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Guinée : De la crise du service public vers la nécessité d’une transition du modèle bureaucratique à la gestion par résultats

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À l’ère d’une gouvernance de plus en plus marquée par la rationalité managériale et l’ascension sans cesse du numérique, la transition du modèle bureaucratique à la gestion par résultats s’impose avec force.

Les mutations qui s’opèrent aujourd’hui obligent toute administration publique qui se veut performante à s’adapter constamment tout en renouvelant ses méthodes et pratiques.

Comme le disait Sunday Adelaja, « on ne peut pas continuer à faire la même chose et s’attendre à des résultats différents ». Cette citation trouve tout son sens dans le contexte guinéen où les méthodes de gouvernance actuelles, reposant sur les substrats d’une bureaucratie pervertie héritière de la colonisation, sont révolues au regard de la configuration actuelle de l’économie mondiale depuis les chocs pétroliers de 1972 à 1976.

L’économie globale, donc mondialisée dans laquelle celle de la Guinée officie, repose plus sur le managérialisme que sur le formalisme juridique. Bien que le modèle bureaucratique soit encore d’actualité, il n’en demeure pas moins qu’il est relégué au profit de la gestion par résultats axée sur l’économie, l’efficience et l’efficacité.

La déliquescence du service public, qui traduit le caractère minimaliste de l’État guinéen ainsi que la résistance aux changements, exige donc que l’on se questionne sur le paradigme bureaucratique sous le label duquel l’administration publique guinéenne fonctionne, et voir dans quelle mesure la gestion par résultats pourrait être implémentée comme alternative.

Depuis son accession à l’indépendance, la Guinée vit au rythme d’une crise du service public qui annihile tous les efforts de développement. Du premier régime au régime actuel, la gouvernance ne cesse de s’effriter. Cette situation crée un climat de méfiance entre les citoyens et les pouvoirs publics d’autant plus que nous vivons dans un environnement marqué par la rareté des ressources.

La crise du service public apparait comme un dysfonctionnement de l’État dans sa capacité à fournir des services visant à améliorer substantiellement les conditions de vie des citoyennes et citoyens. Ainsi, la pratique bureaucratique a entrainé à travers le temps plusieurs maux qui traduisent aujourd’hui la spoliation même du service public.

En effet, le citoyen qui est le bénéficiaire final du service est complètement effacé, car les administrateurs ne se sentent pas concernés par ce qu’ils produisent, mais plutôt par le processus.

Or, mettre l’accent uniquement sur le processus revient à éclipser les citoyens en tant que destinataires finaux mais aussi pourvoyeurs de fonds. Puisque le citoyen est absent, les services sont offerts sans le moindre souci de tenir compte ni de la célérité, ni de la dextérité, encore moins de la rétroaction.

Ainsi, les es services supposés prendre moins de temps sont délibérément offerts dans des délais interminables, ce qui permet aux administrateurs de prendre plus qu’il n’en faut aux citoyens en leur imposant des tarifs supplémentaires. Le cas du service des passeports au sein du ministère de la sécurité en est une illustration.

À tous les niveaux de l’administration, les fonctionnaires cherchent à dépenser tout l’argent qui leur est accordé durant une année de peur de se voir enlever les excédents l’année suivante, et les gestionnaires s’occupent peu de la performance de leurs employés du moment où ceux-ci accomplissent les exigences minimales rattachées à leur fonction.

L’augmentation exponentielle du nombre de fonctionnaires, à travers des recrutements de commission, est également sans limite. Aujourd’hui, on ne peut pas compter le nombre de fonctionnaires et agents travaillant pour l’État. Cela crée une sorte de surenchère bureaucratique qui enlise la société. Ancrés dans ces pratiques, les bureaucrates n’ont aucune attirance pour l’innovation, ils utilisent le cadre légal pour se conformer aux moyens sans se soucier si les objectifs sont atteints.

Prises ensemble, ces pathologies ont provoqué la situation suivante : les fonctionnaires ne semblent pas réceptifs aux demandes des citoyens et ils n’ont aucun souci pour la qualité des services offerts, passant ainsi ‘’huit heures au travail au lieu de huit heures de travail’’.

à ce tableau lugubre et au regard de la rareté des ressources ainsi que les défis de changement qu’impose le numérique, une nouvelle vision de gouvernance plus adaptée et contraignante en l’occurrence la gestion par résultats devrait servir d’alternative.

En quoi consiste la gestion par résultats ?

La Gestion par résultats a été érigée en opposition au modèle bureaucratique à la suite des chocs pétroliers de 1972 à 1976 au cours desquels plusieurs administrations du monde occidental ont montré des faiblesses : déficit public croissant, détérioration des services, cout de la vie élevé, gronde sociale, etc.

Issue d’une hybridation, la Gestion par résultats est un cadre de gestion de la performance publique articulé autour de trois liens logiques établis entre la qualité des services offerts aux citoyens, l’optimisation des ressources et des moyens disponibles et la reddition de comptes assortie d’une forte imputabilité des gestionnaires publics.

