Question à 80 millions de francs guinéens : quel est le pays qui cumule le plus grand nombre de paradoxes ? Réponse : la Guinée. Oui, la Guinée Conakry.
Tenez ! 1er paradoxe : véritable scandale géologique, à l’instar de la République démocratique du Congo (RDC) en raison de l’abondance de ses richesses minières, la Guinée demeure jusque-là l’un des pays les plus pauvres de la planète.
Bauxite, diamant, alumine et or, pour ne citer que ces ressources, gisent à profusion dans son sous-sol. N’empêche, le pays de Sékou Touré reste un éternel abonné au monde des nations les plus miséreuses.
Deuxième paradoxe bien guinéen : pays réputé pour l’importance de ses ressources hydriques et pour sa pluviométrie, exceptionnellement généreuse, la Guinée crève pourtant de soif. Au «Château d’eau de l’Afrique de l’Ouest», l’eau potable est la denrée la moins disponible. D’où la colère légitime, ces dernières semaines, d’habitants de Conakry qui n’en peuvent plus de vivre les pieds sous l’eau et de mourir déshydratés.
En voulez-vous encore de ces contradictions dont ce pays est coutumier ? Eh bien plongez avec nous dans l’univers politique. Particulièrement dans les législatives du 30 juin à venir.
Sachez que pour être autorisé à faire acte de candidature, chaque prétendant doit casquer la somme de 80 millions de francs guinéens. Oui, vous avez bien lu, la somme de 80 millions. Rapportés au CFA, cela fait près de 5 900 000. Plus de dix fois la garantie exigée, par exemple chez nous au Burkina Faso.
Une caution himalayenne dans l’un des pays les plus pauvres du monde, voilà l’autre paradoxe qui nous vient du Fouta Djalon.
Et comme il fallait s’y attendre, à la date de clôture du dépôt des dossiers, intervenue le lundi 20 mai dernier, seulement une vingtaine de partis politiques sur une centaine ont pu faire acte de candidature. Aucun, même pas le parti au pouvoir, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), n’a pu présenter de listes dans toutes les 38 circonscriptions électorales.
L’opposition politique, qui a obtenu près de 75% des suffrages à la présidentielle, n’a déposé aucune candidature. Faute de moyens ou manifestation d’un refus de participer à une élection dont les conditions d’organisation divisent depuis la classe politique ?
Depuis plusieurs mois, l’opposition, qui accuse le pouvoir de «vouloir truquer le scrutin», ne cesse d’appeler ses partisans dans la rue. Elle exige, entre autres, l’annulation du décret présidentiel fixant le scrutin au 30 juin, l’arrêt des activités de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et le vote des Guinéens de l’étranger. Autre point de discorde entre les deux camps : le choix de l’opérateur technique électoral, Waymark, accusé d’être de connivence avec le pouvoir.
Alors, et si cette caution prohibitive était du pain bénit pour cette opposition qui, vraisemblablement, s’est inscrite dans la logique de la stratégie du pourrissement ?
En effet, depuis sa victoire volée ou sa défaite à la présidentielle de 2010, c’est selon, Cellou Dalein Diallo, président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), et ses alliés ont revêtu la tunique de l’irrédentisme au point de porter des coups de canif à un processus électoral déjà poussif.
Alors de quoi accoucheront les législatives du 30 juin que d’aucuns qualifient de tous les dangers ? Probablement d’une autre crise politique dont on ignore pour le moment l’ampleur.
Mais au pays des paradoxes, les prédictions, même les mieux inspirées, peuvent être contredites. Et c’est tout le mal que l’on souhaite à la Guinée.
In L’Observateur.bf