Guinée : un militaire peut être candidat à la Présidence sans que la démission soit une exigence constitutionnelle formelle
Le caractère absolu de l’inéligibilité du militaire en activité, tel que défendu dans l’article, ne repose sur aucune interdiction explicite dans la Constitution guinéenne. En droit, un militaire peut être candidat à la Présidence, sous réserve de garanties procédurales, sans que la démission soit une exigence constitutionnelle formelle.
I. L’article 186 ne constitue pas une clause d’inéligibilité
L’article 186 de la Constitution guinéenne dispose que : « Les Forces de défense et de sécurité sont républicaines et apolitiques. Elles disposent du droit de vote. Elles sont au service de la Nation et soumises à l’autorité civile légalement établie. Nul ne peut les détourner à ses propres fins. »
Ce texte consacre la neutralité institutionnelle des forces armées, mais ne contient aucune interdiction explicite de candidature pour les militaires en activité. Il encadre le comportement collectif des forces armées, non les droits individuels des militaires.
En droit constitutionnel, toute restriction à un droit fondamental doit être expresse, précise et proportionnée. L’article 186 ne remplit pas ces conditions pour fonder une inéligibilité.
II. L’article 45 garantit un droit universel d’éligibilité
L’article 45 de la Constitution guinéenne stipule que : « Tout citoyen guinéen jouissant de ses droits civils et politiques peut être candidat à la Présidence de la République. »
Ce droit est de rang constitutionnel, supérieur à toute loi ordinaire. Il ne prévoit aucune exclusion fondée sur le statut militaire. La seule condition est la jouissance des droits civils et politiques, que le militaire conserve tant qu’il n’est pas frappé d’incapacité légale.
Le Statut général des militaires (L/2019/0041/AN), à son article 10, interdit l’adhésion à des partis politiques et exige la démission pour mener des activités politiques. Mais cette loi est ordinaire, donc inférieure à la Constitution. Elle ne peut restreindre un droit constitutionnel sans base expresse dans la Constitution elle-même.
III. La mise en disponibilité : une alternative légale à la démission
Le droit administratif guinéen reconnaît la mise en disponibilité comme un mécanisme permettant à un agent public de se retirer temporairement de ses fonctions sans démissionner.
Le militaire chef de la transition peut être mis en disponibilité ou suspendu de ses fonctions militaires pour se conformer à l’article 10 du Statut, sans renoncer à son statut ni violer la neutralité de l’armée.
Cette solution respecte à la fois la neutralité militaire et le droit d’éligibilité, sans créer une inéligibilité absolue non prévue par la Constitution.
IV. Le contexte transitoire appelle une lecture finaliste du droit
La transition politique est un moment d’instauration, non de dérogation. Mais elle implique des ajustements normatifs. Le chef de la transition, bien qu’issu de l’armée, exerce une fonction civile suprême. Il ne peut être assimilé à un militaire ordinaire.
En droit comparé, des militaires ayant dirigé des transitions ont été candidats sans démission formelle préalable, sous réserve de garanties procédurales (ex. : Amadou Toumani Touré au Mali, Jerry Rawlings au Ghana).
V. Le droit international ne prévoit pas d’interdiction individuelle
La Charte africaine de la démocratie et le Protocole de la CEDEAO consacrent la neutralité des forces armées, mais ne définissent pas les conditions d’éligibilité présidentielle. Ils visent à prévenir les ingérences institutionnelles, non à exclure des individus de la compétition électorale.
Ces instruments n’ont pas de portée contraignante directe sur les candidatures individuelles, sauf si transposés explicitement dans le droit interne.
Conclusion
Aucune disposition constitutionnelle guinéenne n’interdit formellement à un militaire en activité de se porter candidat à la Présidence. La démission, bien qu’encouragée par le Statut militaire, n’est pas une exigence constitutionnelle absolue. Le droit guinéen permet une conciliation entre neutralité militaire et droit d’éligibilité, notamment par la mise en disponibilité. Toute interprétation contraire relève d’une lecture politique, non d’une obligation juridique.
Ousmane Mohamed CAMARA

