On croyait cette fois, la Guinée sur le point de sortir des affres de l’hostilité de ses dirigeants politiques, et prête à rejoindre le giron des Etats modernes stables. En effet, il faut dire que depuis le règne répressif et dur de Sékou Touré, qui a dirigé ce pays d’une main de fer, les Guinéens n’ont jamais connu une véritable sérénité sur le plan politique. Et la paix sociale en a toujours fait les frais.
Pays aux énormes potentialités aussi bien du point de vue économique que du point de vue des ressources humaines, la Guinée n’a pourtant jamais réussi à se départir de ses turpitudes politico-politiciennes, qui mettent à mal sa volonté d’avancer sur le chemin du développement. Les espoirs suscités par l’arrivée de Alpha Condé au pouvoir après des années de dictature militaire de Lansana Conté, sont en train de s’envoler au rythme des déclarations enflammées des hommes politiques. Et les Guinéens continuent à renvoyer à l’Afrique et au reste du monde, l’image d’un pays constamment ‘’en phase’’ avec la crise économique et les conflits socio-ethnico-politiques.
Ce qui est regrettable, c’est la tendance à recourir systématiquement à la rue comme moyen de protestation.
Le peuple guinéen est-il ainsi condamné à végéter dans une misère sans nom alors que le ciel a mis sous son sol tout ce dont il a besoin pour bien manger et dormir à son aise ? Les acteurs de la scène politique guinéenne sont-ils sadiques au point de ne jamais permettre à la Guinée de jouir des énormes ressources de son sous-sol ? Mais quelle est donc cette pulsion quasi-démoniaque qui les pousse à toujours recourir à la violence de la rue au lieu de se mettre autour d’une table pour régler leurs différends ? On est bien en droit de se poser ces questions au regard du climat politique actuel et surtout des développements qui pourraient suivre. En effet, à deux semaines des élections législatives dans ce pays et au moment où tout le monde s’autorise à espérer, cette fois, des élections apaisées, une voix discordante vient de se faire entendre du côté de l’opposition qui menace de recourir aux manifestations de rue pour ‘’dénoncer les dysfonctionnements enregistrés au cours du processus électoral devant conduire à l’organisation des élections législatives le 24 septembre 2013.’’
Cellou Dalein Diallo est en train de dilapider le capital de sympathie dont il bénéficie auprès de certains Guinéens
L’opposition politique, avec Cellou Dalein Diallo en tête, soupçonne les autorités de Conakry de vouloir organiser une fraude à grande échelle lors des élections du 24 septembre. Ils soutiennent même qu’à deux semaines des élections, le fichier électoral n’est pas encore prêt.
Dénoncer une volonté de frauder est une chose normale et en cela, l’opposition est bien dans son droit. Ce qui est regrettable, c’est la tendance à recourir systématiquement à la rue comme moyen de protestation. On se rappelle pourtant que les précédentes manifestations avaient laissé plusieurs cadavres sur le carreau.
Dans ce contexte, avoir pour premier reflexe d’appeler ses militants à descendre dans la rue peut sembler tout à fait irresponsable. Car en plus des victimes que cela occasionne, Cellou Dalein risque fort de transmettre à ses militants une culture de la violence, ce qui est absolument dangereux pour un pays où les tensions communautaires ont pignon sur rue. Cela dit, la responsabilité d’un nouveau bain de sang n’incomberait pas seulement à l’opposition, mais aussi à la majorité au pouvoir. En effet, même si les déclarations de l’opposition ne sont que pures allégations, rien n’empêche le pouvoir en place d’appeler tout le monde autour d’une table pour discuter. On ferait ainsi l’économie de nombreux morts et blessés que la solution de la rue risque fort de provoquer. Toujours est-il qu’à travers le recours systématique aux manifestations de rue avec son corollaire de cadavres, Cellou Dalein Diallo est en train de dilapider le capital de sympathie dont il bénéficie auprès de certains Guinéens. Et c’est peut-être bien ce que recherche son adversaire. Sinon, pourquoi s’entêter à organiser des élections tout en sachant que le fichier électoral n’est pas encore prêt ? Quoi qu’il en soit, jouer ainsi avec la vie des Guinéens relève bien d’un cynisme que rien ne peut justifier.
Il faut que les hommes politiques de la Guinée comprennent enfin que leur raison d’être tient à celle du peuple guinéen, et qu’ils doivent transcender leurs intérêts personnels pour se consacrer aux vrais problèmes de la Guinée. C’est alors et seulement alors qu’ils mériteront la confiance du peuple, et que le sang guinéen, maintes fois versé sur le chemin de la recherche de la liberté, n’aura pas été un vain sacrifice.
Dieudonné MAKIENI