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Guinée : ces faux repentis (Par Aboubacar Sidiki Kaba)

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Il est toujours fascinant d’observer ceux qui, après avoir été les architectes des ruines, s’érigent en grands moralistes pour contempler le désastre qu’ils ont eux-mêmes contribué à bâtir.

Il est encore plus fascinant de voir comment, par une pirouette rhétorique, ils se drapent dans la toge des sages et des avertis, comme s’ils n’avaient jamais trempé leurs mains dans les bassesses qu’ils dénoncent aujourd’hui avec une verve indignée.

Ceux qui, hier encore, défendaient avec acharnement un pouvoir devenu sourd aux appels du réel, se présentent aujourd’hui en donneurs de leçons, en prophètes tardifs de la lucidité.

L’indignation soudaine est frappante. On parle du peuple comme d’un concept qu’il faudrait protéger des récupérations partisanes, comme si l’on n’avait pas soi-même contribué à tordre le bras de ce peuple pour lui imposer ce qu’il refusait.

On se scandalise de voir certains parler en son nom, alors qu’on a passé des années à fabriquer des récits, à modeler des vérités officielles, à peaufiner des discours pour légitimer l’indéfendable. Où était cette sagesse lorsqu’il s’agissait de justifier l’injustifiable ? Où était cette indignation quand il fallait encourager l’aveuglement au lieu de le combattre ?

Désormais, on cite les grandes figures de l’histoire, on évoque la grandeur du renoncement, on parle du poids de la responsabilité. Mais hier, lorsque l’essentiel était en jeu, était-on un conseiller discret murmurant la nécessité de la raison ? Ou faisait-on partie de cette meute zélée qui, au nom de la stabilité et du développement, a offert une caution morale à des dérives destructrices ?

Il est facile de se laver les mains une fois que tout est fini. Il est confortable de jouer les sages une fois la tempête passée. Mais la mémoire n’est pas un tissu que l’on déchire et recoud à volonté. Il n’est pas donné à tout le monde d’incarner les valeurs qu’on invoque, et il est trop tard pour se draper dans une dignité factice. Les peuples savent reconnaître ceux qui ont été du bon côté de l’histoire, tout comme ils savent démasquer ceux qui, dans le bruit et la fureur, ont contribué à leur malheur avant de venir déclamer de grandes leçons d’humanité.

On se lamente sur l’aveuglement du pouvoir, alors qu’on en a été un rouage essentiel. On déplore l’immobilisme, alors qu’on a œuvré à le renforcer. Aujourd’hui, on tente de prendre de la hauteur, de se dissocier du naufrage, d’affirmer qu’on était ailleurs, peut-être même en opposition silencieuse. Mais le silence, lorsqu’il est complice, devient un aveu plus fort que toutes les déclarations tardives.

Le pays avance, douloureusement, péniblement, en se débarrassant de ceux qui pensaient que le pouvoir était une rente perpétuelle. Il avance en brisant l’illusion de l’intouchabilité. Et ceux qui, hier, étaient les chantres de l’immobilisme ne peuvent aujourd’hui se présenter en apôtres du changement. L’histoire n’absout pas ceux qui se réveillent trop tard.

On peut manier les mots, se revêtir de la peau du penseur lucide, du commentateur désabusé qui observe de loin la tragédie humaine. Mais on oublie que cette tragédie, on en fut l’un des acteurs, l’un des metteurs en scène. Ce n’est pas en invoquant les figures de la grandeur que l’on efface sa propre responsabilité. Il est des noms que l’on ne devrait pas prononcer lorsque l’on a contribué à bâtir l’exact inverse de ce qu’ils incarnent.

L’imposture a ses limites. Le peuple, que l’on évoque tant, a une mémoire plus longue qu’on ne le croit. On peut réécrire l’histoire, mais on ne peut pas la falsifier éternellement.

À bon entendeur…

Aboubacar Sidiki Kaba

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