La gestion par résultats est fondée sur un principe d’engagement de réalisation : il ne suffit pas aux gestionnaires de se fixer des objectifs, il faut aussi qu’ils s’engagent à les réaliser. Ainsi, l’action managériale contrainte par une obligation de résultats devrait permettre l’atteinte des cibles de résultats. Les trois contraintes à gérer sont la rareté des ressources et des moyens mis à la disposition des gestionnaires publics, la conformité au cadre juridico-administratif qui implémente le modèle comme cadre officiel de gouvernance et la satisfaction des citoyens, considérés comme clients ou bénéficiaires.

Dans son approche holistique, la gestion par résultats place la notion de ‘’résultats’’ au centre de l’action managériale et organisationnelle. Par résultats, Mazouz et Leclerc (2008) font référence à quatre catégories d’extrants, spécifiques et mesurables, que les gestionnaires publics doivent intégrer dans leur quête de performance : résultats de prestation, résultats de gestion, résultats d’orientation et résultats d’amélioration globale.

Au regard de cette définition, la GPR prend en considération les attentes exprimées par les citoyens en fonction des ressources disponibles et vise à l’atteinte de résultats en fonction d’objectifs préalablement établis. Elle permet donc de prendre des décisions éclairées tout en tenant compte du citoyen sous trois aspects : le citoyen-client, le citoyen-contribuable et le citoyen-actionnaire.

Comment la gestion par résultats peut-elle faire la différence ?

Pour le citoyen, la gestion axée sur les résultats représente beaucoup d’avantages et de possibilités. En effet, ce cadre de gestion assure à la population et aux entreprises la prise en considération, dans les décisions de l’administration gouvernementale, de leurs attentes et de leur satisfaction à l’égard de la qualité et de la prestation de services. Celui-ci leur permet également de :

  • bénéficier de service de qualité;
  • constater les écarts entre les prévisions et les réalisations;
  • porter un jugement éclairé sur les résultats

Pour les organismes administratifs, cette approche est une façon de gérer pour obtenir des résultats significatifs. Elle leur permet d’avoir une vision claire et de :

  • fixer des objectifs réalistes et de les prioriser;
  • prévoir les actions visant à les atteindre et même à les dépasser;
  • mesurer ses résultats et ajuster rapidement ses

Contrairement à la bureaucratie qui met l’emphase sur les procédures et protocoles, la gestion par résultats vise l’atteinte de résultats d’un point de vue rationnel en faisant du citoyen le roi (client) pour que ce dernier tire profit d’une meilleure gestion des ressources, d’une imputabilité accrue de l’administration publique et de service de qualité. Pour lui donner un caractère contraignant, elle devrait être implémentée par une Loi qui devra obliger tous les organismes publics à produire quatre documents publics :

  1. Une déclaration de services aux citoyens (qui exprime les objectifs quant au volume et la qualité des services offerts);
  2. Un plan stratégique (qui détermine les orientations de développement et les objectifs à atteindre);
  3. Un plan annuel de gestion des dépenses (qui établit les moyens privilégiés pour atteindre les objectifs);
  4. Un rapport annuel de gestion (qui rend compte des résultats obtenus et de la performance au cours d’une année).

L’administration publique a toujours été la machine de l’État qui produit des biens et des services visant à satisfaire les besoins des citoyens. L’ère pendant laquelle elle pouvait se conformer aux normes pour gouverner est maintenant révolue. Si nous admettons que la performance est dorénavant jaugée par les résultats, et ce, en nombre et en valeur, l’administration publique guinéenne devra transformer son mode opératoire pour introduire cette culture afin de mieux répondre aux besoins des citoyens dans un environnement en constante évolution.

Bangaly Aiba CONDÉ
Diplômé de l’École Nationale d’Administration Publique de Montréal

Références

  • Mazouz, B. (2017). La gestion par résultats : Concepts et pratiques de la gestion de la performance des organisations de l’État. Presses de l’Université du Québec
  • Mazouz, B. (2008). Le métier de gestionnaire public à l’aube de la gestion par résultats : nouveaux rôles, nouvelles fonctions et nouveaux profils. Presses de l’Université du Québec
  • Mazouz, B et Leclerc, F. (2008). Dictionnaire encyclopédique de l’administration publique.https://dictionnaire.enap.ca/dictionnaire/docs/definitions/defintions_francais/ge stion_resultats.pdf
  • Gayadeen, S. (2006). L’impact de la réforme administrative québécoise sur les objectifs du programme de soutien aux organismes communautaires : une évaluation axée sur les concepts valorisés par le nouveau management public. ENAP
  • Secrétariat du conseil du trésor du Québec. (2014). Guide de la gestion axée sur les résultats. Bibliothèque et Archives nationales du Québec. www.tresor.gouv.qc.ca/cadredegestion
2 commentaires
  1. Moussa Dounoh dit

    Un tres bon article qui detaille clairement la situation actuelle de la Guinee.

  2. KAKE dit

    Une très belle idée mon frère pour notre pays.
    Le service public basé sur les résultats. Je pense que c’est un bon exemple à suivre pour la Guinée. J’ai lu, je trouve que c’est pertinent vraiment.
    Comment appliquer un tel système dans un pays où les gens confond le service public à leur propre bien ou entreprise et ils font ce qu’ils veulent ?

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