Kenneth Blanchard, auteur américain et spécialiste du Management et du Leadership a défini le leadership comme la capacité d’influencer les autres en libérant leur pouvoir et leur potentiel afin d’avoir un impact sur le bien commun. Les leaders se reconnaissent par l’impact qu’ils ont sur leurs ‘’followers’’, leurs organisations, leurs communautés, leurs nations etc. Ils se reconnaissent surtout à travers les œuvres qui survivent après eux.
Partant de ce postulat et au regard de l’histoire socio-politique de la Guinée, il est aisé de constater un échec collectif et successif des leaders, justement à cause de l’impact qu’ils ont laissé sur le pays, la société guinéenne en général, l’environnement tant social, économique que politique.
Le premier constat est que les organisations qui ont porté nos valeureux leaders aux commandes de notre pays n’ont pu survire leurs fondateurs, leaders uniques et incontestés pour ne pas dire leurs ‘’entreprises individuelles’’ présentées comme des organisations hétérogènes, inclusives et de portée nationale, mais il suffit que le père fondateur quitte ou meurt pour que tout s’écroule!
La première révolution n’a pas survécu Ahmed Sékou Touré. Le libéralisme chaotique n’a pas survécu Lansana Conté. Le communisme teinté de corruption généralisée n’a pas survécu Alpha Condé. La refondation en cours survivra-t-elle Mamadi Doumbouya ?
Malgré la personnalité qu’il a incarné, la peur qu’il inspirait chez ses compatriotes, sa mainmise sur la Guinée pendant 26 ans, notre premier Président n’a pu trouver un successeur parmi les cadres qui ont tourné autour de lui pendant près de 30 ans. Il a légué des industries qui se sont toutes effondrées après sa disparition, allez comprendre pourquoi ! L’héritage le plus notable qu’il a légué à Lansana Conté est une armée et une administration qui n’ont aidé qu’à maintenir le pays dans le sous-développement et la pauvreté. L’armée a la réputation d’opprimer le peuple et de le violenter. Les fonctionnaires corrompus pour la plupart ont participé à piller les richesses du pays. Ils n’ont jamais pu faire la différence entre les biens publics et leurs propriétés personnelles.
Lansana Conté arrivé au pouvoir en 1984 par un coup d’Etat a la réputation d’avoir nommé le plus grand nombre de ministres dans l’histoire de la Guinée. Sans compter les présidents des autres institutions républicaines, des ambassadeurs et j’en passe. Parmi eux, on n’a trouvé personne pour remplacer le défunt président à la tête du pays. Le PUP, parti politique aux victoires à la soviétique qui écrasaient ses concurrents partout à travers le pays n’a pas survivre son maitre. Le parti mourut aussi comme son leader.
Les Guinéens se souviennent encore des dénonciations qui avaient ponctué le discours de prise de pouvoir du capitaine Moussa Dadis Camara. Il avait affirmé ‘’ramassé le pouvoir dans la rue’’. Il a hérité d’un système monté, structuré et implanté de façon à engloutir et défaire les chefs les plus coriaces. Il ne pouvait que succomber à la pression de l’équipe qui a conduit Lansana Conté à la dérive malgré son amour pour la Guinée.
Vint Alpha Condé, l’homme neuf aux mains propres. L’opposant historique qui avait toujours refusé de collaborer. Il abrège les 24 ans de règne de Conté en affirmant avoir pris la Guinée là où Sekou Touré l’avait laissée, c’est –à –dire en 1984. Comme ses prédécesseurs il hérita un pays à terre. Il affirma qu’il avait hérité d’un territoire et non pas un Etat. Le tout sera exprimé dans le slogan Guinea is back.
De 2010 à 2021, les Guinéens connaitront le régime le plus corrompu de son histoire. Les artisans de ce système de pillage des ressources ne sont autres que ceux recrutés et formés par les régimes précédents. Profitant de sa boulimie du pouvoir et sa volonté quasi obsessive de prouver qu’il était le Président de la République. Ils pillèrent les ressources du pays comme jamais avant.
Au finish, ils sont parvenus à convaincre l’opposant historique qu’il était devenu irremplaçable. C’est ainsi qu’il bravera le monde entier y compris ses amis et conseillers les plus proches pour briguer un troisième mandat anticonstitutionnel. Ce qui lui vaudra d’être déposé par les forces spéciales qu’il a lui-même constituées.
Aujourd’hui, son prétendu remplaçant à la tête du RPG, accusé d’enrichissement illicite et blanchissement de capitaux, croupi en prison et peine à faire l’unanimité au sein d’une formation politique en décadence.
Tous les leaders passés du pays, sans exception aucune, ont échoué à garantir des transitions pacifiques après leur temps de règne respectifs. Personne n’a pu assurer la survie de son establishement politique après le pouvoir ou la fin de vie. Ce qui a survécu est un système mafieux, corrompu, laxiste, prédateur et irresponsable qui suce le peuple jusqu’à la moelle, comme une sangsue.
La refondation impulsée par le Colonel Mamadi Doumbouya est aux prises avec le même système. Beaucoup d’annonces ont été faites. De grands chantiers sont en perspective, notamment dans les domaines de la lutte pour la moralisation de la gestion publique, la révision des contrats miniers, la construction des infrastructures. Malheureusement, peu à peu, la ceinture du système anti-progrès se reconstitue autour de Mohamed V. Certains pions ont pris place dans le palais. Une transition est en cours dans la transition. La refondation n’a pas encore fini de livrer ses secrets. Le Colonel va-t-il réussir là où tous ces prédécesseurs ont échoué ?
En tout état de cause, il est urgent que les Guinéens se ressaisissent et fassent une véritable rétrospective, tirent les leçons les plus utiles du passé et se résolvent à mettre un terme à cette situation intenable. Il est grand temps que ce système soit démoli et remplacé par une équipe d’hommes et de femmes intègres, patriotes, amoureux de la Guinée et des Guinéens. Cette équipe se chargera de bâtir une nation, un Etat de droit et une économie au bénéfice du résilient peuple de Guinée qui ne peut plus attendre.
Boubacar DIENG