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Guinée : la galère de minorités ethniques pour obtenir des pièces d’identité

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[dropcap]I[/dropcap]ls sont guinéens, issus de groupes ethniques minoritaires, mais traités, parfois, comme des étrangers dans leur propre pays. Les démarches administratives pour obtenir ou relever une pièce d’identité leur donnent du fil à retordre et relèvent d’un véritable casse-tête.

Les Bassaris, les Bédiks, les Koniaguis et les Badiarankés forment le groupe Tenda. Les membres de ces minorités ethniques rencontrent d’énormes difficultés dans leurs démarches, les obligeant à faire des allers-retours incessants pour obtenir les documents officiels.

Edouard Kaly Boubane se souvient encore du refus qu’a essuyé sa requête pour l’obtention d’une carte d’identité nationale dans un commissariat de police. « Nous sommes issus du groupe Tenda composé de Bassaris, Badiarankés, Koniaguis. Nous avons des patronymes très rares et qui ne sont pas trop connus. On nous dit que nous ne sommes pas Guinéens alors que nous sommes de la préfecture de Koundara, localité frontalière avec le Sénégal », campe-t-il.

Edouard est Koniagui. Sa communauté vit à Koundara dans les zones frontalières entre la Guinée et le Sénégal et porte les patronymes Beboune, Bonang, Bindia, Bidiar, Boubane, Biès, Bianquinche, Bangar ou encore Bangonine.

A Koundara, explique-t-il, « nous ne rencontrons aucun problème. Mais une fois à Conakry et dans les autres régions, le simple fait d’évoquer nos patronymes suffit pour qu’on nous demande d’où l’on vient. Nous sommes parfois frustrés par le fait qu’il faut justifier que nous sommes bel et bien des Guinéens ».

En 2012, rembobine-t-il, « pour renouveler ma carte d’identité, je me suis rendu au commissariat de police de la Bellevue dans la commune de Dixinn. Des agents de police m’y ont demandé si j’étais béninois ou togolais. Il fallait que j’appelle de hauts commis de l’Etat issus de ma communauté pour prouver que je ne suis un étranger. J’ai été contraint de présenter l’original de mon extrait de naissance pour qu’on puisse réaliser que je suis d’ici, pas d’ailleurs ».

Le cas d’Edouard Kaly Boubane est loin d’être isolé. Le Père Sébastien Tama Bidiar, curé depuis 31 ans et actuel directeur national des œuvres pontificales et missionnaires, a rencontré les mêmes difficultés. A la Police des frontières, une demande d’obtention de passeport lui est refusé à l’issue d’une interview en langue nationale, passage obligé pour obtenir le précieux sésame. « J’ai été étonné de voir le policier refuser d’établir mon passeport, parce qu’il se dit que je ne suis pas guinéen du fait de mon patronyme. C’est une discrimination », dénonce-t-il.

Son dossier sera finalement étudié par la hiérarchie policière devant laquelle il a dû justifier sa citoyenneté. « Sur la base des explications que j’ai données et de témoignages, le passeport m’a été délivré. J’ai finalement réalisé que parmi les intervieweurs, il n’y a pas de locuteurs de la langue bassari. Mais il est important qu’ils sachent que nous sommes des Guinéens à part entière même si beaucoup ignorent l’histoire », confie-t-il.

La police se défend

Au ministère de la Sécurité et de la Protection civile, Lamine Keita, contrôleur général de police et directeur central de la Police des frontières, déclare que sa direction est en droit, de s’assurer que les documents officiels ne sont délivrés qu’aux Guinéens. « On ne peut pas donner des documents de voyage à n’importe qui. Parfois dans les vérifications, on se rend compte que toutes les pièces versées au dossiers sont fausses. On est obligés de tout vérifier », déclare-t-il.

« Nous vérifions tous les documents que les demandeurs déposent à notre niveau. Mais l’élément fondamental de la procédure d’obtention du passeport, c’est l’interview. Celui qui se présente dans nos services et qui dispose d’un extrait de naissance authentique, nous procédons à son interview dans l’une de nos langues nationales. Si l’intéressé n’arrive pas à satisfaire l’agent qui a la compétence de l’interviewer, nous sommes obligés de le débouter de sa demande », avoue-t-il.

Rejetant tout idée de discrimination à l’égard de citoyens issus des minorités ethniques, le contrôleur général affirme : « On ne peut pas rejeter quelqu’un à cause de son patronyme. S’il ne satisfait ceux qui sont en face de lui pendant l’interview, nous transférons son dossier à la division administrative et juridique pour mener des enquêtes administratives. Dire qu’on rejette une personne à cause de son nom et de son origine, c’est ma première nouvelle. Je ne suis pas au courant de cela ».

Il assure que ses agents sont triés sur le volet pour mener les interviews en fonction de la langue du demandeur. « Quand on nous présente quelqu’un qui ne maitrise pas une langue d’ici, on l’envoie à la division administrative et juridique. C’est le cas notamment de demandeurs qui sont nés et ont grandi en dehors de la Guinée. Beaucoup d’entre d’eux ne parlent pas nos langues nationales », explique-t-il.

Quand le doute persiste au cours de la procédure, la Police des frontières mène sa propre investigation. « Là, le demandeur doit présenter des témoins qui doivent attester qu’il est Guinéen. Le dossier est ensuite déposé au niveau du directeur central qui apprécie et donne son accord ».

 

 

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