chacun d’entre nous : allons-nous rester silencieux, spectateurs impuissants d’une dérive qui engloutit nos rêves communs ?
Les chaînes de l’arbitraire ne s’arrêtent pas à nos frontières. En Guinée, elles enferment les voix libres. Au Mali et au Burkina Faso, elles emprisonnent l’avenir dans des discours vides de solutions. Au Gabon, elles dissimulent mal les continuités d’un passé qu’on prétendait révolu. Elles sont les mêmes chaînes, forgées par l’histoire coloniale, alimentées par des élites dévoyées, et entretenues par notre propre passivité.
Et pourtant, au milieu de cette obscurité, une lumière vacille. Elle est dans le courage de ceux qui continuent de parler malgré les menaces. Elle est dans la solidarité de ceux qui refusent d’oublier les noms des disparus. Elle est dans ce panafricanisme, non pas celui des discours officiels, mais celui des peuples. Un panafricanisme qui ne se contente pas de mots, mais qui agit, qui dénonce, qui construit.
Il est temps pour la Guinée, pour l’Afrique, de se souvenir que les chaînes peuvent être brisées. Mais cela exige un effort collectif. Cela exige de nous que nous levions la voix, que nous tendions la main, que nous disions non à l’arbitraire, où qu’il se trouve. La lutte d’Aliou Bah est la nôtre. Son combat est celui de tout Africain qui aspire à un avenir où les droits de chacun sont respectés, où la justice ne dépend pas de la force, mais de la loi.
Ce n’est pas un cri de désespoir. C’est un appel à la vie. Une vie où la Guinée et ses sœurs africaines se libèrent enfin des fantômes de leurs oppresseurs, qu’ils soient étrangers ou locaux. Une vie où les mots liberté, égalité, et justice ne sont plus de simples slogans, mais des réalités tangibles.
Aliou Bah, nous ne t’oublions pas. Habib Marouane Camara, Foniké Mengué, Billo Bah, Mohamed Dioubaté, et tous les autres, vos noms resteront gravés dans nos mémoires comme des rappels de ce que nous devons accomplir. Guinée, Afrique, il est temps de rompre le silence, de déchirer les chaînes, et de marcher ensemble vers cette lumière que rien ni personne ne pourra éteindre.
Un souffle pour la justice. Une promesse pour l’avenir.
Boubacar Diallo